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 Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre)

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MessageSujet: Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre)   Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) EmptyJeu 9 Jan - 17:36

Cette semaine, alors que le projet de loi agricole est discutée à l’Assemblée nationale, une campagne est lancée par la Confédération paysanne contre le projet de ferme-usine des " Mille vaches ". Dans la Somme, ce projet d’immense étable industrielle s’apprête à bouleverser l’élevage. Reporterre commence une série d’enquêtes sur ce projet inquiétant.

Dans la Somme, le projet des Mille Vaches veut transformer l’agriculture en industrie

lundi 6 janvier 2014

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Arton5221-9e148

Soit un plateau de craie intensivement livré à la pomme de terre, à la betterave, au colza, au blé. Le fleuve qui a donné son nom au département se jette dans la Manche, dans cette si fameuse baie de Somme où prospère tant bien que mal une colonie de phoques veaux-marins. Plus haut, le puissant Nord-Pas-de-Calais des barons socialistes ; plus bas, l’Île-de-France des ministères et des grandes décisions. C’est là, tout près d’Abbeville, qu’on prétend ouvrir la plus grande ferme de la longue histoire agricole française. Mille vaches. Mille vaches prisonnières de l’industrie.

Quand on arrive sur le chantier de la Ferme des Mille vaches, il vaut mieux avoir le cœur en fête, car la plaine agricole fait vaciller le regard. À perte de vue, des immenses monocultures, rases encore en ce début d’hiver. Aucun arbre. Nulle haie. L’industrie de la terre. De Drucat, aller jusqu’au hameau Le Plessiel, puis prendre à gauche la départementale 928, sur environ 500 mètres, en direction d’Abbeville, qui n’est qu’à deux pas. C’est donc là. Mais où ?

Il faut s’arrêter juste avant le Centre de formation de l’Automoto-école de la ZAC, et prendre un chemin de boue grise qui le borde. À main gauche, un no man’s land de bâtiments préfabriqués, d’asphalte râpé et d’herbes clairsemées. C’est dans ce lieu guilleret que l’on apprend à manier motos et poids lourds, avant de s’aventurer sur la route. À main droite, trois cents mètres plus loin, le vaste chantier de la Ferme des Mille vaches. Un immense hangar posé sur des piliers en acier, sans murs encore, un petit bâtiment à l’entrée, un semblant de grue, deux bétonnières, quelques ouvriers de l’entreprise belge Vanbockrijck, spécialiste des « plaques de béton coulées pour les silos ».

L’objectif de cette usine en construction ? Produire du lait à un prix de revient très bas et transformer fumier et lisier des animaux en électricité au travers d’un gros méthaniseur.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Chantier_france_info_v_1-26727

Il en est plusieurs points de départ à cette stupéfiante affaire, mais le voyage en Allemagne préfigure de nombreux développements. Habitué aux mœurs du BTP – il en est un champion régional -, le promoteur Michel Ramery embarque le 14 avril 2011 une quarantaine de personnalités de la région. Par avion. Il y a là le maire socialiste d’Abbeville, Nicolas Dumont, des conseillers généraux, des maires, dont Henri Gauret, celui de Drucat, où pourrait être construit le méthaniseur (voir encadré ci-dessous). Gauret est d’une race si peu ordinaire que s’il accepte le voyage, il exige de le payer, ce que ne feront pas les autres.

Sur place, on leur fait visiter deux fermes modèles, avec méthaniseur bien sûr. Pas d’odeur, pas de malheur : tout a été soigneusement préparé.

Je me suis dit, " Pauvres bêtes ! "

Et puis plus rien. Mais un jour d’août 2011, Henri Gauret découvre avec stupéfaction qu’une enquête publique doit commencer le 22 août, alors que la moitié de la population est en vacances. « Vous comprenez, dit-il à Reporterre, Drucat est un village résidentiel de neuf cents habitants. Des habitants d’Abbeville ou même d’Amiens ont fait construire ici pour le calme, la nature. Mes premiers contacts avec Michel Ramery, fin 2010, n’ont pas été mauvais, mais quand j’ai découvert cette histoire d’enquête publique, là, comme on dit, ça m’a drôlement interpellé ». Et Gauret alerte la population du village par un courrier déposée dans la boîte à lettres, déclenchant une mobilisation générale.

Gilberte Wable s’en souvient comme si c’était hier. « Cette histoire m’a mise en colère, dit-elle à Reporterre. Mon premier mot a été pour les vaches. Je me suis dit : ’ Pauvres bêtes ! ’. Les enfermer à mille, dans un espace si petit qu’elles ne peuvent pas bouger leurs pattes, je ne pouvais pas supporter. J’ai pris un papier, un stylo, et j’ai rédigé une première pétition que j’ai fait signer un soir à mon Amap. Tout le monde a signé, mais on n’était encore qu’un groupuscule. Dans un deuxième temps, j’ai rallongé le texte, et on l’a fait circuler à Drucat, où près de 80 % des adultes ont signé. Après, il y a eu la réunion publique. »

Un autre moment fondateur. Le 26 septembre, deux cents personnes se pressent dans la salle polyvalente de Drucat, qui n’a pas l’habitude d’une telle foule. Ramery est là, en compagnie de Michel Welter, son chef de projet, et du sous-préfet. Henri Gauret, qui préside, s’inquiète fort de l’ambiance et regrette, aujourd’hui encore, certains mots employés contre Ramery par les opposants les plus chauds. « La colère grondait ! reprend Gilberte Wable. On a demandé à Ramery de s’expliquer, et il a juste lâché : ’ Vous avez vos droits, j’ai les miens ’. Le dialogue était impossible. Ce soir-là, je suis sûre qu’il pensait pouvoir passer en force. Il ne voyait pas que nous allions nous souder. Mais nous non plus ».

Habitué à tout obtenir des politiques (voir un prochain volet de notre enquête), Ramery a toujours dédaigné l’opinion, ce qui va lui jouer un mauvais tour. Car en effet, une équipe gagnante se met en place. Derrière Gilberte Wable et quelques autres pionniers apparaît un véritable tribun, Michek Kfoury, médecin-urgentiste à l’hôpital d’Abbeville. Et Kfoury, habitant de Drucat, ne se contente pas de fédérer l’opposition : il l’entraîne sur des chemins très inattendus.

Au passage, des centaines de contributions pleuvent sur le cahier de doléances de l’enquête publique, sans aucunement troubler le commissaire-enquêteur, qui donnera sans état d’âme un avis favorable. Le 17 novembre 2011, dans une certaine ferveur, naît l’association Novissen. Drucat est en pleine révolte populaire, ce dont se contrefichent, bien à tort, les élus locaux et les copains de Michel Ramery, qui sont souvent les mêmes. La suite n’est pas racontable ici, tant les épisodes du combat sont nombreux. Ceux de Novissen inventent leur combat jour après jour, inaugurant par exemple le 2 juin 2012 une Ronde des indignés sur la place Max Lejeune d’Abbeville, la sous-préfecture voisine.

Malgré tout, la machine officielle avance. En février 2013, le préfet accorde une autorisation d’ouverture portant sur cinq cents vaches, et non pas mille. Tout le monde comprend qu’il s’agit d’une simple ruse administrative : l’essentiel est de lancer l’usine à vaches, qu’on pourra facilement agrandir ensuite. Mais que faire ? Le principal renfort viendra de la Confédération paysanne, qui va mettre des moyens exceptionnels au service d’un combat commun.

Ce syndicat minoritaire, connu il y a dix ans par son porte-parole de l’époque – José Bové -, se dote d’un « responsable des campagnes et actions » jeune et enthousiaste, Pierre-Alain Prévost. Reporterre est allé l’attraper au siège de la Conf’, comme on appelle le syndicat, dans la banlieue parisienne.

« J’ai rencontré les gens de Novissen à Abbeville, confie-t-il, et puis nous nous sommes retrouvés pour une manif au Salon de l’Agriculture, en mars 2013. Et c’est alors que j’ai dit au Comité national du syndicat : ’Il faut y aller !’. J’ai creusé le dossier, j’ai appelé pas mal de gens, et on a commencé. Laurent Pinatel, notre porte-parole, a embrayé ».

Une visite mouvementée

À partir de juin 2013, la Conf’ prépare dans le plus grand secret une opération grand style. Ce qui donnera, dans la nuit du 11 au 12 septembre 2013, une visite mouvementée sur le chantier de la Ferme des Mille vaches.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Ramery_action_nocturne_2_v_1-66080

Vingt syndicalistes peignent sur place une inscription de 250 mètres de long : « Non aux 1000 vaches ! ». Au passage, ils subtilisent des pièces des engins de chantier – qui seront rendues – et dégonflent les pneus des véhicules présents.

Non seulement Ramery porte plainte, ce qui peut se comprendre, mais son chef de projet, Michel Welter, se ridiculise en affirmant sans rire : « C’est du terrorisme pur et dur ». La suite est moins distrayante, car six personnes, dont le président de Novissen Michel Kfoury, sont placées en garde à vue, bien que l’association n’ait nullement été mêlée à l’action de la Conf ’.

Cela n’altère d’aucune façon la détermination générale. Il faut dire que Novissen dispose d’un avocat en or massif, Grégoire Frison. Ce spécialiste du droit de l’environnement, installé à Amiens, reçoit Reporterre en rappelant quelques heureuses évidences. « Le fric, mais ça ne doit servir qu’à vivre mieux ensemble, pas à spéculer ! Un tel projet ne peut que créer de la misère sociale en ruinant des dizaines de petits éleveurs laitiers. En faisant disparaître nos potes. Oui, nos potes ! Ceux avec qui nous pouvons envisager un art de vivre, une communauté vivante. Ce que Ramery et ses soutiens déteste, c’est justement cette solidarité qui renaît entre paysans et néo-ruraux ».

Sur le plan juridique, explique Frison, le combat pourrait bien rebondir dès ce mois de janvier, grâce à une plainte déposée pour non-respect du permis de construire. La faute à l’un des vice-présidents de Novissen, Claude Dubois. Ce dernier, plutôt rigolard, raconte à Reporterre : « J’ai un permis d’avion, mais depuis quelques années, je fais surtout de l’ULM à partir de l’aérodrome d’Abbeville, qui est tout proche du chantier de la Ferme. Comme je faisais beaucoup de photos aériennes, j’ai plutôt l’œil. Et puis le 28 novembre dernier, on a appris que M.Ramery avait déposé une demande de permis de construire modificatif. J’ai pris des photos, j’ai comparé avec les plans officiels de la Ferme, j’ai sorti mon triple décimètre, et j’ai compris ».

Les photos de Claude Dubois sont sans appel. On y voit notamment un espace entre deux bâtiments bien plus grand que sur le plan déposé. Et, pire, des fondations au beau milieu, alors qu’aucun hangar ne devrait être construit si l’on s’en tient au permis de construire.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Chantier_avec_cotation_du_realise_v_1-69137

Ce splendide pied de nez ne plaît en tout cas pas du tout à Ramery, qui a sonné les gendarmes locaux, qui n’ont pas hésité à aller tancer le président de l’aérodrome. « Le président, rigole Claude Dubois, m’a dit : ’ Ramery n’est pas content qu’on survole son chantier. Sois gentil, respecte l’altitude minium ’. Ce que j’ai toujours fait. Mais depuis quand n’aurait-on pas le droit de survoler un chantier ? ».

Certes, ce nouveau front ne fait que s’ouvrir, mais il réjouit déjà ceux de Novissen. « C’est très bon signe, assure Gilberte Wable. M. Ramery fait des bêtises ahurissantes. Comment ose-t-il ne pas respecter un permis de construire aussi controversé ? ». La Confédération paysanne lance à partir du 6 janvier une nouvelle vague de manifestations. Cette fois, partout en France. La « Ferme des 1000 vaches » est loin d’avoir gagné la partie.

Le détail du projet

Le 23 février 2011, la Société civile d’exploitation agricole (SCEA) Côte de la justice, propriété de l’industriel du BTP Michel Ramery, dépose une demande d’ouverture d’une ferme sans aucun précédent en France. Il s’agirait d’un « élevage » de mille vaches laitières, auxquelles s’ajouteraiennt en permanence sept cent cinquante veaux et génisses. Le hangar où entasser les animaux a, sur les plans, la taille d’un pétrolier : 234 mètres de longueur. En industrialisant de la sorte la production de lait, on abaisse ses coûts de production.

Mais le projet est à double détente, car le lisier et le fumier des animaux seraient récupérés, puis mis à fermenter dans un méthaniseur, transformant le tout en biogaz. Ce dernier, contenant surtout du méthane, serait ensuite transformé en une électricité revendue à EDF.

Le méthaniseur des mille vaches prévoit au départ une production d’électricité de 1,489 mégawatts (MW). En cette année 2011, cela représente près de 30 % de la puissance de tous les méthaniseurs agricoles en France. On change d’échelle. Depuis, l’arrêté préfectoral du 1er février 2013 a très légèrement réduit la puissance, qui demeure de dimension industrielle.

La méthanisation a le vent en poupe, car elle permet, sur le papier, d’assurer un complément de revenus à des petits paysans perpétuellement menacés de disparition. En outre, L’électricité obtenue à partir du méthane est fortement subventionnée. EDF garantit sur quinze ans un prix de rachat aujourd’hui supérieur de deux fois à celui du marché.

Le gouvernement Ayrault pousse de toutes ses forces dans cette direction, notamment au travers de son plan Energie méthanisation autonomie azote (EMAA), annoncé en mars 2013. La Ferme des Mille vaches est à tout point de vue hors-normes, et sort d’évidence du cadre agricole. Les animaux ne sont plus que prétexte à produire de l’énergie, généreusement payée par la collectivité nationale. La vache n’est plus au centre de la production, et devient en réalité un sous-produit industriel. Une révolution.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Methaniseur_agricole_v_1-d1ee4
- Méthaniseur agricole -

Ce bouleversement radical est déjà une réalité en Allemagne, où 800 000 hectares (sur une surface agricole utile de près de dix-sept millions d’hectares) sont plantés pour la seule production d’électricité. L’imitation de ce modèle marquerait une rupture définitive avec la mythologie d’une agriculture française longtemps destinée, officiellement du moins, à « nourrir la planète ». Les agrocarburants – l’usage de plantes alimentaires pour fabriquer du carburant – n’ont donc été qu’une première étape.

La chronologie de la bataille

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 23 février 2011, un industriel du Nord-Pas-de-Calais, Michel Ramery, dépose une demande d’ouverture d’une ferme de mille vaches, couplée à un méthaniseur pour produire de l’électricité. Les 7,5 hectares d’emprise se situent sur le territoire de deux communes de la Somme : Buigny-Saint-Maclou et Drucat-le-Plessiel.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 14 avril 2011, M. Ramery embarque quarante personnes en avion, direction l’Allemagne. Parmi les invités – car c’est lui qui paie -, des maires, des conseillers généraux, le sous-préfet d’Abbeville, le maire d’Abbeville. Visite commentée dans deux fermes de la région de Hambourg, où fonctionne un méthaniseur.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 22 août 2011, en plein milieu des vacances, début de l’enquête publique. Le maire de Drucat, Henri Gauret, redoute que la population du village – neuf cents habitants -, dispersée par l’été, ne participe pas à l’enquête. Il distribue dans toutes les boîtes aux lettres un feuillet d’information. Une pétition de six cent trente neuf signatures contre le projet sera finalement remise au commissaire-instructeur.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 26 septembre 2011, réunion publique houleuse à la salle polyvalente de Drucat. deux cents personnes sont présentes, y compris Michel Ramery – qui s’exprime brièvement avant de s’en aller, craignant comme d’autres participants un débordement.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 17 novembre 2011, création de l’association Novissen, acronyme de NOs VIllages Se Soucient de leur ENvironnement. Le 22 janvier 2012, Novissen enregistre son millième adhérent.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 20 novembre 2011, le commissaire-enquêteur donne un avis favorable à l’enquête publique.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 17 février 2012, le préfet annonce une décision sous deux mois, qui ne viendra pas. Le lendemain, manifestation d’environ mille personnes dans les rues d’Abbeville.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 2 juin 2012, première Ronde des indignés sur la place Max Lejeune, à Abbeville.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 30 juin 2012, la pétition contre le projet a atteint vingt-cinq mille signatures.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 21 août 2012, toujours pas de décision. Le préfet évoque la nécessité de « derniers réglages » avec le promoteur, Michel Ramery. La pétition dépasse trente mille signataires.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 7 mars 2013, malgré d’innombrables actions, un permis de construire est accordé par le préfet de la Somme. Le projet, qui portait sur mille vaches, est ramené à cinq cents, au moins provisoirement.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 12 avril 2013, premier blocage du chantier.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 12 septembre 2013, après d’innombrables actions, des membres de la Confédération paysanne s’introduisent de nuit sur le chantier et ôtent diverses pièces aux engins de chantier, qui seront restituées.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 28 septembre 2013, manifestation de mille personnes sur le chantier. La pétition dépasse quarante mille signatures.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 15 novembre 2013, manifestation de la Confédération paysanne aux abords du ministère de l’Agriculture, à Paris. Les CRS interviennent.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 21 novembre 2013, à la suite d’une plainte de Michel Ramery contre les « démonteurs » du 12 septembre, six personnes sont placées en garde à vue, dont le président de Novissen, Michel Kfoury.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 Décembre 2013 : la pétition atteint quarante cinq mille signatures.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Logo_non_v_1-5c79e

Voir aussi :

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 Contre le projet de Ferme des mille vaches, une vidéo détonnante de La vache en colère.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 Novissen et Confédération paysanne, libérés après sept heures de garde à vue, 21 novembre 2013.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 Pourquoi s’opposer à la Ferme des mille vaches ?, 16 septembre 2013.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 Paroles de paysans contre l’usine à vaches en Picardie, 13 septembre 2013.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 La Confédération paysanne a pris d’assaut un grand projet agricole inutile, 12 septembre 2013.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 Un village picard résiste à l’usine à vaches, 2 mars 2013.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Puce-32883 Une ferme géante provoque la polémique dans la Somme,16 février 2012.

Fabrice Nicolino pour Reporterre.
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MessageSujet: Re: Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre)   Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) EmptyJeu 9 Jan - 18:17

Les dix embrouilles de la ferme des Mille vaches

mardi 7 janvier 2014

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Arton5206-09501

Un projet de ferme de mille vaches en Picardie, pour produire du lait à bas coût et de l’énergie renouvelable ? Trop beau. Sauf que dix embûches transforment ce mirage en un désastre écologique.

A Drucat et à Buigny-Saint-Maclou, dans la Somme, un entrepreneur de BTP, Michel Ramery, veut construire une "ferme" concentrant mille vaches pour produire de l’énergie (par leur lisier) et du lait à prix cassé. L’examen du dossier révèle son impact nuisible.

Les petits secrets du préfet

Récapitulons. Le 1er février 2013, le préfet de la Somme prend un arrêté qui autorise l’ouverture d’une ferme de 500 vaches associée à un méthaniseur industriel. Le 19 février, l’avocate de l’association Novissen lui réclame par courrier recommandé la copie du ténébreux dossier ayant conduit à cette décision. Le 18 mars, la même réitère la demande par lettre recommandée avec accusé de réception. Le même jour, elle saisit la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada), qui donne le 18 avril un avis favorable à la communication des pièces réclamées par les opposants. Il faudra pourtant attendre novembre pour que le préfet accepte de communiquer le dossier, entretenant bien entendu doutes et inquiétudes. Pourquoi une si longue rétention d’information de la part d’un fonctionnaire de la République ?

Le grand risque méconnu des médicaments

Le scandale est, dans ce domaine, légal. Pour se donner une idée de ce qui serait utilisé dans la « Ferme des 1000 vaches », se rapporter à deux sources principales. La première est l’Index des médicaments vétérinaires autorisés en France. La seconde est la liste, définie par arrêté, de ceux employés dans l’élevage. Le tout est interminable, et contient des antibiotiques, des anthelminthiques, des anticoccidiens, des douvicides, des hormones, des vaccins, etc. À votre avis, comment soigne-t-on les mammites à staphylocoque doré ou la diarrhée virale bovine ?

La concentration en un même lieu de tant d’animaux rend inévitable l’usage constant, massif, de médications chimiques préventives ou curatives. Le résultat est inscrit dans le projet, et pour ne prendre que l’exemple des antibiotiques, il est catastrophique. Dans le monde, 50 % des antibiotiques produits sont destinés aux animaux, pour l’essentiel d’élevage, entraînant mécaniquement des phénomènes de résistance et l’apparition de souches microbiennes potentiellement meurtrières pour les animaux et les hommes. Ce qu’on appelle couramment l’antibiorésistance.

Avis autorisé du professeur Antoine Andremont (Laboratoire de bactériologie médicale de l’hôpital Bichat - Claude-Bernard) : « Nous sommes dans une situation précatastrophique. C’est le moment d’agir ». Et c’est à ce moment qu’on tente d’ouvrir la « Ferme des 1000 milliards de microbes ». Cherchons l’erreur.

La disparition programmée des vrais éleveurs

Faut-il croire l’éternel discours sur la promesse d’emplois ? Un élevage de mille vaches ne saurait devenir le miracle de la multiplication du lait. Ce qu’on produirait ici d’un côté ne le serait évidemment pas ailleurs. Or la gestion de mille vaches requiert environ cinquante emplois dans des exploitations normales d’élevage laitier. Certes, l’autorisation ne porte sur l’heure que sur cinq cents vaches, mais comment croire que l’on s’arrêtera là ? Le seuil de rentabilité de l’affaire est fixé par un responsable du projet, Michel Welter, à huit cent cinquante bêtes au moins. La Ferme des mille vaches pourrait employer une dizaine de personnes au mieux, ce qui implique mécaniquement une disparition d’une quarantaine d’emplois : en effet, la production massive de lait à bas coût de revient créera une concurrence à laquelle ne pourront résister les expoitants alentour.

Sans compte les effets secondaires, dont une désertification accrue. Commentaire général de la Confédération paysanne : « Ce type d’implantation signe la fin du monde paysan : avec ce modèle, combien d’élevages laitiers seront encore nécessaires en France en 2020 ? Le calcul est simple : 2 500 à la place de 70 000 ! ».

Les surprises de l’alimentation en eau

Comment alimenter en eau une pareille installation ? Selon les prévisions officielles de la préfecture de Picardie, " l‘élevage nécessite la réalisation de forages pour l’alimentation en eau de l’exploitation (40.000 m3/an) ", comme indiqué dans ce document de 2011 :

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Pdf-73195

" En effet, le réseau d’alimentation en eau potable n‘est pas en mesure de fournir le volume nécessaire et présente une eau trop chlorée ".

C’est presque rigolo. L’eau du robinet ne va pas. Il faudra puiser dans une nappe phréatique qui sera, dans le même temps, inévitablement polluée par l’épandage du digestat issu du méthaniseur. Au programme : résidus médicamenteux, dont des antibiotiques, nitrates, pesticides. Il est prévu de se brancher sur le réseau d’adduction d’eau potable pour nettoyer le gigantesque hangar-étable et faire boire la poignée de salariés. Mais pour cela, il faudra tirer sur l’eau venue de Nouvion, village voisin. En effet, le captage de Drucat, menacé par les pesticides, est fermé.

Mais où ira donc le digestat ?

Bon appétit. Il s’agit en effet de récupérer un savoureux mélange d’urine et d’excrément, de mélanger ce lisier à d’autres déchets, et de passer le tout dans le méthaniseur géant, censé produire électricité et chaleur. Reste la délicate question du digestat, ce résidu solide composé de tout ce qui ne s’est pas changé en gaz. Où diable balancer ces 40 000 tonnes par an ? La Bretagne et la France se ruinent en plans d’action pour limiter les épandages, responsable des marées vertes. Malgré les promesses, la méthanisation ne règle rien. Extrait du rapport du ministère de l’Agriculture sur la méthanisation (par Philippe Balny et François Roussel, en décembre 2012) : « La méthanisation conserve les fertilisants que sont l’azote [précurseur des nitrates] et le phosphore » et ne saurait donc apporter « en elle-même de solutions aux excédents de fertilisants organiques »« où les plans d’épandage sont saturés ». M. Ramery aurait besoin de trois mille hectares pour épandre son digestat, et tout indique qu’il n’en a probablement aujourd’hui que la moitié : il doit en effet passer de multiples contrats avec des agriculteurs disposant de superficies disponibles pour cet épandage. Où ira donc le digestat ?

Pourquoi pas des déchets industriels ?
L’arrêté préfectoral du 1er février 2013, autorisant l’ouverture, précise aimablement : « La capacité maximale de traitement du méthanier est limitée à 19 150 t/an pour les déchets agricoles de l’exploitant et à 13 050 t/an pour les déchets extérieurs, soit un total maximal de 32 200 t/an. Les apports extérieurs traités par le méthaniseur ne pourront excéder en aucun cas 41% du total ».

Voici cet arrêté :

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Pdf-73195

En clair, près de la moitié de ce qui serait enfourné dans le méthaniseur ne proviendra pas de la ferme industrielle. Mais d’où, alors ? Le moins que l’on puisse écrire, c’est que l’opacité est totale. La communauté de communes de l’Abbevillois, qui englobe Drucat, est à la recherche effrénée, depuis des années, d’un lieu pouvant abriter une déchetterie, recevant notamment des " déchets verts ". La Ferme des mille vaches dissimule-t-elle au passage un projet de cette sorte ?

Les textes officiels prévoient qu’un méthaniseur peut être alimenté par des boues de stations d’épuration, des déchets hospitaliers ou de l’industrie pharmaceutique, des ordures ménagères. Que va-t-on faire fermenter dans le méthaniseur de Drucat ?

Un méthaniseur agricole ou industriel ?

Évidemment, il y a détournement de la loi. Pas de sa lettre, mais de son esprit. Le décret du 16 février 2011 « relatif aux modalités de production et de commercialisation agricoles de biogaz, d’électricité et de chaleur par la méthanisation » vise explicitement les paysans. Dans l’esprit du législateur, il s’agit d’accorder une (petite) ressource supplémentaire à des paysans souvent menacés de disparition. Mais M. Ramery est-il un paysan ?

Sur le papier, oui, car il est le propriétaire d’une ferme de deux cents vaches à Airaines, non loin d’Abbeville. Mais en réalité, et personne ne le conteste, il est un grand industriel du BTP, et c’est en industriel qu’il a pensé le projet des « 1000 vaches ». Autrement dit, il utilise un dispositif créé pour d’autres, sans avoir à subir la réglementation et les contrôles d’une activité industrielle potentiellement dangereuse. Car faire fermenter des dizaines de milliers de tonnes d’un mélange produisant un gaz, c’est dangereux. Les deux « digesteurs » contiendraient chacun 4 500 m3 d’une tambouille fermentescible.

La taille du méthaniseur est en soi un problème, car avec sa puissance de 1,489 MW (mégawatts), il est sept fois plus important que la moyenne des méthaniseurs agricoles projetés la même année – 2011 – que lui : soit 0,2 MW.

Enfin, soulignons qu’un méthaniseur agricole a le grand avantage d’être subventionné). Impossible, pour le moment du moins, de connaître dans le détail les aides publiques obtenues par la « Ferme des 1000 vaches ».

Les bonnes affaires de M.Mouton

Comme dans une fable, tout oppose jusqu’à la caricature les maires de Drucat et de Buigny-Saint-Maclou. Le méthaniseur serait installé sur le territoire de Drucat, mais la ferme elle-même sur celui de Buigny, dont le maire est Éric Mouton. M. Mouton, par ailleurs architecte, a dessiné les plans de la « Ferme des 1000 vaches ». Montant du contrat : 40 000 euros. En tant que maire, il soutient sans réserve le projet.

La farce des gaz à effet de serre

Défense de rire. La France tente de faire croire qu’elle diminue ses émissions de gaz à effet de serre, qui tournent, selon les chiffres officiels, autour de 500 millions de tonnes d’équivalent-CO2 par an. Sont oubliées en route les importations, qui permettent d’externaliser – selon l’étude Davis-Caldeira de 2010 - environ 30 % de ces émissions contenues dans les jouets ou les tee-shirts venus d’ailleurs. Face à ces quantités astronomiques, le méthane qui serait économisé par la ferme-Ramery est si dérisoire, si proche de zéro que nulle autorité ne se hasarde à seulement l’estimer. C’est pourtant l’un des arguments prétendument massue utilisés contre les opposants.

Et la circulation, dans tout ça ?

Le projet Ramery ne s’embarrasse pas de précisions. Pour ce qui concerne la circulation automobile, la clé est la départementale 928, qui longe et dessert la ferme éventuelle, et où roulent déjà 7300 véhicules par jour. C’est par elle qu’arriveront les déchets venus d’ailleurs, par milliers de tonnes. C’est par elle que repartiront les 40 000 tonnes de digestat à épandre sur les 2700 hectares de terres agricoles prévus. Selon les calculs – faits sur un coin de table ? – de la préfecture, il ne peut y avoir de problème. Citation : « En période de pic : 60 tracteurs, 2 camions, 15 véhicules utilitaires.
Cela représentera en moyenne entre 0.15% à 0.3% du trafic routier et en période de pointe entre 1% à 4% du trafic routier de la CD928 »
. Réponse de l’association Novissen : « Ces chiffres n’ont aucune signification, faute de tenir compte de la ’montée en puissance du site’. S’ils concernent la première année avec peu de vaches et pas encore de méthaniseur, qu’en sera-t-il ensuite avec 1 750 bêtes et un méthaniseur à plein régime ? ».

Fabrice Nicolino pour Reporterre.



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MessageSujet: Re: Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre)   Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) EmptyJeu 9 Jan - 18:29

Derrière l’usine agricole des Mille vaches, les étranges amitiés du PS

mercredi 8 janvier 2014

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Arton5210-6a12b

Où l’on découvre avec stupéfaction qu’un maire socialiste ne se souvient plus si l’industriel des « mille vaches » est un ami ou un inconnu. Où l’on apprend que le croc de boucher est une arme désormais ordinaire. Troisième volet de notre enquête.

Comme on aurait aimé parler à Michel Ramery ! Oui, on aurait adoré évoquer sa carrière fulgurante, ses splendides succès industriels, sa capacité légendaire à se faire des amis. Hélas. Reporterre a tenté de le rencontrer, mais sans le moindre succès. Il faudra donc faire sans.

Connaissez-vous le storytelling ? C’est l’art intemporel de raconter de plaisantes histoires, mais il a été remis au goût du jour par les services de communication de l’industrie. Tous les groupes d’une certaine taille disposent ainsi d’un récit s’apparentant davantage aux contes pour enfants qu’à la réalité, laquelle est souvent aux antipodes.

Chez Michel Ramery, le roman familial fait de lui un paysan. Comme ses parents l’étaient, il l’est. Peu importe qu’il ait créé sa première entreprise à 23 ans, en 1972, et qu’il ait fait toute sa fortune auprès des villes socialistes du Nord-Pas-de-Calais (voir Reporterre de demain). C’est un croquant. N’a-t-il pas des parts dans la ferme industrielle d’Airaines, qui est pourtant menée par d’autres que lui, dont le chef de projet de la « ferme des 1000 vaches », Michel Welter ?

On peut voir les choses autrement. Quand Michel Ramery dépose en 2011 le dossier commandant l’ouverture de la « ferme des 1000 vaches », il est un grand du BTP (bâtiment et travaux publics). Certes, il n’est qu’un géant régional, mais dans le Nord-Pas-de-Calais, tout lui a fabuleusement réussi. Selon certains calculs, qu’il faudrait sans doute compléter, Ramery aurait remporté depuis 2007 la bagatelle de 772 marchés publics dans seulement trois régions et surtout le Nord-Pas-de-Calais. Dans le même périmètre et sur la même durée, Vinci n’en aurait gagné que 214 et Bouygues 74. Heureux homme, qui taille ainsi des croupières à des mastodontes pesant entre dix et quinze fois son poids dans le secteur de la construction.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Ramery_siege_entreprise_v_1-3af51
- Le siège de l’entreprise Ramery, à Erquinghem-Lys -

L’ascension du parachuté

À quel moment Michel Ramery devient-il réellement puissant en Picardie, et plus précisément dans la Somme, où se trouve la « ferme des 1000 vaches » ? En 2011, il n’est déjà plus un inconnu, et plusieurs communes de ce département lui ont déjà confié des chantiers publics. Dont Abbeville, l’une des sous-préfectures du département, à l’entrée de la baie de Somme. Le maire socialiste, Nicolas Dumont, a été élu en 2008, à l’âge précoce de 31 ans, ce qui a provoqué à l’intérieur du PS (Parti socialiste) un grand nombre de jalousies. Même s’il n’est pas au sens strict un parachuté – il est né à Abbeville -, Dumont a fait sa carrière ailleurs. Au Québec, puis au cabinet de Claude Bartolone quand le président actuel de l’Assemblée nationale était, dans les années 1990, encore maire du Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis).

On peut sans hésiter parler d’une carrière météorique : non seulement Dumont prend en 2008 la ville, mais dans la foulée la Communauté de communes et une vice-présidence du Conseil régional de Picardie. Plus étrange encore, ce jeune loup devient premier secrétaire du PS dans la Somme, et à ce titre, pourvoyeur de tous les postes électifs dans ce département socialiste.

Un bon connaisseur de la vie politique régionale confie à Reporterre : « C’est évidemment Bartolone, qui l’a propulsé ici. Certains évoquent de puissantes manœuvres visant à encercler les barons socialistes du Nord, constamment mis en cause dans différentes affaires, mais je n’y crois pas ».

La rencontre entre Dumont et Ramery demeure pour partie un mystère, et Reporterre aurait aimé en parler directement avec le maire d’Abbeville. Hélas, comme Ramery, Nicolas Dumont a décliné notre invitation. Cela ne saurait empêcher quelques questions, et notamment sur les chantiers accordés à Ramery depuis 2008.

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- Nicolas Dumont, maire d’Abbeville -

Des chantiers aux " sommes colossales "

Il y en avait peu avant, et bien plus après, portant sur des sommes importantes.
Stéphane Decayeux, candidat UMP à la mairie d’Abbeville, en mars prochain, ne retient pas ses coups : « Il est clair, dit-il à Reporterre, qu’il y a eu un changement brutal après l’arrivée à la mairie de Nicolas Dumont. Avant 2008, la ville ne traitait pratiquement pas avec l’entreprise Ramery. Et depuis, des gros contrats ont été signés avec elle, comme par exemple la destruction de l’église Saint-Jacques, dans des conditions contestées, ou encore la piscine, qui à l’échelle de notre ville est un énorme chantier ».

À sa manière, l’ancien directeur des services techniques d’Abbeville, Jean-Claude Lavay, confirme : « J’ai le sentiment que des entreprises ont été écartées, et que je sache du moins, les corps de métier présents à Abbeville ne sont plus employés sur les chantiers publics. Dans le même temps, la destruction de l’église Saint-Jacques, décidée pour des motifs d’urgence – et donc, sans appel d’offre – et la piscine, dont le devis est passé de douze millions d’euros sous l’ancienne municipalité à dix-huit millions ont beaucoup fait parler dans la ville. Je reconnais volontiers qu’une partie hôtelière a été ajoutée à la piscine, mais la somme reste colossale pour une ville de moins de vingt-cinq mille habitants ».

Cela attirerait à peine l’œil sans la mise en cause de Nicolas Dumont pour favoritisme. En janvier 2013, le maire est placé en garde-à-vue à la suite à une plainte pour faux, usage de faux et favoritisme. Une entreprise du BTP, EGB (d’Eu, en Seine-Maritime) estime avoir été écartée d’un appel d’offres dans des conditions illégales. En retour, Dumont dépose plainte pour dénonciation calomnieuse, et en novembre, il est blanchi sur le plan pénal, poussant un soupir de soulagement que l’on entend dans tout Abbeville. Le parquet ne faisant pas appel, la relaxe est donc définitive. Très remonté, Dumont fait le 16 décembre une déclaration qui demeure incompréhensible : « S’il y a quelqu’un derrière, il finira sur un croc de boucher ». Exactement les termes employés naguère par Nicolas Sarkozy à propos de Dominique de Villepin et de l’affaire Clearstream.

Qui est visé ? Peut-être le saura-t-on un jour, mais en attendant, le combat judiciaire continue, comme l’explique l’avocat d’EGB, Grégoire Frison : « Je ne peux révéler des éléments du dossier, mais celui-ci justifie pleinement que nous poursuivions la procédure, de manière à obtenir des réparations civiles. Je maintiens qu’il y a eu écriture d’un faux ». Comme on le voit, l’ambiance est excellente.

Ceci expliquant peut-être cela, Nicolas Dumont a visiblement des trous de mémoire. Michel Kfoury, président de Novissen, l’association qui bataille contre la ferme Ramery, est urgentiste à l’hôpital d’Abbeville, et connaît assez bien Nicolas Dumont pour le tutoyer. « Au début de 2012, déclare Kfoury à Reporterre, le maire d’Abbeville nous a reçus et il nous a dit : ’Je connais bien Ramery, et on peut lui faire confiance. C’est l’avenir, l’avenir de l’agriculture, on ne peut rien contre ça’. En vérité, Dumont a tout fait, en sous-main, pour favoriser le projet Ramery. Sans lui, il ne serait jamais passé. Au point de faire de grosses pressions sur le parti socialiste au moment du vote du Coderst ».

Le Coderst est le conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques. Regroupant experts, personnalités qualifiées, élus, services de l’État, il donne un avis obligatoire sur l’ouverture d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), comme la « ferme des 1000 vaches ».

Ce 23 avril 2012, le vote sur cette dernière est sans appel : sur vingt-quatre avis, vingt sont favorables, trois des abstentions, et un seul défavorable. L’unique opposant ne se cache nullement : il s’agit du conseiller général du canton de Roisel, Michel Boulogne. Joint au téléphone, il confirme le fort engagement de Nicolas Dumont en faveur de la ferme Ramery : « Il est certain que Ramery a beaucoup de travaux sur Abbeville, mais cela ne change rien au fait que cette ferme est un mauvais projet pour l’environnement. On voulait que je vote oui au Coderst, mais j’ai décidé en conscience de voter non. Vous savez, j’ai été au parti socialiste toute ma vie, et si je l’ai quitté en 2011, c’est à cause de Dumont, qui est un pur apparatchik. Quand il est devenu le patron du PS dans la Somme, j’ai décidé de ne plus payer mes cotisations, ce qui ne m’empêche pas d’être de gauche ».

Autre élément que l’on qualifiera de troublant : Nicolas Dumont a la mémoire qui flanche. Quand il reçoit une délégation de Novissen, en décembre 2013, son discours a grandement changé. « Il y a deux ans, raconte Kfoury, Ramery était un copain recommandable. Et là, ô surprise, il nous a assuré qu’il ne connaissait Ramery que depuis peu de temps, et qu’il n’avait pas pris assez conscience des nuisances de son projet. Et tout ça à quelques mois des municipales… »

" Risques acceptables de cancers "

Michel Ramery n’a donc pas trop à se plaindre des politiques locaux, mais il ne pensait visiblement pas tomber sur de pareils opposants. Novissen, on l’a déjà dit, est une association d’une rare vigueur, ce qui a dû dérouter Ramery, habitué des contrats publics à la mode du Nord-Pas-de-Calais.

On comprend mieux ainsi l’anecdote suivante : le 12 septembre 2013 dans l’après-midi, Michel Kfoury revient d’une manifestation contre la "ferme des 1000 vaches", qui s’est tenue à Erquinghem-Lys (Nord), siège du groupe Ramery. Dans la nuit qui a précédé, des militants de la Confédération paysanne ont pénétré sur le chantier de la ferme, dégonflé des pneus et provisoirement ôté certains éléments des engins présents. Kfoury a rendez-vous avec une équipe de France 3 sur le chemin de servitude qui longe le chantier de la ferme. Il engage sa voiture, mais Ramery et ses gens, à bord de deux 4X4, sont à l’autre bout. Ramery, à qui tant obéissent, est évidemment hors de lui.

« Ils m’ont bloqué, raconte Kfoury, et j’ai dû descendre. Ramery était dans le premier véhicule avec Welter, son chef de projet. J’ai subi ce que je considère comme des menaces, ce qui me conduit à porter plainte. Ramery s’est mis à hurler : ’Vos copains ont tout cassé chez moi ! Au moindre truc, comme on sait où vous habitez, on débarque et on casse tout aussi’. Ramery est un sanguin, mais surtout, je crois qu’il sent que la situation lui échappe ».

Du côté Ramery, on s’en doute, la version est radicalement autre. Répondant aux questions du Courrier Picard, le quotidien régional, il assure que Kfoury ment. Et son compère Michel Welter enfonce le clou : « Il n’y a eu aucune menace. [Kfoury] était seul. Il a eu la trouille, c’est tout ».

Dernier instantané, qui situe de même la personnalité de Michel Ramery : le 26 septembre 2011, le maire de Drucat convoque une réunion publique consacrée au projet de la « ferme des 1000 vaches ». Michel Ramery et Michel Welter sont présents. Le premier est interrogé sur une phrase figurant dans son dossier demandant l’ouverture. Les risques de cancer liés à l’exploitation seraient « acceptables ». Le sang de Kfoury, médecin, ne fait qu’un tour, et il apostrophe l’industriel en lui demandant ce que cela veut dire. « Un cancer serait acceptable ? Deux ? Trois ? Plus ? » Réponse de Ramery, très sec : « C’est un dossier déclaratif. Je n’ai pas à prouver mes études ».

Fabrice Nicolino pour Reporterre
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MessageSujet: Re: Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre)   Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) EmptyJeu 9 Jan - 18:49

Derrière les Mille vaches, un modèle agro-industriel désastreux

jeudi 9 janvier 2014

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Arton5220-dda84
 
Avec la ferme usine utilisant les vaches pour produire de l’électricité, on passe à une autre étape du système qui a provoqué l’hécatombe de la paysannerie et des dégâts environnementaux énormes. Ce n’est pas l’agro-écologie proclamée officiellement, mais l’agro-industrie généralisée.

Où l’on plonge en apnée dans une histoire tumultueuse, faite de moissonneuses, de pesticides et de tendres liaisons entre ministres et « syndicalistes » agricoles. Où l’on comprend un peu mieux qu’une vache n’est rien qu’une marchandise ordinaire.

C’est une vieille histoire, et elle est complexe. Mais sans en comprendre l’esprit, on ne peut raisonnablement saisir l’un des sens – peut-être le plus essentiel – du projet de « Ferme des 1000 vaches ». Quand la France sort des ruines de la Seconde Guerre mondiale, son agriculture est encore basée sur la polyculture et l’élevage traditionnels. Le tracteur est resté à la porte de nombreuses exploitations, où dominent toujours le cheval, le bœuf, l’âne. La victoire sur le fascisme bouleverse tout, car derrière les chars américains de la Libération apparaissent déjà les lourds engins agricoles, les pesticides et engrais, l’alimentation animale standardisée, l’industrie. Bientôt, le plan Marshall permettra à l’Europe de s’équiper à crédit, ouvrant de formidables marchés à John Deere, DuPont et – déjà – Monsanto.

Le modèle américain exerce après 1945 une force proprement inimaginable. Le maître mot de l’époque, repris en chœur d’un bout à l’autre de l’arc politique, est celui de progrès. L’institut national de la recherche agricole – l’Inra -, né en 1946, sera le fer de lance d’une modernisation qui n’est rien d’autre qu’une industrialisation massive. Les fondateurs de l’Inra – un Jean Bustarret en tête – font aussitôt alliance avec un Fernand Willaume, le premier lobbyiste de l’industrie des pesticides. Pas d’anachronisme pour autant ! En 1945, le DDT, qui sera interdit trente ans plus tard, est un produit miracle, célébré comme tel par tous. Parallèlement, l’animal d’élevage devient peu à peu un objet industriel comme un autre, presque comme un autre.

Les jeunes zootechniciens, souvent de braves résistants, font un à un le voyage en Amérique, où ils découvrent un système d’une productivité inouïe, dont le fleuron est le découpage taylorisé des animaux, dans les célèbres abattoirs de Chicago. Raymond Février, qui sera l’un des piliers de l’Inra, racontera bien plus tard, se remémorant son propre voyage outre-Atlantique : « Nous étions éblouis ».

Et tous étaient émerveillés. Même les paysans les plus éloignés du tableau. Deux itinéraires permettent de mieux comprendre. À main gauche, le Breton André Pochon, né en 1932. À la sortie de la guerre, « Dédé » est à peine adolescent, mais milite déjà la Jeunesse agricole catholique (JAC), vecteur essentiel de l’industrialisation des campagnes. Bien plus lucide que d’autres, il résistera pied à pied contre ce que nous appelons le « productivisme », démontrant dans sa minuscule ferme de neuf hectares, grâce à l’invention de techniques culturales sur ses prairies, que l’on peut vivre, et bien, sur une toute petite exploitation.

À main droite, le vainqueur, Michel Debatisse. Né en 1929, il est lui aussi un ardent militant de la JAC d’après-guerre. Et bientôt un dirigeant de cette organisation puissante, capable de rassembler 50 000 jeunes au Parc des Princes de Paris, en 1950. Debatisse est un croisé de l’industrie agricole, et d’autant plus que celle-ci lui donne les clés du pouvoir. Président du Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA), il est un interlocuteur direct du général De Gaulle dès son retour au pouvoir, en 1958. Son rival au CNJA, Bernard Lambert, défait après bien des combats, sera plus tard le fondateur des Paysans Travailleurs, à l’origine de cette Confédération paysanne si active contre la « ferme des 1000 vaches ».

Mais revenons au passé. Quand Edgard Pisani est nommé ministre de l’Agriculture, en 1961, Debatisse devient un habitué de la rue de Varenne, siège du ministère. Il aura un grand nombre de réunions avec Pisani à son domicile privé, à l’angle de la rue Bayard et du cours Albert 1er. C’est là que s’emballe le processus d’industrialisation lancé après 1945.

En cinquante ans, les changements dans l’agriculture seront plus massifs qu’en dix siècles. Exemple entre tant d’autres : Pisani fait en février 1965 une tournée triomphale dans l’Ouest de la France, où il déclare sous les vivats : « La Bretagne doit devenir un immense atelier de production de lait et de viande ». Ce qui fut fait.

Debatisse poursuit sa route. Il sera le grand patron de la FNSEA entre 1971 et 1978, puis secrétaire d’État sous Giscard, entre 1979 et 1981. Par lui notamment, la France est devenue un grand pays de l’agriculture industrielle, vidée de ses paysans, farcie de pesticides, d’engrais et de plantes perpétuellement assoiffées, comme le maïs.

Notamment, car bien d’autres acteurs sont intervenus dans le processus, dont les coopératives agricoles et le méconnu corps des Ingénieurs du génie rural, des eaux et forêts (Igref, devenu Ipef en 2009). Ces derniers, grands ingénieurs d’État, ont joué un rôle central dans la disparition concrète de nos campagnes, organisant le drainage des zones humides, « recalibrant » des milliers de rus, de ruisseaux et même de rivières, remembrant à la hache des territoires légués par des siècles de lentes et patientes pratiques agricoles.

Après les nécrocarburants, les vaches électriques

Bref. Une gigantesque machine industrielle a complètement dévasté ce qui était une civilisation. Pochon incarnait probablement une autre voie, qui passait aussi par le changement. Mais pas le même. Relisons ces mots du grand historien Fernand Braudel dans son livre L’identité de la France : « Le chambardement de la France paysanne est, à mes yeux, le spectacle qui l’emporte sur tous les autres, dans la France d’hier et, plus encore, d’aujourd’hui », ajoutant : « La population a lâché pied, laissant tout en place, comme on évacue en temps de guerre une position que l’on ne peut plus tenir ».

C’est dans ce cadre-là, sans nul doute, qu’il faut replacer l’histoire de la « ferme des 1000 vaches ». Dans le cas d’espèce, on notera que le projet Ramery va plus loin que jamais. Pendant des décennies en effet, les tenants de l’agriculture industrielle ont prétendu nourrir la France, et le monde. On sait depuis l’aventure des nécrocarburants – autrement appelés bio ou agrocarburants – qu’il n’en est rien. Seuls comptent le chiffre d’affaires, et le profit. Après avoir osé changer des plantes alimentaires en carburant dans un monde où un milliard d’humains ont faim, voilà qu’ils entendent produire de l’électricité grâce à des vaches devenues un simple sous-produit.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Agro-industrie_v_1-b6d67
- Culture d’agrocarburants -

Car ne l’oublions pas, tel est le centre nerveux de la « ferme des 1000 vaches » : obtenir par méthanisation des déjections un gaz ensuite transformé en électricité, et revendue au prix fort à EDF. Dans cette logique de mort, le lait n’est plus le merveilleux cadeau d’êtres vivants, auxquels on a déjà tout pris, mais une ligne supplémentaire sur un compte d’exploitation.

Il était en somme écrit que la crise du lait serait une tendance lourde de l’agriculture européenne. Quand la première Union se déploie, en 1960, elle garantit aux États membres un prix du lait plus élevé que sur le marché mondial, ce qui conduit à des surproductions massives. Les fameux quotas laitiers, mis en place en 1984, étaient censés adapter l’offre à la demande, garantissant de fait un prix jugé acceptable par certains producteurs.

L’hécatombe agricole

Mais lesquels ? Entre 1983 et 2011, les fermes laitières sont passées en France de 427 000 à 78 000, soit une division par cinq ! Une hécatombe. Ce que masquent de plus en plus mal les différentes réformes, dont celle de la Politique agricole commune (PAC) en 2003, et la fin des quotas laitiers, prévue en 2015, c’est le triomphe du libéralisme en Europe. Sans trembler, les autorités françaises (l’Institut de l’élevage) prévoient 50 000 « exploitations » en 2015 et aux alentours de 25 000 en 2035. Ce qui serait évidemment le triomphe de l’idéologie Ramery et des fermes industrielles qu’il entend mettre en place s’il gagne la partie dans la Somme.

La logique de cette politique est limpide : la mondialisation implique des entreprises capables de se battre sur le marché, sans aides, sans visibilité, sans sécurité aucune. Elles seules sont capables de produire du lait à très bas coût et de concurrencer ainsi les grands producteurs internationaux. Les faibles, les vrais paysans, les campagnes vivantes, les fermes de taille raisonnable, la protection des eaux, des sols, et bien sûr des animaux eux-mêmes sont des obstacles à la réussite.

En juin 2013, la coopérative laitière Sodiaal – Candia, Yoplait – devenait la première coopérative laitière après absorption de 3A, avec un chiffre d’affaires de 5 milliards d’euros et une collecte de 5 milliards de litres de lait chaque année. Ce qui n’est encore rien en face du Danois Arla Foods – 8,4 milliards de chiffre d’affaire annuel -, du Néerlandais Friesland Campina – dix milliards d’euros -, ou encore du Néo-zélandais Fonterra, avec ses onze milliards d’euros. Et derrière, malgré l’épouvantable scandale du lait contaminé à la mélamine, auquel ils ont tous deux été mêlés, les Chinois du Mengniu et Yili Group.

Face à un tel ouragan, que pèse un Stéphane Le Foll, notre ministre de l’Agriculture ? En 2009, sur fond de énième crise du lait, on l’avait entendu tempêter contre la Commissaire européenne à l’Agriculture, l’ultralibérale Mariann Fischer Boel. Alors que les paysans français étaient lancés dans une « grève du lait » désespérée, Le Foll, député européen socialiste, réclamait des mesures qui ne sont évidemment jamais venues.

Et de même, devenu ministre, on l’a entendu en mars 2013, devant le congrès de la Fédération nationale des producteurs de lait, affirmer avec solennité : « Je crois en l’avenir de la production laitière française, qui est un des atouts majeurs pour l’avenir de l’agriculture ».

De simples paroles verbales, qui n’ont pas empêché le même de se défiler purement et simplement au sujet de la « ferme des 1000 vaches ». On écoutera avec une certaine stupéfaction le ministre refiler le bébé au ministre de l’Écologie Philippe Martin, sans oser se prononcer sur le fond (à partir de 4min20).

Stéphane Le Foll, empêtré dans ses contradictions, prétend incarner un autre modèle d’agriculture, écologique. N’a-t-il pas organisé au palais d’Iéna (Paris), le 18 décembre 2012, une Conférence nationale vantant une France devenue par un coup de baguette magique « référence mondiale de l’agroécologie » ? Avec la « ferme des 1000 vaches », le voilà au pied du mur. On s’y met, monsieur le ministre ?

La Confédération Paysanne : "Il s’agit aujourd’hui d’empêcher la disparition des paysans

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Confederation_paysanne_v_1-9325d

La mobilisation contre la « ferme des 1000 vaches » a deux têtes. Ou deux corps. À moins qu’il ne s’agisse d’un seul et même organisme. À l’origine, Novissen, une association d’autant plus remarquable qu’elle s’est construite sur les bases bien connues du Nimby. Nimby pour Not In My BackYard, qui signifie : Pas de çà dans mon arrière-cour. Mais chemin faisant, ceux de Novissen ont ouvert des réflexions de fond sur l’agriculture intensive, le sort fait aux animaux, la démocratie. C’est sur ce terrain-là qu’ils ont rencontré la Confédération paysanne.

La Conf’, comme on appelle familièrement la Confédération paysanne, est une étonnante figure sociale. Elle marque une rencontre improbable entre des paysans de gauche – leur figure tutélaire est le tribun Bernard Lambert, prématurément disparu en 1984 – et les néoruraux – leur symbole le plus connu est José Bové -, installés dans les campagnes après mai 1968. Bien que très minoritaire, la Conf’ a remporté près de 20 % des voix aux élections pour les chambres d’agriculture en 2013.
La Somme, où se situe le projet de ferme Ramery, est pour la Conf’ une terre de mission, où elle ne compte qu’une poignée d’adhérents, et sans l’entrée en scène de Pierre-Alain Prévost, on en serait peut-être resté là. Prévost est un grand gars de 28 ans, à la tête bien faite, bougrement sympathique. Il a fait des études supérieures de commerce, travaillé au Vietnam puis étudié en Inde, avant d’être contrôleur de gestion pour la grande industrie. Mais sa vraie passion est ailleurs. Il veut, il va créer une ferme équestre, dans le sud de la France.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Prevost-jan_2014_v_1-30dce
-Pierre-Alain Prévost -

Quand il reçoit Reporterre au siège de la Conf’, à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), on ne peut éviter un petit étonnement. Le responsable des Campagnes et Actions – son titre officiel - ferait aussi bien l’affaire à Greenpeace ! Pour Prévost, tout commence à l’été 2012. Coordinateur de la Good Food March – une grande marche européenne qui converge vers Bruxelles -, il croise la route des Novissen. Prévost : « C’était en septembre 2012, à Abbeville. Et puis je les ai revus au Salon de l’Agriculture, début mars 2013. À ce moment-là, j’ai dit au Comité national de la Conf’ : ’Il faut y aller !’. J’ai creusé le dossier, j’ai appelé pas mal de gens, et à partir de juin, les choses se sont emballées ».

À partir de juin 2013, en effet, les choses sérieuses commencent. Pendant tout l’été, un petit groupe de la Conf’ prépare dans le plus grand secret une action contre la « Ferme des 1000 vaches ». À l’arrivée, dans la nuit du 11 au 12 septembre 2013, un démontage nocturne et symbolique du chantier, rigolo en diable. Michel Ramery portera plainte, conduisant à la mise en examen de six personnes.

Mais la Conf’ n’entend évidemment pas en rester là, et les rassemblements tenus partout en France depuis le 6 janvier le montrent sans détour. Commentaire officiel, bien dans la manière du syndicat : « La procédure judicaire engagée par Michel Ramery ne fera pas plier la Confédération paysanne dans sa détermination. Au contraire. L’Etat doit faire en sorte de stopper ce projet, et de mener une politique cohérente pour l’agriculture. Il s’agit aujourd’hui d’enrayer la disparition des paysans, notre disparition. Qu’avons-nous à perdre ? ».

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MessageSujet: Re: Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre)   Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) EmptyVen 10 Jan - 10:09

De la ferme des Mille vaches à l’affairisme du PS

vendredi 10 janvier 2014

Comment est né un projet de ferme usine dans la Somme, a l’impact écologique important et stimulant le déclin de l’agriculture paysanne ? Dans le terreau de l’affairisme qui imprègne la gestion de la région voisine, le Nord-Pas-de-Calais, par le Parti socialiste.

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Où l’on pénètre dans un nouveau territoire, le Nord-Pas-de-Calais. Où l’on apprend que Michel Ramery aime faire des chèques à Gervais Martel et Guy Mollet. Où l’on fait la connaissance du grand Hafiz Mammadov.

Quel rapport entre la « ferme des 1000 vaches », prévue dans la Somme (Picardie) et la région voisine du Nord-Pas-de-Calais ? Aucun. Presque aucun. Mais le stade Bollaert de Lens est une sorte de lampe d’Aladin d’où surgissent quantité de génies, dont tous ne sont pas bienfaisants. À moins qu’il ne s’agisse d’une boîte de Pandore, cette jarre où sont enfermés tant de maux de l’humanité ?

Soit un stade de foot impressionnant, dont le nom complet est Bollaert-Delélis. Un assemblage qui renvoie à toute l’histoire politique et sociale de la région. Félix Bollaert le patron, directeur des Houillères du Nord, a lancé l’idée du stade en 1931. Et André Delélis, maire socialiste de Lens de 1966 à 1998, ministre de Mitterrand de 1981 à 1983, mort en 2012, qui sauva in extremis le stade dans les années 70, au moment où fermaient les dernières mines de charbon.

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Le stade Bollaert est le centre du monde, en particulier pour les socialistes, au pouvoir depuis quarante ans dans le Nord-Pas-de-Calais, après avoir supplanté le Parti communiste, qui régnait sur la région dans l’après-guerre. Bollaert : 41 229 spectateurs, Lens : 36 728 habitants. Le président socialiste de la région, Daniel Percheron, a failli devenir footballeur professionnel, et ne rate pratiquement aucun match du Racing Club de Lens, faisant au passage des tribunes VIP un lieu de discussion très recherché par tous les gens de pouvoir et d’argent.

Un homme symbolise mieux qu’aucun autre Bollaert et son club : Gervais Martel. Depuis 1988, Martel est le président du Racing Club de Lens, malgré une courte interruption d’un an jusqu’en juillet 2013. Nul ne conteste sa sincérité, ni son obstination à défendre les couleurs Sang et Or, celles du RC Lens. Mais en juillet 2012, après de nombreux échecs sportifs et des pertes financières répétées, il est contraint de partir, laissant les clés au propriétaire qu’il avait lui-même trouvé pour renflouer les caisses : le Crédit Agricole.

Dans les tribunes, qui sont parfois des coulisses, une autre pièce s’écrit. Le 15 octobre 2012, le Conseil régional décide de payer encore une fois. La fois de trop ? Il s’agit de financer la rénovation du stade Bollaert, qui est l’un des neuf stades français retenus pour l’Eurofoot de 2016. Mais de lourds travaux sont nécessaires, et le Crédit Agricole refuse de les payer. Estimés dans un premier temps à cent-onze millions d’euros, ils sont ramenés à quatre-vingt-dix-huit, puis soixante-dix. Par un mouvement de générosité qui fait s’étrangler les opposants de Percheron, le Conseil régional, qui avait déjà engagé vingt-cinq millions, en rajoute onze, qu’il emprunte au Crédit Agricole. Commentaire de deux journalistes de très au fait du dossier : « Une collectivité publique peut-elle se substituer à une entreprise privée comme maître d’ouvrage temporaire ? N’est-on pas dans un cas flagrant de ’soutien abusif’, tombant sous le coup de la loi ? » Une chose est en tout cas certaine : le stade Bollaert sera défendu jusqu’au bout par le Conseil régional, c’est-à-dire Percheron, c’est-à-dire le Parti socialiste.

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- Daniel Percheron -

Pourquoi ? Parce que Percheron aime le foot et la formidable influence politique qui est la sienne, surtout dans cette région sinistrée économiquement. Mais aussi à cause d’Euralens, vaste projet urbain concernant directement Lens, Liévin, Loos-en-Gohelle. Il s’agit en fait, s’appuyant sur la culture – le fameux musée Louvre-Lens – et le sport – Bollaert –, de dessiner les contours d’une vaste métropole régionale, capable de rivaliser avec Lille, de sortir enfin de deux siècles d’exploitation du charbon.

C’est dans ce contexte de vastes travaux publics qu’éclate en novembre 2011 l’affaire du prêt. Le 17, on apprend que Gervais Martel est en garde-à-vue, sans qu’on sache pourquoi. Au bout de quatre heures, il sort sans être inquiété, mais le 23 janvier 2012, il est de nouveau entendu par la police pendant trente-six heures, qui déboucheront sur une mise en examen pour « recel d’abus de biens sociaux et corruption passive ». En résumé, deux entreprises du BTP ont prêté quatre millions d’euros – deux millions chacune -, courant 2010, à Gervais Martel. La brigade financière de Lille se demande ouvertement s’il ne s’agit pas d’une contrepartie à un document découvert au cours d’une perquisition : un accord sous seing privé accordant le chantier de la rénovation de Bollaert aux deux généreuses entreprises.

Michel Ramery une nuit en garde à vue

Or l’une d’elles n’est autre que Ramery, le promoteur de la « ferme des 1000 vaches ». Son patron, Michel Ramery, a fait l’essentiel de sa belle fortune personnelle – cent vingt millions d’euros en 2012 – grâce aux contrats publics signés dans la région.

Pourquoi ce chèque à Martel ? Dans un communiqué un poil sibyllin, Ramery déclare que le prêt « a été fait dans le respect de l’intérêt social du groupe et mentionné en toute transparence dans [ses] comptes, conformément à la législation ». Au total, Michel Ramery, président du conseil de surveillance de son groupe, sera retenu deux jours et une nuit en garde-à-vue. Et son président du directoire, Philippe Beauchamps, mis en examen pour « recel d’abus de biens sociaux et corruption privée ».

En ce début 2014, l’affaire n’est pas jugée et rien n’indique donc qu’elle se terminera par des condamnations. On ne peut s’empêcher pourtant de s’interroger plus avant sur le climat régional, à fortiori lorsque l’on croise la route d’un certain Guy Mollet. Attention, homonyme ! Il ne s’agit pas de l’ancien président du Conseil de la quatrième République, mort en 1975, mais d’un personnage bien connu de l’inframonde politique nordiste des années 90 et 2000. Ce Guy Mollet-là est un as de la magouille et des carabistouilles, condamné à quatre ans de prison dans l’historique procès contre l’ancien maire d’Hénin-Beaumont, à l’été 2013.

Que n’a-t-il pas fait ? On serait en peine de tout savoir. Corruption, détournement de fonds publics, faux et usage de faux, le tout en association étroite avec un maire alors socialiste, le désormais célèbre Gérard Dalongeville. Mollet n’était pas qu’un intermédiaire véreux entre cette ville martyre et des entreprises crachant au bassinet pour obtenir des contrats publics. Il lui arrivait de se montrer très menaçant, directement ou au travers d’hommes de main. Exemple entre bien d’autres, rapporté par l’indispensable livre de Benoît Collombat et David Servenay (La Fédé : Comment les socialistes ont perdu le Nord, Le Seuil, 2012) : le cas Nicolas Pauchet.

Racketté par Mollet, qui lui réclame 300 000 euros pour pouvoir commercer à Hénin-Beaumont, ce promoteur immobilier se retrouve un soir de janvier 2008 coincé par Mollet et plusieurs sbires, qui le tabassent et le menacent de mort s’il ne paie pas. Il paiera, mais ce ne sera pas la fin de ses aventures.

Quand la police commence à regarder de près le cas Mollet, elle découvre quantité de pistes, qui ne seront pas explorées. Il est par exemple établi que Mollet dispose de plusieurs comptes en banque au Luxembourg et sur l’un d’entre eux, la justice luxembourgeoise, sollicitée, récupère un chèque de 210 000 euros daté du 31 août 2007, signé par…Ramery. Pour quelle raison ? En échange de quelle prestation ? On ne le saura pas, car les enquêteurs, selon Collombat et Servenay, auraient décidé de « boucler leur dossier dans les meilleurs délais », et n’auraient donc pas continué leur investigation. Dommage.

De son côté, Alain Alpern, ancien vice-président Vert de la région Nord-Pas-de-Calais, note à ce sujet sur son blog, très lu : « Combien de marchés Ramery n’a-t-il raflé à Liévin, Béthune ou Lens, sans parler de ceux avec Pas-de-Calais Habitat ! La brigade financière n’a pas creusé cette piste de corruption présumée. (…) À noter que G. Mollet se rendait régulièrement au Luxembourg pour retirer d’importantes sommes en espèces ».

Au même moment, le maire d’Hénin-Beaumont Dalongeville et son âme damnée Guy Mollet tentaient de vendre un bien communal important d’Hénin-Beaumont – l’îlot Carnot – à Ramery, via l’une de ses filiales, Pream. Après bien des cris, les protestations et recours de l’opposition municipale avaient fait capoter le projet, jugé opaque. Il était presque fatal, dans cette ambiance délétère, que naissent quantité de rumeurs. L’une d’elle, répétée par les différents interlocuteurs de Reporterre, dit que le groupe Ramery, serait un financier occulte du Parti socialiste. Mais aucun élément probant n’existe. Et aucun lien entre la vente de l’îlot Carnot et le chèque de 210 000 euros n’a été rapporté.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Ilot_carnot_v_0-ca88b
- L’ilôt Carnot -

Mercedes blindée et gardes du corps

En revanche, la saga du RC Lens n’a rien d’un bruit, et elle continue sur les chapeaux de roue. Écarté du club en juillet 2012, Gervais Martel en reprend le contrôle en juillet 2013 grâce à un milliardaire venu d’Azerbaïdjan, Hafiz Mammadov, qui rachète les parts détenues par le Crédit Agricole, trop content de quitter la galère. La réputation d’Hafiz Mammadov est à seule un roman. Noir. L’homme, qui semble avoir de solides concurrents, ne se déplace qu’en Mercedes blindée, accompagné d’une petite armée de gardes du corps. Faire fortune, en Asie centrale, dans le pétrole, le gaz et les transports, nécessite de constantes mesures de sécurité.

On pourra regarder avec le sourire - et un brin d’inquiétude -, la vidéo à la gloire de l’Azéri, tournée par le club de Lens, visiblement enchanté par son nouveau patron.

Daniel Percheron, qui a bien entendu longuement rencontré Mammadov en novembre, n’ignore rien de cet arrière-plan préoccupant, mais il a fort à faire lui-même. Bien que méconnu, Percheron est l’un des hommes politiques français les plus puissants. N’a-t-il pas « fait » l’élection si controversée de Martine Aubry à la tête du PS, le 22 novembre 2008 ? À cette époque, le congrès de Reims socialiste s’était achevé sur une pantomime, donnant à Aubry 42 voix d’avance sur Ségolène Royal. Fraudes comprises.

Car la triche électorale durant ce congrès a été amplement documentée par l’enquête du journaliste David Revault d’Allonnes, Petits meurtres entre camarades (éd. Robert Laffont), et pour ce qui concerne le camp Aubry, elle se concentre dans la région Nord-Pas-de-Calais, tenue par Percheron. Dans un entretien au Parisien en septembre 2009, le responsable socialiste Malek Boutih parle de « bourrage d’urnes » et vise explicitement la fédération du Nord.

Idem pour le Pas-de-Calais, selon l’ancienne responsable du Mouvement des jeunes socialistes dans le département, Anne-Sophie Taszarek : « Fausses adresses, inscriptions multiples... Moi-même, je me suis trouvée inscrite dans plusieurs bureaux alors que je n’ai toujours voté qu’à Montigny-en-Gohelle ».

Daniel Percheron ne doit pas trouver beaucoup de temps pour se préoccuper d’une « ferme des 1000 vaches » dans la Somme voisine. D’autant que le fonctionnement même de la région Nord-Pas-de-Calais, dont il est président depuis 2001, exige une attention particulière. Malgré la crise, les effectifs salariés ont augmenté de 25 % entre 2007 et 2011, contre 7 % pour une région réputée gaspilleuse, Provence-Alpes-Côte-d’Azur (Paca) (voir le beau site d’infos régional dailynord). Le service de communication ne compte-t-il pas soixante-quinze personnes, dont sept photographes ?

La famille n’est pas oubliée. En avril 2011, on apprend qu’Elvire Percheron, fille de son père et conseillère à son cabinet, va devenir administratrice adjointe – le numéro 3 - du grand musée Louvres-Lens. Les dés sont légèrement pipés, car le jury qui doit décider est constitué de proches de Percheron. Devant le tollé, Percheron recule, et fifille doit patienter. Le poste qui lui était promis disparaît de l’organigramme du musée. Mais papa ne renonce pas.
En novembre 2013, le site dailynord révèle qu’Elvire Percheron vient d’être nommée directrice générale adjointe-, l’un des plus hauts postes du Conseil régional. On n’est jamais si bien servi que par soi-même.

Encore ne racontera-t-on pas ici la fabuleuse saga du trio socialiste Percheron-Mellick-Kucheida, parti au début des années 70 à la conquête de la région pour le compte de leur parti. Si Percheron est toujours en place – ô combien -, les deux autres sont des morts politiques. Jacques Mellick, ancien ministre, ancien maire de Béthune, a sombré après son faux témoignage dans l’affaire de foot truqué OM-VA. Jean-Pierre Kucheida a été maire de Liévin de 1981 à 2013, et député. Exclu du Parti socialiste en 2012, il a été condamné en 2013 pour abus de biens sociaux et plusieurs enquêtes judiciaires le concernant sont en cours. Ajoutons qu’il a longtemps régné sur une puissante société d’économie mixte, Adevia, maître d’ouvrage délégué des travaux au stade Bollaert. Un stade dont il a toujours fréquenté les tribunes chic, car Kucheida aime profondément le foot.

Nous sommes-nous perdus en route ? Un peu, sans doute, mais pas totalement.

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- Michel Ramery -

Résumons : Ramery est un géant du BTP. Il est en affaires avec des personnages clés du Nord-Pas-de-Calais, comme Gervais Martel ou Guy Mollet. Daniel Percheron, le grand patron politique de la région, aime sa famille, et le foot. Comme, apparemment, Michel Ramery, qui a volé au secours de Gervais Martel et du stade Bollaert. Comme Nicolas Dumont, le maire d’Abbeville, distante de moins de cent kilomètres du stade ? Stéphane Decayeux, candidat UMP aux municipales d’Abbeville, assure : « Dumont et Percheron sont des copains. Dumont a souvent été vu avec dans les tribunes de Bollaert ». D’autres témoins rapportent la même chose, mais Reporterre n’a pu obtenir aucun témoignage direct. Ce qui ne changerait rien, car l’amour du foot et l’amitié ne sont nullement des délits. Juste des mouvements de l’âme.

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MessageSujet: Re: Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre)   Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) EmptySam 11 Jan - 12:27

Ferme usine : et si l’on pensait aux vaches ?

samedi 11 janvier 2014

Il semble utile de rappeler aux promoteurs des fermes usines et autres décideurs que les vaches sont des êtres vivants et conscients. Réduire leur existence à subir un élevage concentrationnaire revient à les considérer comme des machines.

Série : Le Dossier de la Ferme des Mille Vaches (Reporterre) Arton5231-afe4b

Où l’on regarde avec effarement une émission télévisée de 1970. Où il apparaît que l’Inra a été le grand organisateur de l’élevage industriel. Où l’on confirme que Novissen est une grande association humaine.

Les animaux. Qui oserait oublier les mille vaches, et les sept cent cinquante génisses et veaux qui les accompagneraient dans leur calvaire ? Brigitte Gothière, responsable de l’association L214, se souvient pour Reporterre : « Pour nous, ça a démarré en août 2011. Gilberte Wable, actuellement responsable de Novissen, nous a contactés
pour nous alerter sur l’enquête publique en cours. On a donc rédigé une petite contribution pour dénoncer les conditions de vie promises aux animaux avec un tel projet
».

L214 (Éthique et animaux) est une association née en 2008, dans le prolongement du collectif Stop au gavage, qui dénonçait depuis des années les souffrances infligées aux oies et aux canards pour obtenir du foie gras. L214 tire son nom d’un article – le L214 bien sûr – du Code rural, qui date de 1976. Pour la première fois, les animaux sont considérés pour ce qu’ils sont. Citation : « Tout animal étant un être sensible, il doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. »

La « ferme des 1000 vaches » ne pouvait dans ces conditions que révolter ces militants de la cause animale, mais on insistera sur la date évoquée plus haut par Brigitte Gothière. Elle a toute son importance, car en août 2011, l’association Novissen, cœur de la contestation contre le projet, n’existe pas encore. Une façon de souligner que dans cette bagarre, le sort désastreux fait aux animaux a été pris en compte dès le départ. Grâce à la personnalité de Gilberte Wable qui, plus qu’aucun autre personnage de l’histoire, a rassemblé les énergies et écrit d’ailleurs la toute première pétition.

« Ce projet est insupportable, confie Gilberte Wable à Reporterre. Si les vaches devaient être placées dans les conditions prévues dans le projet Ramery, elles seraient totalement perdues. Car elles ont une vie sociale, car elles ont un psychisme ! Vous savez qu’on serait obligé de les écorner pour mieux pouvoir les entasser ? »

La vérité est que les autorités publiques se moquent éperdument de ces questions. L’Institut national de la recherche agronomique (Inra) n’a-t-il pas joué un rôle central, décisif dans le processus d’industrialisation de l’élevage ? Si la plupart de ses chercheurs et techniciens ont accepté d’accompagner cette descente aux enfers, quelques-uns ont refusé.

En 1979 par exemple, les vétérinaires de l’Inra Robert Dantzer et Pierre Mormède publient un livre sur certaines dimensions de la souffrance animale dans les élevages concentrationnaires (Le stress en élevage intensif, Masson). Ils y notent « que les conditions de vie et les manipulations auxquelles sont soumis les animaux peuvent solliciter de façon exagérée leurs capacités d’ajustement physiologique et comportemental, c’est-à-dire provoquer un véritable état de stress, avec des manifestations aussi diverses qu’une augmentation de la sensibilité aux maladies infectieuses, des ulcérations gastro-intestinales, l’apparition de comportements anormaux ou des interférences non négligeables avec les capacités de production. »

À l’opposé, à l’inverse, Raymond Février. Né en 1920 dans une famille très engagée à gauche – son père sera ministre du Travail sous le Front Populaire -, il sort de la guerre, comme tant d’autres zootechniciens de son époque, avec la ferme volonté de dynamiter l’élevage traditionnel. D’abord employé par l’industrie de l’élevage naissante, Février est aussi l’un des premiers chercheurs de l’Inra, né en 1946, et à ce titre directeur de la station expérimentale de Bois-Corbon, dans la forêt de Montmorency (Val d’Oise).

C’est là que tout commence. Car les zootechniciens autour de Février ont découvert le livre américain Animal Breeding Plans (Aperçus sur l’élevage des animaux), paru en 1937, qui va devenir la Bible d’une génération de techniciens d’élevage. Il contient notamment une technique révolutionnaire, le « progeny testing », qui permet de contrôler la descendance des animaux par sélection génétique, ce qui ouvre la voie à des « champions » de la reproduction. Quantité d’événements, souvent vécus dans l’ivresse par les techniciens de l’Inra, vont se succéder pendant des décennies, transformant peu à peu les animaux en purs et simples objets de manipulation, sur fond de productivisme débridé.
De ce point de vue, l’émission télé Eurêka du 2 décembre 1970 marque une date clé (http://www.ina.fr/video/CPF06020231).

Février, qui est alors l’un des responsables de l’Inra – il deviendra directeur général en 1975 – y exprime à merveille l’esprit de l’élevage industriel : une course sans fin à la performance, alimentée par une indifférence totale à la souffrance animale. Expliquant, face à la caméra que l’on va droit à la viande industrielle, Février ajoute : « La chimie a fait des progrès considérables, et nous pouvons savoir ce qui, dans la viande, les fromages, le beurre, donne leur goût à ces produits. Par conséquent, on peut extraire ces substances chimiques et les remettre dans, par exemple, des viandes artificielles. On fait du jambon, on fait du bifteck, on fait ce qu’on veut, avec ces produits-là. »

On fait ce qu’on veut, et on fera tout ce qu’on veut. Un sommet est atteint, dans la même émission, avec l’épisode de la « vache au hublot » (à 4 minutes du début). Dans un hangar, un technicien enfile des gants jusqu’au coude et s’approche d’une vache entravée dont on ne sait pas très bien si elle est vivante ou morte. Sur son flanc, une sorte de hublot circulaire. Le technicien enfonce son avant-bras et l’on comprend avec peine que la vache est bien en vie et que le hublot conduit à l’un de ses estomacs, dont le technicien retire une bouillie d’herbe fumante. Commentaire du film : « Cet animal pourtant bien vivant n’est en fait qu’un appareil de mesure, une chaîne de fabrication. […] Pour juger de ce qui s’est passé dans l’usine vivante, on fait des prélèvements à tous les stades de fabrication. »

Depuis cette date fatidique, l’élevage concentrationnaire des bêtes est devenue une règle presque totale. Mais le projet de « ferme des 1000 vaches » représenterait sans aucun doute un nouveau pas en avant vers la chosification des êtres vivants. De ce point de vue, la rencontre entre les membres de Novissen, les militants de la Confédération paysanne et ceux de L214 semble prometteuse.

« Malgré les grandes différences entre la Conf’ et L214, dit Brigitte Gothière, on travaille ensemble, parce qu’on s’appuie sur ce qui nous lie : le refus de l’élevage industriel. Nous profitons de nos différences, et ce qui fait la force de ce mouvement je crois, c’est cette ouverture. »

L’aventure Novissen annonce-t-elle un printemps du mouvement écologiste ? Il est bien trop tôt pour le dire, mais les fleurs sont déjà là. « Nous devons beaucoup à Novissen, conclut Brigitte Gothière. Certains de leurs membres participent maintenant à nos actions devant les supermarchés pour demander le retrait des œufs de poules élevées en cage ! Et plusieurs m’ont dit être contents d’avoir changé leurs habitudes de consommation, notamment en mangeant moins de viande."

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