Vendredi 23 mai 2014
Européennes : Le Front de Gauche veut “ fendre l’armure néo-libérale ”
À quelques jours des élections européennes,
Gabriel Amard, tête de liste du
Front de Gauche dans le Grand-Est, faisait une escale à Dijon, avant de terminer sa campagne dans le Jura. Une dernière occasion pour lui de faire valoir sa croisade contre les lobbies et le néo-libéralisme qui gangrènent l’Europe. Et pour illustrer son discours, en guise d’avant-propos,
Dominique Durand et Christophe Depierre, respectivement des usines
Parker et
TRW de Dijon, étaient invités à monter sur l’estrade.
“ Parker, c’est une machine de guerre ”“ En 2013, le chiffre d’affaires de Parker était de 13 milliards de dollars ”, introduit directement Dominique Durand. Et c’est cette même année qu’un plan de restructuration est appliqué. En France, les sites d’Annemasse et de Dijon sont concernés, l’effectif de la cité des ducs étant tranché “ d’au moins 50% ”. Du côté de TRW, “ c’est comme Parker ”, sauf qu’en parallèle, une usine est construite en Pologne, accueillant désormais 900 salariés. “ Des ouvriers qui coûtent autant que les 144 Dijonnais ”, se lamente Christophe Depierre. “ J’ai l’impression que la crise de 2008 est maintenue artificiellement ”, continue-t-il, avant de pointer du doigt les aides financières qui ont profité à l’entreprise. Des subventions directement versées par l’Europe.
“ Pour mobiliser les gens, il faut faire comprendre la politique actuelle dans laquelle on vit, cette politique en faveur du patronat.
En France, en 2013, Parker touchait 7 millions d’euros d’aide. En 2014, la boîte touchera 50% de plus ! ”, s’exclame Dominique Durand avant d’expliquer qu’en 5 années, les actionnaires du groupe ont vu leurs dividendes exploser de 141%. “ Clairement, nos patrons ne savent pas ce que c’est que de vivre avec peu ”, renchérit Christophe Depierre, “ mais nous, tout ce qu’on veut, c’est vivre de notre travail. Si on laisse les décisions européennes aux technocrates, ça ira mal, il nous faut des représentants pour lutter contre les lobbies ! ”
“ Remplacer le PS en Europe ”Après avoir vérifié que tous les sièges du premier rang étaient occupés et remercié les personnes présentes, Gabriel Amard débute son habituel discours. Mais à peine a-t-il le temps d’aller plus en avant que l’alarme incendie le coupe. Coupée, puis réactivée automatiquement à plusieurs reprises, elle désarçonne le candidat. Il ne manquera pourtant pas d’humour en expliquant qu’il allait justement remercier la mairie qui l’accueillait, salle Jean Bouhey. Mais le cirque ne s’arrête pas, la stridente alarme continue son boucan. Dans le public, quelqu’un lance que “ c’est un coup des socialos ! ”, et Gabriel Amard de croire en un sabotage. Après qu’un partisan eut fini d’arracher l’alarme, le meeting a pu reprendre.
Il ne s’en cache pas, la volonté du Front de gauche est “ de remplacer le PS en Europe ”. “ Le PS cogère la politique du libre échange avec la droite et le centre. Il existe une autre voix, nous ”, clame-t-il. “ Nous n’aimons pas l’Europe. Nous n’aimons pas l’Europe de l’austérité, l’Europe des petites paies, l’Europe des retraites égoïstes. Nous voulons une Europe verte, responsable, et qui reprend le contrôle de sa monnaie ”. Pour le Front de gauche, il est hors de question de continuer avec une Banque centrale européenne “ obsédée par le déficit public, qui fait du profit avec nos impôts ”. Heureusement, il entrevoit “ la fissure de l’armure du néo-libéralisme ”. Il prend pour preuve les mobilisations de l’extrême gauche en Grèce ou au Portugal. Et même au niveau local, lors des Municipales, “ nos camarades élus ont prouvé qu’on pouvait reprendre le contrôle et résister contre cette politique scélérate ”.
" Cette Europe, c’est le Moyen-Âge "
La présence de Dominique Durand et de Christophe Depierre ont servi à démontrer que derrière ces manipulations économico-politiques, se cachent les lobbyistes, “ ceux qui tiennent le stylo du législatif européen. 95% des réunions se font avec les lobbyistes, ils sont tout le temps présents et notent absolument tout ce qui est dit ”. Pour avoir vu les coulisses de l’Union, il avance qu’au moins une fois par semaine, les plus grandes entreprises privées d’Europe sont réunies avec les politiques pour “construire la culture du libre échange comme horizon infranchissable”.
Pointant les dérives d’un tel système politique, d’une production économique aveugle et d’une négligence aussi bien vis-à-vis du bien-être des hommes que celui de l’environnement, il affirme malgré tout que le Front de gauche n’est pas eurosceptique. “ Nous sommes capitalo-sceptiques ”. C’est donc logiquement qu’il s’oppose au Grand marché transatlantique (Tafta) qui mènera à une Europe à la recherche de la moindre source de profit. “ Cette Europe, c’est le Moyen-Âge. Nous, nous ressentons les besoins des Européens, et c’est là-dessus que nous devons nous baser, pas sur la demande des entreprises privées ”.
Valentin Euvrard, pour Le Miroir