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 La productivité est en panne (Jean-Marie Harribey pour Alternatives Economiques)

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La productivité est en panne (Jean-Marie Harribey pour Alternatives Economiques) Empty
MessageSujet: La productivité est en panne (Jean-Marie Harribey pour Alternatives Economiques)   La productivité est en panne (Jean-Marie Harribey pour Alternatives Economiques) EmptyJeu 10 Juil - 16:00

On le sait depuis une trentaine d’années, la productivité du travail progresse beaucoup moins vite qu’avant quand on regarde une économie dans son ensemble. Plusieurs facteurs expliquent certainement ce ralentissement. Parmi eux : le décalage dans le temps entre l’introduction des nouvelles techniques et leur influence, la faiblesse des innovations véritables, et la tertiarisation des économies. Sur ce dernier point, la productivité du travail augmente beaucoup plus lentement dans beaucoup de services que dans l’industrie ou dans l’agriculture industrielle, et comme la part des services est devenue prépondérante dans la valeur ajouté globale, l’augmentation moyenne de la productivité du travail décline.

Ces explications sont présentées habituellement par un concept appelé « productivité globale des facteurs », censé mesurer le rôle du progrès technique sur l’efficacité du travail et des machines employés, et dont la progression est évaluée en faisant la différence entre le taux de croissance économique et le taux de croissance des quantités de travail et de capital pondérées par leur part dans le revenu global.

Mon propos n’est pas d’en présenter le détail technique que le lecteur intéressé trouvera dans une fiche sur mon site, en même temps que la critique de la fonction de production Cobb-Douglas de laquelle est issue le calcul précédent. Le lecteur curieux pourra aussi lire l’excellent article que viennent de publier dans la Revue de la régulation Bernard Guerrien et Ozgur Gun « En finir, pour toujours, avec la fonction de production agrégée ».

Je veux juste m’arrêter sur le dossier grand public publié par Valérie Segond dans Le Monde Éco&entreprise du 1er juillet 2014 : « Les économistes face à la mystérieuse panne de la productivité ». L’auteure a sollicité les plus en vue, qui proposent des explications de la panne. « Mais où sont donc passés les gains de productivité ? Si chacun s’interroge, il y a d’abord un double problème de lecture.
Alors que la comptabilité nationale tient compte de la qualité des produits, elle ne sait pas faire de même pour les services, souligne Patrick Artus. Ainsi, un billet de train acheté sur Internet qui a fait économiser une demi-heure de queue n’est pas mesuré différemment. L’amélioration de la qualité est comptée pour zéro.“ L’outil statistique est d’autant plus déficient que, remarque l’économiste américain Erik Brynjolfsson, “dans un monde où la gratuité s’étend, les services offerts par les Google, Facebook, Youtube comptent pour zéro dans le PIB nominal. De façon générale, en pesant sur les prix, la digitalisation des services pèse sur le PIB, donc sur la productivité. Et Patrick Artus de conclure : Il est bien possible que le PIB et, partant, les gains de productivité soient aujourd’hui très fréquemment sous-estimés.“ »

Je soutiens l’idée que le problème soulevé par ces deux économistes éminents est faux. Leur erreur est de croire que la productivité du travail et le PIB en amont de celle-ci sont des indicateurs vus du côté du consommateur, du côté de l’utilité que celui-ci retire de la consommation de biens ou de services. Il n’en est rien, ces indicateurs sont calculés du côté de la production, évaluée monétairement, dans laquelle la qualité du service rendu en aval n’entre nullement en compte.

Pardon pour le leitmotiv que je livre souvent : 99 % des économistes ont oublié les linéaments de l’économie politique, à savoir que la valeur d’usage et la valeur au sens économique n’ont aucun lien commensurable entre elles.[1] C’est ce qui conduit ces économistes à s’alarmer que le PIB (qui figure au numérateur du ratio productivité du travail) ne tienne pas compte de la qualité des services. Mais s’émeuvent-ils de la qualité du transport dans des véhicules coincés dans des embouteillages pour mesurer la productivité sur les chaînes automobiles ?

Ce qui est toujours surprenant, c’est que plus les économistes sont haut placés dans la hiérarchie académique, plus ils prennent des aises avec la rigueur scientifique. Si, grâce à – ou à cause de – la révolution numérique, les prix des nouveaux produits diminuent, et donc entraînent le PIB vers une moindre augmentation, où est le malheur si les services rendus par ces nouveaux produits sont réels ? Ce serait plutôt cet aspect qu’il conviendrait d’examiner, au regard de la crise sociale et de la crise écologique, plutôt que de perdre son temps dans des reconstructions du PIB qui ne seraient pas moins arbitraires que les constructions initiales.[2]

S’il faut considérer que les progrès de la productivité du travail seront dorénavant vraisemblablement faibles, alors l’exigence de son partage équitable sera de plus en plus forte, entre les groupes sociaux et aussi entre les types d’investissement et entre le pouvoir d’achat privé et la protection sociale. Le moment des vrais choix de société s’approche peut-être. Le report de l’application du compte pénibilité du 1er janvier 2015 au 1er janvier 2016, compte que le gouvernement avait présenté comme une avancée de sa réforme des retraites, est un signe contraire : au lieu de réduire le temps de travail, on fait tout pour l’allonger ou ne pas le réduire comme il le faudrait pour combattre le chômage. La productivité est en panne, et son partage est laissé en rade.

[1] Pardon pour citer encore mon livre dans lequel tous ces détails sont développés : La richesse, la valeur et l’inestimable, Fondements d’une critique socio-écologique de l’économie capitaliste, LLL, 2013.

[2] Je n’en dis rien ici, mais une nouvelle controverse méthodologique a jailli sur le blog voisin de Jean Gadrey à propos d’une corrélation transformée abusivement en causalité.
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