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 Espagne : l'alternative citoyenne Guanyem veut « dynamiter le système catalan » (Médiapart)

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MessageSujet: Espagne : l'alternative citoyenne Guanyem veut « dynamiter le système catalan » (Médiapart)   Espagne : l'alternative citoyenne Guanyem veut « dynamiter le système catalan » (Médiapart) EmptySam 8 Nov - 19:49

Mercredi 5 novembre 2014

Espagne : l'alternative citoyenne Guanyem veut « dynamiter le système catalan »

Comme leurs cousins du mouvement Podemos, les Guanyem (« Gagnons ») sont des héritiers du mouvement des indignés qui se lancent dans l'arène électorale. Ils visent la mairie de Barcelone en 2015. Leur stratégie: importer les méthodes des mouvements sociaux pour rénover la politique.

De notre envoyé spécial à Barcelone. Oubliez les débats enflammés sur l'indépendance de la Catalogne, et les élections régionales anticipées qui pourraient s'y dérouler dans quelques mois. C'est à l'approche des scrutins municipaux – en mai 2015 à travers toute l'Espagne – qu'a surgi à Barcelone l'une des initiatives « post-indignés » les plus inventives du moment : Guanyem (« Gagnons », en catalan), une plateforme citoyenne, emmenée par des acteurs des mouvements sociaux, qui a des chances de ravir la mairie à la droite nationaliste.

À l'instar de leurs collègues de Podemos, les  Guanyem veulent recycler dans les urnes l'esprit du « 15-M », le mouvement « indigné » qui a bousculé l'Espagne en 2011. Mais le collectif, né au début de l'été, s'y prend différemment pour négocier ce virage institutionnel : là où la formation Podemos de Pablo Iglesias s'est présentée d'entrée de jeu aux européennes avec l'ambition de sortir l'Espagne du marasme, les activistes catalans jouent la carte de l'ancrage local. Ils misent sur un travail de fond, depuis les quartiers de Barcelone, pour préparer l'alternative.

« De cette crise, personne ne sortira comme avant. Ce qui nous attend, c'est, au choix, un horizon féodal, avec une augmentation brutale des inégalités, une concentration sans précédent des richesses, de nouvelles formes de précarité pour la majorité des citoyens. Ou alors, une révolution démocratique, où des milliers de personnes s'engagent, pour changer la fin du film. Cette opportunité, certains, comme Podemos, l'ont saisie à l'échelle nationale. Nous, il nous a semblé que Barcelone était le cadre idéal pour lancer cette démocratisation », explique Ada Colau, porte-parole de Guanyem, dans un entretien à Mediapart.

« La mobilisation citoyenne est sans précédent. Les gens comprennent que la délégation de la politique à des “ professionnels ” nous a conduits à la ruine. La démocratie ne peut plus se résumer à un vote tous les quatre ans. Il faut profiter de ces énergies-là. C'est maintenant ou jamais », poursuit Colau. Cette Barcelonaise de 40 ans, brune et énergique, est connue dans toute l'Espagne pour avoir été la voix de la Plateforme des personnes touchées par l'hypothèque (PAH), un mouvement qui a empêché des centaines d'expulsions immobilières dans le pays.

Le discours d'Ada Colau lors du lancement de Guanyem en juin 2014.

Ce jeudi soir d'octobre, dans un square du quartier résidentiel San Antoni dans l'Eixample, ils sont une grosse centaine à s'être rassemblés pour écouter Ada Colau débattre avec des « voisins ». La table, les chaises et les amplis ont été installés un peu plus tôt, il fait encore chaud alors que la nuit tombe. Dans le public, beaucoup de retraités, mais tous les âges sont représentés. À l'un des angles de la place, on vend des badges, des sacs et des T-shirts « Guanyem » – cela sent déjà la campagne électorale. La réunion est filmée et diffusée en direct sur le site du mouvement.

Espagne : l'alternative citoyenne Guanyem veut « dynamiter le système catalan » (Médiapart) AC14
Une photo de campagne d'Ada Colau. © Francesc Masegue

Depuis la publication, en juin dernier, de leur manifeste, qui a récolté 30 000 signatures, l'équipe enchaîne les rencontres dans les quartiers de la capitale, pour présenter son projet et dresser l'inventaire des doléances. Ce soir-là, Ada Colau parle (en catalan) des méfaits du tourisme de masse qui n'enrichissent que « les élites », des multinationales étrangères qui construisent des hôtels à Barcelone mais paient leurs impôts dans des paradis fiscaux, et des inégalités qui se creusent dans cette ville de 1,6 million d'habitants (« L'espérance de vie varie de huit années selon le quartier de Barcelone où l'on naît »).

À ses côtés, l'avocat des droits de l'homme Jaume Assens, un autre porte-parole de Guanyem, diagnostique, lui, la « crise de régime » que traverse l'Espagne, et tempête contre le « clan Pujol », référence à Jordi Pujol, l'ex-président de la Catalogne, et sa famille, aujourd'hui empêtrés dans un vaste scandale de corruption.

Dans le public, on écoute et, parfois, on se lève pour prendre la parole au micro. « Barcelone est une ville qui a toujours beaucoup discuté d'elle-même. Il y a toujours eu d'intenses débats pour savoir ce que devient la ville, si la ville d'aujourd'hui nous plaît, etc. Le mouvement des vecinos (voisins – Ndlr) est très vivant. Le mouvement du “ 15-M ” (indigné – Ndlr) fut très intense ici. C'est l'un des éléments qui nous fait dire que Guanyem est possible, et peut gagner », commente Joan Subirats, un universitaire spécialiste des questions d'exclusion sociale à Barcelone, et chroniqueur réputé dans la presse locale.

Subirats a milité, à la fin des années 1960, au sein d'un groupe anti-franquiste proche des communistes catalans, l'éphémère Bandera roja. Il n'a plus jamais, depuis, adhéré à un parti traditionnel. À 63 ans, cette figure de la vie intellectuelle barcelonaise est l'un des initiateurs de Guanyem, pour dit-il, « rénover la politique ». « Barcelone n'est pas n'importe quelle ville de Méditerranée : ce qui se construit ici peut créer un précédent pour d'autres villes ailleurs en Espagne et en Europe », s'enthousiasme-t-il. À la seule annonce du lancement de Guanyem à Barcelone, en juin, des dizaines de « Ganemos » (la traduction en castillan) ont surgi partout en Espagne.

« Faire tenir les pièces du puzzle »

Ce jeudi soir-là dans l'Eixample, à la fin de son intervention, l'avocat Jaume Assens finit par lâcher l'un des concepts-clés de la jeune formation : la « confluence ». La plateforme, pour former une majorité dans les urnes, applique une méthode “ boule de neige ” : agréger du vieux et du neuf, des partis institutionnels comme des mouvements sociaux. En clair, s'entendre, par-delà les identités politiques des uns et des autres, sur des objectifs concrets, pour « récupérer Barcelone ». C'est à leurs yeux la seule manière efficace pour transformer un mouvement citoyen participatif en une majorité dans les urnes.

Espagne : l'alternative citoyenne Guanyem veut « dynamiter le système catalan » (Médiapart) Guanyem1
Affiche de campagne de Guanyem qui exploite le scandale de corruption qui frappe Jordi Pujol.

Depuis la sortie de l'été, les négociations sont intenses. La liste des soutiens à Guanyem ne sera définitive qu'à la fin de l'année, mais on en connaît déjà les principales têtes d'affiche. Aux côtés de jeunes formations surgies pendant la crise, comme Podemos Barcelona ou le parti X (une autre structure héritière des « indignés », sans leader, qu'avait soutenue un temps le Français Hervé Falciani), figurent des partis de la gauche alternative plus traditionnelle, comme les écologistes d'ICV, le parti vert EQUO, ou encore – ce n'est pas acquis – les indépendantistes catalans de la CUP. S'il se débrouille bien, cet attelage hétéroclite, sur lequel se greffe une population d'activistes très mobilisés à Barcelone, pourrait finir par propulser Ada Colau à la tête de Barcelone.

D'autant que la liste ne s'arrête pas là. Guanyem pourra aussi compter sur le soutien d'un drôle de collectif, révélateur de l'ébullition catalane des derniers mois : le Proces constituent. Lancé en 2013, ce mouvement social, qui prône à la fois l'indépendance de la Catalogne, la transparence absolue de la vie politique et la fin du capitalisme financier, fédère très largement sur le terrain, emmené par un économiste de renom, Arcadi Oliveres, et une religieuse habituée des plateaux de télévision, Teresa Forcades. Cette dernière s'était fait connaître du grand public en 2009, pour avoir dénoncé la gestion de l'épidémie de la grippe aviaire, et la manière dont l'industrie pharmaceutique a dopé ses profits pendant cette période.

En août 2013, la religieuse Teresa Forcades (Proces Constituent) dénonce les « sauvetages » des banques en Europe.

« Nous voulons dynamiter le système politique catalan », raconte Josep Maria Antentas, professeur de sociologie de l'université autonome de Barcelone, qui intègre le comité exécutif du Proces – et votera Guanyem aux municipales. « Podemos peut le faire à lui tout seul en Espagne, contre le bipartisme PP-PSOE. Mais en Catalogne, c'est plus compliqué, parce que le paysage politique est plus éclaté : il y a toujours eu beaucoup plus d'acteurs politiques qu'ailleurs dans le pays. »

« À Guanyem comme au sein du Proces, il y a de la place pour tout le monde, y compris pour les “ anciens ” partis. Mais l'important, c'est que les nouvelles pratiques soient majoritaires au sein du collectif. Ce sera le grand défi des semaines à venir : faire que les pièces du puzzle catalan tiennent ensemble, que les vieilles pièces trouvent leur place aux côtés des nouvelles…, poursuit Antentas. Nous sommes dans un moment de transition, où les initiatives sont nombreuses. Parce que l'époque que l'on vit est très difficile. Il faudra que cela se stabilise, à terme, d'une manière ou d'une autre. »


Mais comment, concrètement, parvenir à faire dialoguer des représentants de la « vieille » et de la « nouvelle » politique, au sein d'une plate-forme électorale ? Comment s'entendre sur un programme précis ? Ici ou là, des microfissures apparaissent. Certains secteurs des indépendantistes de la CUP, une formation de la gauche radicale, rechignent à rejoindre Guanyem si les écologistes d'ICV, qui ont longtemps gouverné en Catalogne aux côtés des socialistes, y sont également. « Il y a de la place pour tout le monde, tente de désamorcer l'eurodéputé d'ICV Ernest Urtasun. L'important, c'est de construire une dynamique gagnante. Si l'on commence à s'exclure les uns les autres, on ne va pas y arriver. »

Ada Colau semble, elle aussi, confiante sur sa méthode, misant sur les acquis des batailles passées : « Nous avons appris du cycle des mobilisations antérieures, des mouvements altermondialistes aux mobilisations contre la guerre en Irak (en 2003 – Ndlr), puis, plus tard, dans les actions pour le droit au logement, comme V de Vivienda (à partir 2006 – Ndlr). Cela fait plus d'une décennie que l'on teste de nouvelles manières de s'organiser, de mener des campagnes citoyennes. Le dernier exemple en date, c'est la PAH : une organisation horizontale, la plus ouverte possible, mêlant des gens de tous les horizons, mais qui a su se montrer efficace sur le terrain en obtenant des résultats concrets. Nous voulons faire de même avec Guanyem. »

Les leçons de la PAH, plateforme anti-expulsions

Si l'on veut mieux comprendre la stratégie de Guanyem, il faut ici s'autoriser un détour, et revenir aux sources de la PAH, success story des mouvements sociaux espagnols. La structure a été créée en Catalogne dès 2009, et s'étend au reste du pays grâce au surgissement des « indignés » à partir de 2011. Pendant la crise, de nombreux ménages ont perdu leur emploi et n'ont pu rembourser leurs prêts immobiliers. Beaucoup d'entre eux se sont trouvés piégés par des clauses abusives dans leur contrat : les banques ont été autorisées à récupérer les biens immobiliers aux prix du marché, alors que ce marché s'était, entre temps, effondré, à cause de la crise immobilière. Il restait encore aux ménages à rembourser la différence. Des milliers d'Espagnols se sont donc trouvés expulsés, sans emploi, mais aussi endettés à vie.

Espagne : l'alternative citoyenne Guanyem veut « dynamiter le système catalan » (Médiapart) AdaColau2

Dans ce contexte, la PAH va devenir l'un des mouvements les plus populaires d'Espagne, en réclamant :

- La suppression de l'ensemble de la dette des ménages, en cas de saisie d'un bien immobilier,
- Un moratoire sur les expulsions,
- La transformation des biens immobiliers saisis par les banques en un parc de logements sociaux.
Parmi ses faits d'armes, la plate-forme a rassemblé l'an dernier plus de 1,4 million de signatures pour inscrire son « initiative législative populaire » sur l'agenda du congrès espagnol, malgré l'opposition du PP, parti de droite, majoritaire aux Cortes. Elle mène aussi des « scratches » spectaculaires, des rassemblements d'activistes devant les domiciles d'élus opposés à une modification de la loi sur les expulsions. Et, à côté de ces actions « coups de poing », la PAH remplit, presque sans aucun moyen financier, des fonctions proches du travail d'une administration : aide juridique et psychologique pour les ménages endettés, suivi juridique des dossiers et négociations avec les banques, etc. Elle a bloqué des centaines d'expulsions dans le pays.

En 2013, la Cour de justice européenne a reconnu, comme le clamait la PAH depuis le départ, que la loi hypothécaire espagnole violait les droits fondamentaux : la législation a dû être modifiée. C'est l'une des grandes victoires de Colau (elle parle d'une « petite grande victoire », parce que, sur le fond, rien n'est encore réglé). La Catalane finit par abandonner le porte-parolat de la PAH en mai 2014, pour lancer Guanyem le mois suivant.

Aujourd'hui, la dynamique de rassemblement autour de Guanyem doit beaucoup à la figure consensuelle d'Ada Colau, dont les batailles des années passées ont marqué la population et les acteurs sociaux. Des partis politiques ont souvent essayé de l'enrôler, mais elle a toujours décliné. Son nom avait aussi circulé au moment du lancement de Podemos.

Espagne : l'alternative citoyenne Guanyem veut « dynamiter le système catalan » (Médiapart) Guanyem2

Affiche de campagne de Guanyem : « Ils le savaient » (Lire la Boîte noire).

Pour l'universitaire Joan Subirats, Guanyem est un cas typique de « leadership “ quincemayista ” (issu du 15-M, le mouvement indigné – Ndlr) » : « D'un côté, on met en avant des porte-parole plutôt qu'un leader unique, qui sont tous reconnus pour leur capacité à créer des liens, à articuler les luttes, sur le terrain comme sur internet. Et de l'autre, on assume un message très personnalisé, un “ hyper-leadership ”, en la personne d'Ada Colau, qui nous sert de raccourci, pour attirer des gens venus d'horizons très différents. »

Porté par la figure médiatisée de Pablo Iglesias, qui vient, lui, du champ universitaire, Podemos s'y prend à peu près de la même façon. Mais Ada Colau garde ses distances, en douceur, avec son collègue madrilène : elle ne va pas aussi loin que le patron des Podemos, qui dénonce la « caste » au pouvoir, appelle désormais à la défense de la « patrie » espagnole et refuse de se placer sur un échiquier gauche-droite. Ada Colau s'en tient à critiquer les « élites » du pays et, surtout, continue de revendiquer des « valeurs de gauche » pendant sa campagne, soucieuse de conserver un ancrage dans les mouvements sociaux dont elle est issue.

Contrer le « tourisme de masse »

Au-delà des discours, le programme de Podemos semble, jusqu'à présent, plus étatiste sur le front économique, quand celui de Guanyem paraît plus poreux aux modèles alternatifs, par exemple dans sa défense des coopératives. « Nous sommes moins centrés sur le rôle de l'État, c'est sans doute l'influence du terreau anarchiste à Barcelone », sourit Joan Subirats. « Guanyem a déjà réussi à dépasser le côté “ anti ” : ils sont en train de devenir une force de propositions. Ils ont un côté positif, que n'a pas Podemos. Et ils articulent, ce qui est très important pour EQUO, les questions de justice sociale et de crise environnementale », juge de son côté Florent Marcellesi, l'un des dirigeants de ce parti écolo.

Espagne : l'alternative citoyenne Guanyem veut « dynamiter le système catalan » (Médiapart) Podemos417
Préparatifs de l'« assemblée citoyenne » de Podemos, en octobre. Podemos devrait soutenir Guanyem à Barcelone aux municipales. © Podemos.

Mais le programme de Guanyem, comme celui de Podemos, est encore flou, lenteurs de la démocratie participative obligent. Une vingtaine de commissions – certaines thématiques, d'autres par quartier – travaillent à élaborer des « pré-propositions », qui devront ensuite fusionner, sans doute en début d'année prochaine, avec les « propositions » des partis qui soutiendront officiellement Guanyem… De longues discussions – et foires d'empoigne ? – en perspective.

Certains axes de travail ont été déblayés. Guanyem est sur le point de se doter d'un « code éthique » (lire le document en chantier, en catalan et en espagnol). Les élus municipaux devront être transparents sur l'intégralité de leurs revenus et rendre publics leurs agendas professionnels. Ils ne pourront pas travailler, dans les cinq ans suivant la fin de leur mandat, pour des secteurs du privé avec lesquels ils ont été en contact. La charte prévoit aussi de limiter la durée dans le temps du travail d'un élu (mais la période maximale de huit ans, fixée par certains, ne fait pas consensus) et veut aussi plafonner les salaires des élus (le chiffre de 2,5 fois le Smic espagnol, soit 1 600 euros par mois, en plus des défraiements, figure dans le texte, mais ne recueille pas non plus l'unanimité).

En matière d'urbanisme, Guanyem veut contrer les « ravages » du tourisme de masse. « Le maire Xavier Trias a marchandisé la ville dans tous les sens, il a privatisé à tout-va. Une partie du port va être privatisée pour accueillir des paquebots de luxe », énonce l'écologiste Ernest Urtasun. Ada Colau est sur la même longueur d'ondes : « Le modèle actuel est suicidaire : exactement comme l'Espagne a connu une bulle immobilière il y a quelques années, une bulle touristique menace d'éclater à Barcelone qui risque, à moyen terme, de tuer le tourisme… Le centre est devenu un parc d'attractions », juge-t-elle. Avant d'énumérer ses idées : moratoire sur la construction de nouveaux équipements touristiques, débat citoyen sur l'utilisation de la taxe touristique pour redistribuer les revenus du tourisme aux habitants, incitations fiscales pour des entreprises touristiques plus écolos…

Avec Madrid, Barcelone est la seule ville d'Espagne à disposer de compétences élargies en matière d'éducation et de santé. « Cette loi spéciale doit nous permettre de construire un bouclier, pour les habitants de Barcelone, contre les politiques d'austérité décidées à Madrid », promet Joan Subirats. Sur le front du logement, sans surprise, l'ex-porte-parole de la PAH veut transformer en logements sociaux l'ensemble des biens immobiliers qui ont été confisqués par les banques depuis le début de la crise. « Cela peut se faire très rapidement, il manque simplement de la volonté politique aujourd'hui », assure-t-elle.

Les propositions commencent à se mettre en place, mais la route de Guanyem vers la mairie de Barcelone est encore longue. Principale inconnue : les aléas du mouvement indépendantiste en Catalogne. Guanyem est loin d'avoir la maîtrise de l'agenda électoral. À tout moment, le patron de la Generalitat, Artur Mas (un conservateur de CiU, du même parti que l'actuel maire de la capitale), peut accélérer les choses, et décider de convoquer des élections régionales anticipées, dès 2015 (en théorie, les Autonomicas se tiendront en Catalogne en 2016). Ce scénario compliquerait la donne pour Guanyem, qui n'a pas fait de l'indépendance un marqueur prioritaire.


« Il n'y a pas, pour le moment, d'unité au sein de Guanyem sur le sujet », reconnaît Joan Subirats. Un consensus se dégage pour défendre « le droit à décider » – c'est-à-dire la possibilité pour les Catalans de se prononcer par référendum sur l'indépendance, ce que refuse Madrid. Mais au-delà (l'indépendance ? une nouvelle fédération ?), c'est très incertain, et le collectif se garde d'aller plus loin sur ce terrain miné. « C'est vrai que le scénario catalan est très ouvert, qu'il peut se passer beaucoup de choses, y compris des élections anticipées. Il va falloir se montrer agiles… », sourit Ada Colau, qui en a vu d'autres.

Boite noire

Les entretiens avec les porte-parole de Guanyem, dont celui avec Ada Colau, ont été réalisés mi-octobre à Barcelone. J'ai échangé avec Ernest Urtasun et Florent Marcellesi à Bruxelles (au Parlement européen, où ils travaillent tous les deux).

Concernant les vidéos dans l'article :

page 1 : le discours d'Ada Colau lors du lancement de Guanyem, en juin 2014 à Barcelone

page 2 : une intervention sur la crise économique de Teresa Forcades, religieuse à la tête du Proces Constituent qui soutient Guanyem

page 2 : un clip de campagne de Guanyem Barcelona

page 4 : l'audition « historique » d'Ada Colau, à l'époque porte-parole de la PAH, devant la commission parlementaire des affaires économiques, à Madrid, en février 2013. Elle traite de « criminel » le responsable de l'association bancaire espagnole, Javier Rodríguez Pellitero, qui vient de justifier, lors de son audition, la nécessité des expulsions immobilières qui se multiplient alors en Espagne. Cette séquence, qui a beaucoup tourné sur les réseaux sociaux, a permis à Ada Colau de franchir une étape majeure en terme de notoriété dans toute l'Espagne. Voici un extrait de sa déclaration, devant ce parterre de députés : « Je n'ai pas lancé ma chaussure sur cet homme, parce que je crois que c'est important que je puisse participer à cette audition. Mais cet homme est un criminel et vous devriez le traiter comme tel. Ce n'est pas un expert. Les représentants des structures financières sont à l'origine du problème. Ce sont eux qui l'ont provoqué, qui ont ruiné l'économie entière de ce pays, et vous continuez à les considérer comme des experts. »

Dernière précision, en page 3 de l'article : le slogan de l'affiche, « Ils le savaient », fait référence à Jordi Pujol (à gauche sur l'image) et Felipe Gonzalez (à droite). Le conservateur Pujol, ex-président de la Generalitat catalane, a reconnu cet été avoir fraudé le fisc espagnol pendant plus de trente ans, via un compte bancaire en Andorre. Guanyem accuse Felipe Gonzalez, ex-chef de gouvernement espagnol, grande figure du PSOE (socialistes), d'avoir fermé les yeux.

Ludovic Lamant
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