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 Ce reniement dont Manuel Valls est le nom (Médiapart) + Valls : la fermeté pour unique image de marque (Médiapart)

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MessageSujet: Ce reniement dont Manuel Valls est le nom (Médiapart) + Valls : la fermeté pour unique image de marque (Médiapart)   Ce reniement dont Manuel Valls est le nom (Médiapart) + Valls : la fermeté pour unique image de marque (Médiapart) EmptyMer 14 Aoû - 16:39

Manuel Valls continue son échappée solitaire commencée au lendemain de l’élection de François Hollande. Cet été 2013, le ministre de l’intérieur s’en prend frontalement à la justice, reprenant les refrains ultra-sécuritaires de la droite après avoir donné crédit aux polémiques sur le voile qui stigmatisent les musulmans. Il y a près d’un an, Mediapart avait déjà marqué son désaccord, dans un parti pris toujours d’actualité.

L’affrontement entre Manuel Valls, ministre de l’intérieur, et Christiane Taubira, ministre de la justice, ne se fait pas que par médias interposés à propos de la décision du parquet de Chartres de ne pas incarcérer immédiatement trois condamnés en raison d'une prison surpeuplée. Il se fait aussi par lettre à François Hollande. Le 25 juillet 2013, Manuel Valls a envoyé une note au président de la République critiquant vivement la réforme de la procédure pénale du ministère de la justice (lire ici).

En septembre 2012, à la fin d'un été où Manuel Valls prit soin, déjà, d’occuper toute la scène, nous publiions ce parti pris mettant en garde contre « ces ministres de l’intérieur saisis du vertige de l’ordre au prix de l’injustice ». Nous le republions ci-dessous, accompagné (en page 3) de renvois à nos derniers articles illustrant le positionnement politique de Manuel Valls (à propos de l’islamophobie, des événements de Trappes, du voile à l’université, de l’asile pour Edward Snowden, des pratiques du renseignement, etc.).

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Manuel Valls sait-il que la France a voté le 6 mai 2012 ? Et qu’elle a voté majoritairement pour que le changement, ce soit maintenant ? Notamment pour les moins considérés et les plus démunis : les jeunes qui ne seraient plus victimes de contrôles au faciès, les musulmans qui ne seraient plus assimilés au terrorisme, les Roms qui ne seraient plus stigmatisés, les immigrés dont le vote local serait reconnu. Piétinant allègrement ces promesses du candidat François Hollande sans être rappelé à l’ordre, le ministre de l’intérieur frappe le nouveau pouvoir d’une marque indélébile : le reniement.

Durant sa campagne électorale, le candidat socialiste n’avait de cesse de répéter qu’il ne promettait que ce qu’il serait capable de tenir. Et que, par conséquent, ses promesses valaient ferme engagement : ce qu’il promettait, il le ferait. « Ce sont mes engagements. Je les tiendrai » : n’était-ce pas la phrase conclusive de l’introduction par François Hollande de ses « 60 engagements pour la France » ? Sauf à être naïf ou aveuglé, on se doutait bien que, s’agissant des enjeux européens ou des questions économiques, la partie serait plus incertaine, tant les évolutions dépendraient de rapports de force face aux dynamiques adverses.

Mais il y avait le reste, tout le reste, qui ne demande pas d’argent mais du courage : l’imagination et la volonté d’une politique nouvelle capable d’élever le pays au-dessus de lui-même, face aux défis qui l’assaillent. Certes la précipitation à passer, en une nuit, d’un traité européen à renégocier à un traité inchangé, qu’un addendum aurait seulement réorienté, tout comme le faible ordre du jour de la session parlementaire estivale, reportant à de lointaines échéances nombre de réformes promises, valaient déjà première alarme.

Le refus d’un vrai débat sur le nouveau traité européen et l’appel caporaliste à la discipline parlementaire valaient aussi première contradiction quand l’on se souvient de l’envolée d’un certain Jean-Marc Ayrault, orateur du PS à l’Assemblée nationale lors du débat sur le Traité européen dit de Lisbonne. C’était en janvier 2008, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. L’actuel premier ministre déposait au nom du groupe socialiste une « motion référendaire » que les tenants du « non » d’aujourd’hui ne manqueront pas de lui rappeler. Il faut « rendre la parole à notre peuple », plaidait-il, ajoutant : « C’est à force de dissimuler l’Europe, de la rendre incompréhensible qu’on a fini par en détourner notre peuple » (lire ici le discours).

Mais l’on pouvait encore mettre sur le compte de rapports de force européens défavorables, que le terrain soit diplomatique ou financier, ce renoncement flagrant, et les arguments d’opportunité qui tentent de l’excuser ou de le justifier. Et l’on pouvait espérer que, le nouveau gouvernement ayant enfin pris ses marques, nombre de questions de société, porteuses de l’imaginaire qui anime une politique et de l’horizon qu’elle propose au peuple, ne seraient pas atteintes par ces reculs, tergiversations et pusillanimités.

Après tout, cette nouvelle majorité n’avait-elle pas cessé, pendant la campagne, de parler de notre jeunesse et d’arpenter nos usines ? De rencontrer cette France dynamique et travailleuse qui est façonnée par ses migrations, nées de sa longue conversation avec le monde, ses ailleurs et ses lointains ? De découvrir ces ouvriers qui en sont issus et qui font nos routes, construisent nos immeubles, fabriquent nos produits, créent la richesse de nos entreprises ? De croiser ces jeunes qui animent nos villes, rêvent de faire leur chemin, imaginent la France qu’ils aiment ?

Bref, nous les avions entendus, pendant cette campagne, François Hollande et les siens revendiquer la France telle qu’elle est et telle qu’elle vit. Et promettre qu’ils lui rendraient sa fierté et sa dignité après les avanies du sarkozysme, la xénophobie revendiquée, l’islamophobie libérée, l’humiliation généralisée. Il faut croire que nous nous trompions. Car c’était compter sans Manuel Valls, devenu aujourd’hui l’homme fort d’un pouvoir faible.

Quatre engagements, quatre renoncements

À l’évidence, Manuel Valls ne se sent aucunement tenu par les engagements sur lesquels a été élu le président de la République qui l’a fait ministre de l’intérieur. Au mépris du vote des électeurs, et donc du mandat qu’il est supposé mettre en œuvre, ce « premier flic de France » revendiqué – comme si être policier n’était pas un métier, avec des compétences professionnelles, mais une posture, tissée de vulgate idéologique – impose son propre agenda. Bafouant avec allégresse l’autorité du premier ministre, qu’il se verrait bien remplacer un jour prochain, il poursuit sa route sans jamais être rappelé à l’ordre par François Hollande, alors même qu’il marche à rebours non seulement des promesses de ce dernier, mais de tous les combats qui, depuis cinq ans, ont rassemblé la gauche face au pouvoir précédent.

Il y eut d’abord, cet été, les expulsions de Roms, ce feuilleton indigne parce que digne de Nicolas Sarkozy, où se distingua particulièrement  la municipalité socialiste d’Évry, celle de Manuel Valls, dans un mépris affiché pour l’institution judiciaire et pour les associations humanitaires (lire ici l’article de Carine Fouteau). Le mépris des électeurs avait précédé. Car nous nous souvenons fort bien des réactions de Valls Manuel, à l’été 2010, quand Sarkozy Nicolas lui montrait l’exemple qu’il suit aujourd’hui : « Ça illustre ce qu'est aujourd'hui le sarkozysme. C'est d'abord du bougisme. On tire sur tout ce qui bouge, il n'y a pas de hiérarchie dans les priorités, il n'y a pas de cap… On désigne des populations à la vindicte, on crée une immense confusion, une nouvelle fois, le président de la République, son gouvernement et sa majorité jettent les Français les uns contre les autres, c'est insupportable. (…) Les gens du voyage travaillent pour la plupart et sont des compatriotes. On est en train, une nouvelle fois, de réveiller cette peur qui existe et qui est ancestrale à l'égard des gens du voyage, c'est tout à fait insupportable » (à réécouter sur RMC ici et à lire aussi sur ce blog du Club de Mediapart).

Le « bougisme » sarkozyen a de beaux jours devant lui, et Manuel Valls les lui offre à un rythme de plus en plus accéléré. Car il y a eu, depuis, l’exploitation politique de l’anti-terrorisme à des fins idéologiques dont les musulmans de France sont les premières victimes. Quand, sans violence, quelques dizaines de manifestants se rassemblent à Paris, le week-end dernier, pour protester contre une vidéo américaine, aussi ridicule que lamentable, qui insulte leur religion, foi ou croyance, le ministre de l’intérieur s’empresse de monter en épingle l’événement. Non content de faire interpeller la majorité des manifestants, en quelque sorte pour délit d’opinion, sa communication les transforme en illustration du danger « salafiste » qui menacerait la France afin de déboucher sur l’annonce d’une énième loi anti-terroriste, surajoutée à l’arsenal existant déjà totalement hors du droit commun. De Sarkozy à Valls, la continuité est ici totale, sur le fond (lire ici une démonstration du Monde.fr) comme sur la forme (voir là un montage vidéo également démonstratif).

Puis, tandis que soixante-quinze députés socialistes, de toutes sensibilités, défendaient avec hauteur face aux régressions xénophobes « une conception de la citoyenneté ouverte, sans qu’un lien entre citoyenneté et nationalité ne soit indispensable » (lire ici leur appel et la liste des signataires), Manuel Valls affirmait bruyamment son désaccord. Le seul souci, c’est qu’il n’est ministre que par la volonté souveraine d’un peuple qui, majoritairement, a voté pour François Hollande et ses soixante engagements. Parmi lesquels le cinquantième, dénué d’ambiguïté : « J’accorderai le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans. »

Un engagement que le ministre de l’intérieur connaît d’ailleurs fort bien pour l'avoir revendiqué lui-même, haut et fort : « Voilà un combat typiquement désespérant pour un militant de gauche. Cela fait des années que nous attendons que le droit de vote des étrangers aux élections locales soit reconnu. Tant que le Sénat ne donnera pas son accord, cette modification constitutionnelle ne sera pas possible. Je crois pourtant que notre société approche de la maturité nécessaire à l’avènement de ce droit. Une majorité se forme pour admettre que le droit de vote au lieu de dévaloriser l’acte de naturalisation (l’argument traditionnel de la droite) est au contraire un sas vers l’intégration. Le 26 novembre 2002, j’ai déposé avec Jean-Marc Ayrault et Bernard Roman, une proposition de loi constitutionnelle allant dans ce sens. » C'était le 31 mai 2007 (lire ici et ), au lendemain de l’élection de Nicolas Sarkozy… Autant dire il y a un siècle.

Enfin, ne s’arrêtant pas en si bon chemin dans sa révision des promesses électorales, le ministre de l’intérieur a décidé de ne rien faire, ou presque, sur une question centrale pour la jeunesse : la pratique ordinaire des contrôles d’identité, témoignant des discriminations auxquelles se heurtent les jeunes des quartiers populaires ainsi que l’a démontré sans appel une enquête sociologique de terrain (dévoilée en 2009 sur Mediapart). C’était le trentième engagement de François Hollande, sans doute plus vague dans sa formulation mais fort explicite sur la situation qu’il dénonçait : « Je lutterai contre le délit de faciès dans les contrôles d’identité par une procédure respectueuse des citoyens. » Passant outre aux recommandations du premier ministre et aux attentes des militants socialistes (lire par exemple cette tribune et lire aussi l’article de Louise Fessard), Manuel Valls a enterré toute réforme véritable de la procédure des contrôles d’identité, et, par conséquent, tout changement profond de cette culture policière aux conséquences parfois dramatiques, comme ce fut le cas à Clichy-sous-Bois en 2005 (lire cette autre tribune, par l’avocat des victimes, Me Jean-Pierre Mignard).

Le lit de la droite, la ruine de la gauche

M. Valls qui, au printemps 2011, confiait avoir eu « les larmes aux yeux » devant des images « d’une cruauté insoutenable », celles d’un Dominique Strauss-Kahn menotté par la police à New York (lire et écouter ici), ne semble pas avoir les mêmes émotions pour la jeunesse de France qui, quotidiennement, vit ces situations humiliantes. Ce n’est évidemment pas manque de sensibilité, mais expression d’un parti pris social, l’ex-candidat potentiel à la présidentielle qu’entendait soutenir Manuel Valls symbolisant la chute d’un puissant quand les jeunes des quartiers vivent l’ordinaire des opprimés. Faut-il en conclure qu’à l’égalité invoquée comme Sésame par le candidat Hollande succède désormais l’indifférence aux inégalités ?

Quatre questions donc, et quatre reniements. Et pas des moindres. Car il ne s’agit pas là de débats techniques, mais d’enjeux symboliques où se dessine la frontière entre une politique de progrès et une politique de réaction, entre gauche véritable et droite foncière, entre chemin d’espérance et politique de la peur. Loin d’être anodins, ces renoncements épousent l’agenda des forces régressives, celles qui font de l’étranger une menace, de l’immigration un péril, de l’islam un danger, des jeunes de quartiers une racaille. Ils ne disent pas, comme l’a laissé entendre François Hollande pour les questions sociales et économiques, que le changement, ce serait dans deux ans. Ils affirment, tout au contraire et sans vergogne aucune, que le changement, ce ne sera ni maintenant ni demain.

« La vérité d’une minorité intellectuelle et politique ne fera pas la politique de sécurité dans ce pays. Je ne laisserai pas faire ça », s’est contenté de lancer Manuel Valls à nos confrères de Libération après que le quotidien eut souligné ces revirements. Faut-il rappeler au ministre de l’intérieur qu’en 2011, lors du scrutin ouvert des primaires socialistes, il ne rassembla sur son nom et son programme que 5,63 % des suffrages exprimés, bon dernier des compétiteurs issus des rangs du PS ? Et qu’à l’inverse, la courte majorité obtenue le 6 mai par François Hollande, sur son nom et son programme, le fut non seulement en raison du rejet de Nicolas Sarkozy, mais aussi grâce à la dynamique populaire suscitée par des engagements symboliques, sur l’Europe, sur la jeunesse, sur les étrangers, sur les discriminations, sur les inégalités, sur la finance ?

La France n’a pas voté pour Manuel Valls. Et, souhaitant sortir de l’aventure sarkozyste, elle n’a pas souhaité une réédition de cette marche consulaire, depuis la place Beauvau, vers le pouvoir suprême d’un ministre de l’intérieur indifférent aux vertus démocratiques – celles des promesses tenues, celles des mandats respectés. Quant à ceux qui, depuis le sommet de l’État peut-être, parient sur une fructueuse division du travail, Manuels Valls occupant l’aile droite d’un pouvoir dont la garde des Sceaux Christiane Taubira serait l’aile gauche, ils s’illusionnent gravement. À l’exception notable de Pierre Joxe (ministre de l’intérieur de 1984 à 1986, puis de 1988 à 1991), toute l’histoire des socialistes au pouvoir fut marquée, non sans désastres pendant la guerre d’Algérie, par ces ministres de l’intérieur saisis du vertige de l’ordre au prix de l’injustice.

Tous, au bout du compte, n’auront fait que le lit de la droite et la ruine de la gauche. Car ce n’est pas à son camp que Manuel Valls donne des gages aujourd’hui, mais bien au camp adverse, comme l’ont d’ailleurs ressenti instinctivement Serge Dassault et Jean-François Copé. De fait, il en épouse non seulement les refrains idéologiques, mais aussi les hiérarchies sociales et les pratiques culturelles ainsi que l’illustre son obsession de l’origine – « blackos » et « blancos » lui sont un langage courant –, mettant à distance les nouvelles classes populaires à raison de leurs apparences, de leurs croyances et de leurs cultures. La suite dira où le conduira ce zèle qui, déjà, l’emporte, et jusqu’à quelle perdition politique.

Dans l’immédiat, il aura réussi à coller au nouveau pouvoir socialiste la malédiction qui, au-delà de ses outrances, fut fatale au quinquennat de Nicolas Sarkozy : cette évidence qu’à peine installé, il ne respectait pas les promesses sur lesquelles il avait été élu et qu’il faisait même l’exact contraire.

Boîte noire

Publié initialement en septembre 2012, cet article a été réactualisé le 13 août 2013 avec un nouveau chapeau introductif et de nouveaux renvois en " lire aussi ".

Edwy Plenel
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MessageSujet: Valls : la fermeté pour unique image de marque (Médiapart)   Ce reniement dont Manuel Valls est le nom (Médiapart) + Valls : la fermeté pour unique image de marque (Médiapart) EmptyJeu 15 Aoû - 7:40

Valls : la fermeté pour unique image de marque

Après s'en être pris frontalement à la ministre de la justice dans un courrier au président de la République, Manuel Valls en déplacement à Marseille nie tout désaccord de fond avec sa collègue.
Mais le message martelé reste ultra-sécuritaire : à l’égard des trafics de drogue,  thème du jour, et envers les récidivistes.

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Manuel Valls à Marseille le 14 août aux côtés de Garo Hovsepian, maire des 13e et 14e arrondissements.© LF

Un an après avoir annoncé la création des 15 premières zones de sécurité prioritaire en plein mois d’août 2012, le ministre de l'intérieur Manuel Valls, fidèle à sa stratégie d’occupation du terrain médiatique estival, était de retour mercredi dans l’une d’elles, la cité des Oliviers (13e arrondissement) dans les quartiers Nord de Marseille. Une visite express pour afficher une fois de plus face aux caméras sa volonté d’« éradiquer les trafics de drogue » qui « s’accaparent une partie du terrain et organisent un ordre parallèle à celui républicain ».

Le plan com est idéal et calibré pour les télés : la veille, à 6 heures du matin, la sûreté départementale a mis à bas un « plan stup » qui cherchait à se réimplanter dans un bâtiment HLM, interpellant six personnes. Devant le même bâtiment, une fusillade avait tué un jeune homme de 23 ans en février 2013. Les Oliviers fait partie des 28 cités marseillaises ayant déjà bénéficié de l'opération de « reconquête des cités » avec une présence massive de forces de l’ordre du 13 mars au 18 avril 2013. À peine quelques images du ministre discutant avec la directrice départementale de la sécurité publique des Bouches-du-Rhône tournées, les journalistes sont priés de réintégrer le car affrété par la préfecture de police de Marseille.

Mais cette fois le message, bien rodé, a été éclipsé par la publication la veille par Le Monde d’une note adressée le 25 juillet 2013 par Manuel Valls au président de la République et au premier ministre critiquant vivement la réforme de la procédure pénale de sa collègue garde des Sceaux. Le ministre de l’intérieur se dit furieux de cette fuite et réfute toute crise ouverte ou désaccord avec Christiane Taubira. « Je regrette qu’une note adressée au président de la République et au premier ministre ait été publiée par la presse, coupe-t-il. (...) Un gouvernement a besoin de travailler dans la discrétion et dans le secret. » Suite à son courrier incendiaire, envoyé à l’insu de Christiane Taubira, une réunion a, selon lui, eu lieu début août avec le président de la République et le premier ministre.

« Hors de question », assure Manuel Valls, « de participer à ce jeu de rôle que la République a trop connu »,celui de « l’opposition classique et mortifère entre le ministre de l’intérieur et le garde des Sceaux ». D’ailleurs, concède-t-il un peu tardivement, « la loi pénale ne s’élabore pas au ministère de l’intérieur, mais au ministère de la justice ».

Pendant un an et demi, les deux ministres n’ont certes pas ménagé leurs efforts pour apparaître unis, multipliant les déplacements en commun, rivalisant d’amabilités comme en novembre 2012 au congrès national de l'Union syndicale des magistrats à Colmar ou encore pour le premier bilan des zones de sécurité prioritaire à Lyon en mai 2013. Il aura donc fallu la réforme de la procédure pénale, sans cesse repoussée, pour que les désaccords de fond éclatent au grand jour.

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Les journalistes et le ministre, cité des Oliviers le 14 août 2013.© LF

Première anicroche publique le 5 août 2013 quand Le Figaro s’indigne de la décision du parquet de Chartres de différer l’incarcération de trois condamnés (pour deux ou trois mois) en raison d’une prison surpeuplée. Loin de voler au secours de sa collègue, Manuel Valls, soucieux de ne pas apparaître laxiste, se dit « très surpris » et « inquiet ». Selon Le Figaro, le ministre a même pris soin d’appeler le commandant de police auteur du rapport qui avait atterri sur le bureau du directeur central de la sécurité publique, du syndicat Synergie Officiers (classé à droite) ainsi que dans les pages du quotidien de Serge Dassault.

« C'est sans fin »

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La cité des Oliviers quadrillée par les policiers pour la venue du ministre, le 14 août© LF

Dans son courrier du 25 juillet, Manuel Valls souligne que « la quasi-totalité des dispositions » du projet de réforme pénale de Christiane Taubira « a fait l'objet de discussion, voire d'oppositions du ministère de l'intérieur ». « L'écart entre nos analyses demeure trop important »,indique-t-il au chef de l’État, en demandant son arbitrage. Même s’il approuve le principe de l’individualisation des peines, un des 60 engagements de François Hollande, Manuel Valls estime que la surpopulation carcérale ne peut s’expliquer uniquement par l’effet des peines planchers, instaurées en 2007 pour les récidivistes, et du recours par défaut à l’emprisonnement.

Il évoque plutôt « la question du dimensionnement du parc immobilier pénitentiaire », en clair de la construction de nouvelles prisons. Puis demande « une exigence accrue de prévisibilité et de fermeté » pour les récidivistes. Après avoir enterré l’engagement présidentiel de François Hollande de lutter contre les contrôles au faciès, Manuel Valls n’hésite donc plus à afficher ses doutes sur celui d’individualiser les peines et de mettre fin aux peines planchers. La situation est pourtant explosive dans les prisons françaises où un nouveau record en France a été battu le 1er juillet, avec 68 569 personnes incarcérées (pour 57 320 places théoriques).

À Marseille ce mercredi, le ministre de l’intérieur a refusé de détailler ses contre-propositions. Mais le message martelé est celui de la sévérité. Aussi bien à l’égard des trafics de drogue, le thème du jour, qu’envers les récidivistes. « Les Français demandent de la sévérité, a-t-il affirmé. C’est l’honneur de la gauche de mettre en place une politique particulièrement sévère à l’égard de ceux qui s’en prennent à l’autorité de l’État, car les principales victimes de ces faits sont les habitants des quartiers modestes. » Quant au débat sur la dépénalisation du cannabis, il est selon lui « souvent caricatural » et troublerait le message sur ses risques sanitaires encourus. « Oui, le cannabis est destructeur et oui une société a besoin d’interdits et de repères », a tranché le ministre.

Même impression de continuité, quand le ministre se félicite des succès de la stratégie de reconquête à Marseille en s’appuyant sur les statistiques policières locales (presque toutes à la baisse selon lui sur les six premiers mois de 2013 par rapport à la même période l’an passé), statistiques dont il avait pourtant lui-même dénoncé les manipulations et le peu de fiabilité.

L’antienne de la sévérité n’est pas nouvelle, c’est celle de la droite appliquée pendant dix ans et dont l’échec patent avait conduit le parti socialiste à repenser toute sa politique sécuritaire. On le sait, près de 59 % des détenus sortis de prison en 2002 ont été condamnés à nouveau dans les cinq ans qui ont suivi leur libération, selon une étude du bureau des études et de la prospective de l'administration pénitentiaire. Et l’allongement des peines de prison, avec la mise en place des peines planchers, n’a pas fait diminuer la récidive. Au contraire. Entre 2006 et 2010, le taux de récidivistes est passé de 3,9 à 6 % pour les crimes, et de 7 à 11,1 % pour les délits.

Quant à l’efficacité de la politique pénale envers le cannabis, une des plus dures en Europe, les chiffres de l’Observatoire européen des drogues et de la toxicomanie parlent d’eux-mêmes : « Entre 2007 et 2011, les usages déclarés de cannabis au cours du mois des jeunes Français (chez les filles comme chez les garçons) ont fortement augmenté passant respectivement de 15 % à 24 % ». La France a donc aujourd’hui « le triste privilège de figurer dans le peloton de tête des pays de l’Union européenne pour ce qui concerne la consommation de cannabis », comme le constate lui-même le ministre. Il ajoute que le pourcentage de mineurs parmi les mis en cause dans des affaires de trafic de stupéfiants est passé de moins de 10 % en 2008 à 14,5 % fin 2012. À Marseille, selon le ministre, les mineurs représentent même « plus du tiers des trafiquants interpellés ».

« On tape régulièrement, mais c’est sans fin », souffle un membre du cabinet du préfet de police de Marseille. 

Quand Manuel Valls tord une étude de l'Observatoire de la délinquance

Dans sa réponse à la note de Manuel Valls, la ministre de la justice Christiane Taubira dénonce des chiffres «erronés» et une «présentation tendancieuse» sur les « profils de délinquants qui imposeraient systématiquement une réponse carcérale ferme».

Pour souligner l’importance des multiréitérants parmi les personnes jugées en France, la note de Manuel Valls prétend en effet s’appuyer sur une étude réalisée en juin 2013 par l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). Ainsi, selon la Place Beauvau, «sur un échantillon de 1 508 personnes, mises en causes pour 11 784 infractions de types "crimes et délits non routiers" ayant eu lieu entre 2009 et 2010 à Paris ou la petite couronne : 54% ont été mises en cause pour 5 ou 6 infractions principales, soit 37% des 11 784 infractions, socle de l'échantillon ; 18% ont été mises en cause pour 10 infractions principales, soit 35% du socle de l'échantillon». Les chiffres sont effrayants : le lecteur en déduit que plus des deux tiers des personnes mises en cause en région parisienne ont commis au moins 5 infractions en deux ans !

Or cette présentation est mensongère. En effet, l’étude porte uniquement sur les personnes mises en cause pour cinq infractions ou plus entre 2009 et 2010. Parmi celles-ci, 54% ont été mises en cause pour 5 ou 6 infractions, 28% pour 7 à 9 infractions et 18% pour plus de 10 infractions. «Nous avons voulu montrer que selon les types d’infraction (vol à la tire, cambriolages, aggressions, etc.), il y a des profils spécialisés qui apparaissent, explique Christophe Soullez, chef de l’Observatoire. Par définition nous n’avons pas dans notre échantillon, les personnes qui ont commis moins de cinq infractions.»

L’étude elle-même est sujette à caution. L’échantillon a été constitué à partir du Stic Omega (le fichier des antécédents judiciaires de la préfecture de police de Paris). Un fichier rarement mis à jour et truffé d’erreurs, même si le Stic Omega est réputé plus fiable que son homologue national. En 2008, la Cnil avait constaté que 83 % des fiches du Stic qu'elle avait été amenée à contrôler (à la demande de ceux qui y étaient fichés) comportaient des erreurs ou des informations illégales.

Autre limite, l’Observatoire reprend une notion policière, celle de «mis en cause» qui ne dit rien sur la culpabilité réelle de la personne. «Non seulement une partie des mis en cause ne sera pas déclarée coupable aux termes des poursuites, mais surtout certains d’entre eux ne seront même pas poursuivis», met en garde l’étude.

Enfin cette dernière ne porte que sur Paris et la petite couronne, «qui représentent environ 45% de la délinquance en France, mais avec des surreprésentations de certains actes comme les vols à la tire» précise Christophe Soullez.  Sur 1508 personnes, l’échantillon  comporte ainsi 207 mineurs de Roumanie ou d’Europe balkanique presque tous mis en cause pour des vols. Un échantillon qui n’a donc pas « vocation à fournir des statistiques de référence sur les personnes mises en cause à de multiples reprises», met en garde l’étude… 

Louise Fessard
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