« Le libéralisme des uns doit s’arrêter là où commence la liberté des autres »
La recherche d’une vague croissance est l’alibi à un nihilisme social et écologique débridé. Et pourtant, il se pourrait bien que l’ampleur de la crise du capitalisme financiarisé procure, dans son insondable décrépitude, des fenêtres de tire pour une contre offensive. Pour se donner l’homme et le travailleur comme but et non plus comme moyen, vive la SCOP !
Partant du prémisse que « le patron a besoin de nous mais on a pas besoin de lui » la SCOP (Société Coopérative et Participative. Jusqu’en 2010, Société Coopérative Ouvrière de Production) permet aujourd’hui de démonter la dialectique néolibérale dont la « stratégie sans stratège » est la réduction de toutes les formes collectives de solidarité. Les employés de l’entreprise capitaliste (et l’homme moderne en général) sont en effet soumis à la règle du profit maximal selon des méthodes décrites par Boltanski, Dardot et Laval, (individualisation, autocontrôle) et qui sont l’objet de dérision carabinée dans nos SCOP d’éducation populaire préférées. C’est ce détournement de l’idée d’un collectif salarié, par regroupement d’individualismes subordonnés à la valorisation du capital, que la SCOP permet d’exposer,
La SCOP réintroduit la démocratie dans la cité en transformant le monde de l’entreprise dans lequel s’articulent et se renouvellent les structures de classe de la société. Dans un collectif autogéré, les choix stratégiques de production, les rapports de pouvoir et la répartition des fruits du travail ne sont pas dictés par une hiérarchie distante ou un conseil d’administration anonyme, mais discutés et votés entre tous les salariés-membres (coopérateurs) selon le principe « une personne = une voix ». Les droits de vote n’y sont donc pas proportionnels aux capitaux apportés.
Les nouveaux projets abondent. A Seattle, au siège historique de Boeing, les salariés montent en ce moment un projet de reprise alors que l’avionneur délocalise sa production après le refus des travailleurs de renoncer à leur retraite garantie. La «
Workers Self Directed Enterprise » qui verrait le jour serait financée de façon participative et pourrait proposer des services en Amérique à… Airbus ! Mais la « succes strory » la plus persuasive reste la coopérative de Mondragon au Pays Basque qui, fin 2012, rassemblait sur près de 300 sites plus de 80.000 salariés dont la moitié en tant que « travailleurs-associés » (les fameux « socios ») employés à vie.
La SCOP a des « avantages compétitifs ». Pourquoi acheter un produit chez un « délocaliseur » qui fait suer le burnous alors que la même chose est fabriquée tout près par une coopérative socialement responsable ? La SCOP fait du civisme un argument marketing, ipso facto. Qui plus est la SCOP est un puissant outil politique comme le démontrent aujourd‘hui les Fralib qui luttent depuis trois ans pour remette leur usine en marche, La SCOP redonne aux syndicats le sens du progrès, eux qui, de cogestion en négociations à froid, ne sont ailleurs plus en mesure de défendre les avancées sociales qui leur donnèrent leur rôle historique. En SCOP céder un peu c’est capituler beaucoup !
Enfin, et surtout, la SCOP est un jalon vers la société écosocialiste. Ceux qui souhaitent produire démocratiquement, localement, avec un autre horizon que le profit coûte que coûte, ont déjà une conscience civique aiguisée qui leur permettra de s’engager sur la voie de la réindustrialisation écologique, Et parce qu’elles ne perdent pas le nord pour autant, en France les trois quarts des SCOP sont bénéficiaires, tout en offrant un salaire annuel moyen supérieur à celui des salariés des entreprises traditionnelles,
Les fondements de l’économie politique sur une planète aujourd’hui malade du capitalisme nous orientent nécessairement vers un horizon écosocialiste… avec la SCOP comme première alternative concrète à l’organisation capitaliste du travail.
Pour en savoir plus, visionner le documentaire Portraits d’un Nouveau Monde.Sylvain Savier