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 Dans l'Yonne, l'intérim pour tout horizon + Dans l'Yonne, Pôle Emploi reconvertit dans la douleur les ouvriers (Thomas Saint-Cricq)

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MessageSujet: Dans l'Yonne, l'intérim pour tout horizon + Dans l'Yonne, Pôle Emploi reconvertit dans la douleur les ouvriers (Thomas Saint-Cricq)   Dans l'Yonne, l'intérim pour tout horizon + Dans l'Yonne, Pôle Emploi reconvertit dans la douleur les ouvriers (Thomas Saint-Cricq) EmptyDim 5 Oct - 10:05

Samedi 4 octobre 2014

Dans l'Yonne, l'intérim pour tout horizon

Saint-Florentin, Tonnerre, Flogny-la-Chapelle. Ces petites villes ont incarné le dynamisme industriel du nord de la Bourgogne jusqu'au début des années 2000. Elles pouvaient compter près de 10 000 habitants durant leur âge d’or, deux fois moins aujourd’hui. Leurs ouvriers et leurs enfants racontent la lente mutation forcée vers une économie de services et de contrats d’intérim. 

Ses derniers habitants sont des hirondelles. Au printemps prochain, l’immeuble HLM avenue de l’Europe à Saint-Florentin (Yonne) sera démoli, comme beaucoup d’autres avant lui. Inhabitée depuis des années, si ce n’est par des espèces protégées d’oiseaux migrateurs, la barre est aujourd’hui le symbole d’une époque presque révolue : celle de Saint-Florentin, cité ouvrière et fière de l’être.

Une époque où les industries, basées principalement sur la métallurgie, allaient chercher des ouvriers des deux côtés de la Méditerranée. Des Espagnols un peu, des Portugais et des Marocains surtout. « Aux infos régionales, ils disaient : “ Saint-Florentin, deuxième ville la plus cosmopolite de France après Marseille ” », se remémore Éric, 52 ans, la moitié de sa vie ouvrier agricole dans une pépinière, l’autre dans une fabrique d’extincteurs.

À 30 kilomètres au nord d’Auxerre, uniquement accessible par des routes départementales et une gare TER à 1 h 45 de Paris, « Saint-Flo » l’ouvrière est en reconversion (lire aussi notre reportage sur Joigny, ville martyre de la réforme de l'État). En centre-ville, on gratte les façades des maisons à colombages et on rénove les charmantes rues médiévales pendant qu’en contrebas, sur les bords du canal de Bourgogne, les dernières barres HLM encore habitées aujourd’hui sont sur le point d’être détruites ou reclassées. Logique : en trente ans, la ville a perdu la moitié de ses habitants (au dernier recensement, ils étaient 4 693).

Dans les années 1990, plusieurs usines ferment. En 2000, des poids lourds de la métallurgie se restructurent, se délestant au passage de quelques centaines de salariés. Dans un département ni plus, ni moins sinistré que le reste de la France (9,5 % de chômage, 0,3 % de croissance démographique par an), Saint-Florentin voit son taux de chômage s’élever à 20 %.

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La cité HLM de Saint-Florentin en pleine rénovation. © TSC/MP

« Le bassin florentinois, c’était un brasier ardent, maintenant c’est un tas de cendres avec quelques braises éparpillées », explique José Carlos Folgado, délégué syndical CGT chez Sicli, une fabrique d’extincteurs.

Désormais, c’est au tour de l’usine de José Carlos d’être menacée. En janvier 2015, le site de Sicli, créé en 1967, devrait définitivement fermer ses portes. « Un immense gâchis » pour le délégué, qui se présente comme « enfant de la délocalisation ». Ses parents travaillaient déjà chez Sicli à Saint-Ouen, en région parisienne, avant son déménagement dans l’Yonne, il y a plus de 40 ans.

De 1967 à 2012, l’usine icaunaise a toujours été bénéficiaire. Mais après un résultat négatif de 600 000 euros l’an passé, la holding américaine UTC, propriétaire des lieux et de la marque Sicli cherche un repreneur au site de Saint-Florentin. Sans cela l'usine disparaitra. Selon la CGT, une partie de l'activité pourrait être envoyée en Pologne, six ans après une première délocalisation partielle en Chine. Le délégué CGT accuse son patron, la holding américaine UTC, propriétaire des lieux et de la marque depuis 2005, de saborder volontairement l’usine.

« Ils grattent la moindre marge possible, c’est écœurant. On est dans un marché de la sécurité où les débouchés sont assurés. La loi oblige les clients à s’équiper. Et avec notre savoir-faire, on fait les meilleurs extincteurs du monde. Un produit Sicli, à la sortie, c’est zéro défaut, la marque capte 27 % des parts de marché. Dans ce contexte, on se disait, ça vivra toujours. Mais plus les certitudes sont fortes, plus les désillusions sont grandes… »
81 emplois sont aujourd’hui en jeu, la direction propose le reclassement de 27 d’entre eux dans une autre usine du Loiret, à deux heures et demie d’ici. De quoi décourager jusqu’aux plus combatifs. « À 52 ans, je ne vais pas refaire mon trou en usine. C’est impossible de retrouver un emploi à mon âge », explique Éric, 14 ans de boîte derrière lui, à soulever quotidiennement 7 tonnes d’extincteurs usagés à réparer, l’activité « la plus juteuse » de l’usine. « La reconversion, c’est pour ceux qui ont encore de la force et qui font de l’intérim. »

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L'avenir s'annonce sombre pour les salariés de Sicli © TSC/MP

« La France a accepté beaucoup de monde, trop sans doute »

L’intérim a progressé de 12% en un an dans le département selon la Chambre de commerce et d'industrie. C'est désormais la solution toute trouvée par les recalés de « la Saunière », la zone industrielle historique de la ville. Car, avec 57 % des emplois salariés de la commune et des poids lourds de la métallurgie, l’industrie bouge encore. Juste en face de Sicli, Conimast, l’usine, propriété d’Yves Delot, le maire UMP de la commune, spécialiste de supports d’éclairage urbain (mâts, lampadaires), et Alcan France Extrusion, fabricant de profilés en aluminium, emploient chacune entre 200 et 300 employés.

« Quand on cherche, on trouve. L’intérim, ça fonctionne, mais faut pas être regardant. » Abdel, 43 ans, arrivé à Saint-Florentin à l'âge de deux ans avec ses parents marocains, a été éjecté d’Alcan en 2005. Après une « engueulade » avec son contremaître. « Autrefois, ton boulot ne te plaisait pas le matin, tu allais frapper dans l’usine d’en face l’après-midi et ils t’embauchaient. On pensait que ça allait durer et j’ai peut-être fait le con par moments. » En intérim depuis dix ans, cet ouvrier du BTP a tenté de retrouver un CDI à Montpellier, sans succès, avant de revenir dans sa région natale en 2012. Attablé dans un bar quasi désert, Abdel admet « (se) poser des questions sur la France ».

« Il n’y a plus de boulot pour tout le monde. La France a accepté beaucoup de monde, trop sans doute. Mon père, à l’époque, était mineur au Maroc, on était venu le chercher exprès », analyse froidement ce fils d’immigrés. Après avoir connu quatre mois de chômage cette année, il se donne encore quinze jours pour chercher une mission d’intérim, avant de prospecter des chantiers à Paris. « C’est compliqué, mais parfois, tu peux loger dans des bungalows sur des chantiers. »

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L'usine Conimast, propriété du maire UMP, principal employeur de la zone industrielle de la commune © TSC/MP

À Saint-Florentin, la dernière agence d’intérim a fermé ses portes en début d’année. Les plus proches sont établies à Auxerre, tout comme l’agence Pôle Emploi, à 35 minutes de là en voiture.

Les chômeurs les moins mobiles peuvent chercher de l’aide auprès de la principale d’association d’aide aux chômeurs, l’Activité services florentinois. En 2013, la structure, installée depuis vingt-sept ans dans ce qu’il reste de la cité HLM, a fait travailler 128 personnes en mission temporaire. Parmi elles, seules sept ont trouvé un CDI. Isabelle Vendange, sa directrice, réclame « davantage de souplesse dans le droit du travail ».

« On n’est pas plus misérables que d’autres, mais la société a évolué trop vite pour nous. Le marché de l’emploi actuel n’est plus adapté à des personnes niveau CAP. Les exigences sont trop élevées et on exclut énormément de personnes qui ont des compétences, des CASES », explique-t-elle. Alors l’association, qui traite avec 63 % de femmes, se rattrape avec les services à la personne. La population du centre de l’Yonne vieillit et le secteur est en plein boum. Il y a encore quelques années, l’association trouvait 70 % de ses contrats grâce aux entreprises du coin. Désormais, elle travaille en majorité avec les collectivités, les maisons de retraite et les particuliers. « Les métiers de services, c’est bien, mais ça ne donne pas un salaire à temps plein. »

Dans l'un des trois troquets encore ouverts du centre-ville (il y a encore dix ans, la ville en comptait huit), un homme trapu, en tee-shirt kaki, s’énerve à l’écoute d’une conversation sur l’emploi dans la région. « Mais arrêtons de se plaindre, du boulot, il y en a. Faut juste tout accepter. » Lui est conducteur d’engin, intérimaire depuis « au moins vingt ans », trouvant régulièrement des missions à Saint-Florentin, puis à Sens, Migennes, Auxerre dans un rayon de 30 kilomètres. « Il ne faut pas accepter n’importe quoi non plus, hein, mais, au moins tout ce que tu peux demander. Même les petits boulots d’usine, je prends si besoin, mais par exemple, en dessous de 11 euros de l’heure, je ne me déplace pas. »

70 % des électeurs se sont abstenus aux dernières élections européennes

L’homme ne veut pas que l’on publie son nom, ni celui de ses employeurs successifs – « ici, on se connaît vite, je suis pas fou ». Depuis quelque temps, ce conducteur d’engins, fort d’une longue expérience chez un géant du BTP, s’est mis à « faire du black », car « ça devient galère depuis un an ».

Son scooter est en panne depuis un mois. Il se déplace désormais avec les bus du conseil général, deux euros l’aller-retour pour Auxerre, trois navettes par jour. Quand ses horaires sont incompatibles, un deal avec les chauffeurs de bus scolaires, un peu de marche et le tour est joué pour aller travailler… « Si tu ne sais pas te démerder à la campagne, t’es mort. »

Se démerder et assumer seul. L’état d’esprit des travailleurs rencontrés en ville fait grincer les dents des syndicalistes de Sicli, dans leur local, à l’intérieur de l’usine. « Les mécanismes de solidarité sont cassés, même nous, parfois, on n’arrive plus à fédérer, peste Éric, qui a déjà connu cinq plans sociaux dans l’entreprise. Le mec, il connaît ça une fois, deux fois, trois fois, il se dit, un jour, ce sera mon tour, l'accepte et baisse les bras. Les gens sont usés. »

Dans les années 1960, la mère d’Éric travaillait dans la même usine, à l’époque une fabrique de frigos à la chaîne avant l’installation de Sicli. Assis sur la pelouse à l’entrée des quais de l'entrepôt situé à quelques centaines de mètres de la gare TER, il constate, avec un amer sentiment de gâchis, le lent déclin industriel de Saint-Florentin. « Il y a encore deux ans, on pouvait se faire livrer par rail directement devant nos quais. Depuis, les aiguillages ont disparu. » Le TGV Paris-Lyon-Marseille traverse cette commune au passé ferroviaire chargé. Il ne s’y est jamais arrêté, comme d’ailleurs nulle part ailleurs dans le département.

Lui et ses amis dénoncent un abandon de l’État. Dans son local syndical, José Carlos Folgado secoue une lettre, adressée en mars au préfet, dans laquelle il s’interroge sur les 2,3 millions d’euros touchés en 2014 au titre du CICE, censé relancer l’emploi, par Chubb France, la maison mère de Sicli. On lui répond au cours d’une discussion informelle : « Que voulez-vous, c’est la mondialisation. »

À ses côtés, un autre salarié, Jean-Luc, cheveux longs grisonnants et cigarillo au bord des lèvres, pointe lui la construction européenne depuis Maastricht et la fin du contrôle des mouvements de capitaux : « Jusqu'en 2004-2005, avec la parité euro-dollar, ça tournait bien encore. Les problèmes ont commencé quand l’euro a commencé à grimper et que les pays de l’Est ont intégré l’UE. C’est une coïncidence étrange, non ? »

Dans cette commune, dirigée par la droite depuis la Seconde Guerre mondiale, 70 % des électeurs se sont abstenus aux dernières élections européennes.

«  Mes enfants me disent : mais pourquoi veux-tu qu’on vote ? Ils (les politiques) ne peuvent rien. Je m’évertue à les convaincre…, mais au final, ils ont sans doute raison », explique Alain, trente-deux années chez Sicli et une idée en tête : « travailler ici encore deux dernières années pour atteindre la retraite en beauté. » Les larmes montent quand il évoque à voix haute sa préoccupation.

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José Carlos Folgado, syndicaliste chez Sicli © TSC/MP

José Carlos aimerait secouer une bonne fois pour toute cette morosité ambiante. Ce père de famille a convaincu une toute petite poignée de salariés de reprendre les activités sous forme de scop. Son but : maintenir l’emploi et éviter une énième pêche aux contrats temporaires.

Plutôt qu’un « gros chèque » de départ, José Carlos Folgado vise un accord avec UTC pour faire du site historique de Saint-Florentin une usine d’assemblage, et des employés un sous-traitant crédible. Il suffirait au moins « d’une trentaine de salariés » pour renouer avec un passé pas si lointain où, fiers, les gens « se baladaient avec un autocollant Sicli sur leurs voitures ». La direction de Sicli se dit simplement « à l'écoute », sans avoir trouvé d'autres pistes pour l'instant selon son porte-parole.

Et si le projet échoue ? Le délégué « y croit toujours ». Mais, signe du temps, envisage à demi-mot une reconversion comme aide-soignant.

Boîte noire

Je me suis rendu à Saint-Florentin, Brienon-sur-Armançon, Tonnerre et Flogny-la-Chapelle dans le but de faire témoigner les habitants, les travailleurs et les responsables des structures d'aide à l'emploi sur la vie dans les villes de 5 000 habitants à l'heure de la désindustrialisation.

Tous les interlocuteurs ont été rencontrés entre les 17 et 20 septembre 2014. La direction de Sicli a été contactée par téléphone avant publication, le 30 septembre.

* Le prénom a été changé à la demande de l'intéressée.

Thomas Saint-Cricq


Dernière édition par Admin le Mar 7 Oct - 8:13, édité 1 fois
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Lundi 6 octobre 2014

Dans l'Yonne, Pôle Emploi reconvertit dans la douleur les ouvriers

Saint-Florentin, Tonnerre, Flogny-la-Chapelle. Ces villes ont longtemps incarné le dynamisme industriel du nord de la Bourgogne. Cette histoire s'achève alors que les usines ferment les unes après les autres. Reste Pôle Emploi et ses propositions : ouvrir un snack, travailler dans les centres pour personnes âgées, multiplier les intérims.

Brienon-sur-Armançon (Yonne), de notre envoyé spécial.-  Attablés dans un petit snack bordant la départementale qui traverse le village de Brienon-sur-Armançon (Yonne), cinq hommes discutent de leur usine. Il s'agit de Sicli. Comme d'autres industries avant elle dans la région, cette fabrique d’extincteurs, présente depuis 1967 dans le centre de l’Yonne, s’apprête à fermer en janvier prochain (lire le premier volet de notre reportage ci-dessus). Aux fourneaux, leurs “ entrecôtes-frites ” à 8 euros sont préparées par Hubert, 25 ans, plombier de formation, restaurateur par obligation.

« J’ai deux CAP de plombier-chauffagiste. Après mon apprentissage, mon patron m’a demandé de me former quelque temps ailleurs avant de me reprendre. J’ai cherché un contrat un an et demi avec Pôle Emploi sans aucune proposition dans la région. J’en ai eu marre, dès qu’un snack a fermé, j’ai repris l’affaire. C’était la seule solution intéressante à mes yeux », raconte le jeune gérant. Des histoires similaires se répètent dans les bistrots ou les petits commerces du centre de l'Yonne. Celle d'un ex-manutentionnaire qui dit faire « des semaines de 95 heures » pour rentabiliser son café, acheté il y a neuf ans. Celle d'un ancien ouvrier d'usine devenu fleuriste à son compte dans un hypermarché.

Car dans le département, l'heure est à la reconversion dans la douleur. À Brienon comme à Saint Florentin, ou plus loin, à l’est, à Flogny-la-Chapelle ou à Tonnerre, dans ces communes qui avoisinent chacune les 5 000 habitants, le revenu annuel moyen oscille entre 17 000 et 20 000 euros. À l’exception d’une poignée de PME spécialisées dans la métallurgie, la plasturgie ou le recyclage encore solidement implantés à Brienon et Saint-Florentin, l’industrie s’est progressivement effacée du paysage local. Le nombre d'emplois dans ce secteur a chuté de 26,4 % en dix ans, tandis que celui des commerces et surtout des services connaissent une croissance de 2,4 % et 4,3 %.

À Tonnerre, cité coquette avec son architecture bourgeoise et ses monuments médiévaux, seules deux industries fragiles et aux mains de capitaux étrangers sont encore implantées. Dans les années 1980, l’usine Thomson, qui fabriquait, entre autres, des magnétoscopes, employait plus d’un millier de salariés, pour une population de 5 300 habitants. Le site a fini par fermer en 2002. Dix ans plus tard, c’est la cimenterie Lafarge et ses 71 employés qui cessait ses activités. La même année, Petit Bateau décidait de déplacer à Troyes (Aube), à soixante kilomètres de là, ce qu’il restait de ses ateliers.

« Jusqu’à (il y a) un an et demi, on observait un fort flux de licenciements économiques. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, on est au bout du processus », explique Sabine Gauffre, responsable de l’agence Pôle Emploi de Tonnerre. Elle dit lutter désormais contre « un chômage conjoncturel », qui frappe la région comme le reste de pays. Les locaux de l’agence ont été inaugurés en janvier dernier sur la place centrale de la ville. Jusqu'alors, les conseillers de l’antenne recevaient les chômeurs dans un appartement, au deuxième étage d’un immeuble mis à disposition par la mairie. « Au-delà de trois personnes à l’accueil, c’était l’embouteillage », raconte Mme Gauffre.

Dans l'Yonne, l'intérim pour tout horizon + Dans l'Yonne, Pôle Emploi reconvertit dans la douleur les ouvriers (Thomas Saint-Cricq) Tonerre_ville
Des maisons médiévales, quelques vieux HLM du boom industriel, des champs... paysage classique des cités du centre de l'Yonne. © Daniel Jolivet/ Flickr/ CC

Avec son équipe, passée de cinq à huit conseillers titulaires pour 1 100 demandeurs d'emploi à traiter, la directrice met en avant le suivi « au cas par cas » : « On n’est pas une agence de flux comme à Auxerre », argue-t-elle.

Brienon-sur-Armançon (Yonne), de notre envoyé spécial.-  Attablés dans un petit snack bordant la départementale qui traverse le village de Brienon-sur-Armançon (Yonne), cinq hommes discutent de leur usine. Il s'agit de Sicli. Comme d'autres industries avant elle dans la région, cette fabrique d’extincteurs, présente depuis 1967 dans le centre de l’Yonne, s’apprête à fermer en janvier prochain (lire le premier volet de notre reportage ici). Aux fourneaux, leurs “entrecôtes-frites” à 8 euros sont préparées par Hubert, 25 ans, plombier de formation, restaurateur par obligation.

Lire aussi
-Dans l'Yonne (1/2), passées les délocalisations, il ne reste que l'intérim
Par Thomas Saint-Cricq
« J’ai deux CAP de plombier-chauffagiste. Après mon apprentissage, mon patron m’a demandé de me former quelque temps ailleurs avant de me reprendre. J’ai cherché un contrat un an et demi avec Pôle Emploi sans aucune proposition dans la région. J’en ai eu marre, dès qu’un snack a fermé, j’ai repris l’affaire. C’était la seule solution intéressante à mes yeux », raconte le jeune gérant. Des histoires similaires se répètent dans les bistrots ou les petits commerces du centre de l'Yonne. Celle d'un ex-manutentionnaire qui dit faire « des semaines de 95 heures » pour rentabiliser son café, acheté il y a neuf ans. Celle d'un ancien ouvrier d'usine devenu fleuriste à son compte dans un hypermarché.

Car dans le département, l'heure est à la reconversion dans la douleur. À Brienon comme à Saint Florentin, ou plus loin, à l’est, à Flogny-la-Chapelle ou à Tonnerre, dans ces communes qui avoisinent chacune les 5 000 habitants, le revenu annuel moyen oscille entre 17 000 et 20 000 euros. À l’exception d’une poignée de PME spécialisées dans la métallurgie, la plasturgie ou le recyclage encore solidement implantés à Brienon et Saint-Florentin, l’industrie s’est progressivement effacée du paysage local. Le nombre d'emplois dans ce secteur a chuté de 26,4 % en dix ans, tandis que celui des commerces et surtout des services connaissent une croissance de 2,4 % et 4,3 %.

À Tonnerre, cité coquette avec son architecture bourgeoise et ses monuments médiévaux, seules deux industries fragiles et aux mains de capitaux étrangers sont encore implantées. Dans les années 1980, l’usine Thomson, qui fabriquait, entre autres, des magnétoscopes, employait plus d’un millier de salariés, pour une population de 5 300 habitants. Le site a fini par fermer en 2002. Dix ans plus tard, c’est la cimenterie Lafarge et ses 71 employés qui cessait ses activités. La même année, Petit Bateau décidait de déplacer à Troyes (Aube), à soixante kilomètres de là, ce qu’il restait de ses ateliers.

« Jusqu’à (il y a) un an et demi, on observait un fort flux de licenciements économiques. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, on est au bout du processus », explique Sabine Gauffre, responsable de l’agence Pôle Emploi de Tonnerre. Elle dit lutter désormais contre « un chômage conjoncturel », qui frappe la région comme le reste de pays. Les locaux de l’agence ont été inaugurés en janvier dernier sur la place centrale de la ville. Jusqu'alors, les conseillers de l’antenne recevaient les chômeurs dans un appartement, au deuxième étage d’un immeuble mis à disposition par la mairie. « Au-delà de trois personnes à l’accueil, c’était l’embouteillage », raconte Mme Gauffre.


Des maisons médiévales, quelques vieux HLM du boom industriel, des champs... paysage classique des cités du centre de l'Yonne. © Daniel Jolivet/ Flickr/ CC.Avec son équipe, passée de cinq à huit conseillers titulaires pour 1 100 demandeurs d'emploi à traiter, la directrice met en avant le suivi « au cas par cas » : « On n’est pas une agence de flux comme à Auxerre », argue-t-elle.

Dans cette ville, où l’histoire ouvrière vient de se refermer, la mission principale fixée par l’agence est de lever les freins psychologiques des demandeurs d’emplois et d' « ouvrir les horizons ». Avec, en premier lieu, la mobilité vers le proche vignoble du Chablis ou les bassins industriels de Troyes et Montbard (Côte-d’Or), à soixante-dix kilomètres de là.
« Pendant longtemps, l’emploi était localisé. À l’époque de Thomson, l’entreprise organisait un ramassage de bus pour ses salariés. Beaucoup de demandeurs n’ont jamais eu le permis, c’est compliqué à gérer. Ce problème est particulièrement aigu pour les jeunes », explique Christophe, le plus ancien des conseillers du Pôle Emploi du Tonnerrois.

L’agence multiplie donc les partenariats avec les structures locales. Le Club Mob’ par exemple, une association qui prête des deux-roues aux travailleurs précaires, a rouvert ses portes en 2013, tandis que le conseil régional subventionne les tickets TER à 80 % pour les demandeurs d’emplois. « Dans l’industrie, les emplois qualifiés ont muté et ces populations ont déjà bougé », explique Mme Gauffre. Grâce à cette mobilité et à une « opération exceptionnelle » : l’implantation, en mars dernier, d’un McDonald avec, à la clé, ses 43 CDI à temps partiel, l’agence a observé en un an un recul de 6 % du nombre de demandeurs d’emploi.

Évoquant des travaux main dans la main avec les pouvoirs publics et les permanences de la Caisse d'allocations familiales (CAF) et de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), une conseillère note même « un fort retour de tous les services publics » dans cette zone rurale.

« Enfin bon, le retour de l’État quand on déploie une antenne Pôle Emploi, ce n’est jamais signe de dynamisme… », dit Amel* dans une moue. Cette fille d’ouvriers, tout juste diplômée d’un master en droit privé, se présente pour la première fois à la porte de l’agence de Tonnerre. Son père travaillait dans une fromagerie industrielle à Flogny, à quatorze kilomètres de là. Licencié en 2009 comme 143 autres salariés, il n’a jamais retrouvé d’emploi jusqu'à sa retraite.

Dans l'Yonne, l'intérim pour tout horizon + Dans l'Yonne, Pôle Emploi reconvertit dans la douleur les ouvriers (Thomas Saint-Cricq) Pole
Le nouveau Pôle Emploi de Tonnerre, inauguré en janvier 2014. © TSC/MP

Amel vise plutôt un emploi à Paris, à 1 h 45 d’ici, Lyon ou au mieux à Dijon. Elle est la dernière d’une fratrie de huit enfants qui, tous, ont déjà quitté la région. « J’ai eu la volonté de bouger grâce à mes frères quand ils étaient étudiants. Heureusement, car ici, personne ne hausse le ton. Je crois que les gens s’acclimatent vite au fait que ce soit devenu une sorte de far west. Comme si les gens avaient baissé les bras. »

Hubert, l’ex-plombier de Brienon devenu restaurateur, envisage lui aussi un départ à moyen terme. Son resto-snack, qu’il gère en solo, lui permet de dégager un salaire équivalent à celui qu'il percevait en étant plombier. Le jeune gérant propose des plats copieux et bon marché pour un public aux revenus fragiles : « On travaille surtout entre le 5 et le 22 du mois… quand les gens ont touché leurs allocations. »

Sandra, sa compagne, vient lui donner un coup de main quotidien. Elle non plus n’a, à l'origine, rien d’une restauratrice. Elle est secrétaire de formation. Au chômage depuis un an après la liquidation de la PME où elle travaillait, Sandra a le sentiment d’aller à « Pôle Emploi comme pour pointer ». Les allocations ? Elle a « l’impression d’en avoir abusé », considère que les chômeurs comme elle perçoivent « trop d’aides ». Mais les seules offres d'emplois – des postes temporaires d'ouvrière – que l’agence Pôle Emploi d’Auxerre lui propose, elle préfère les refuser. D’abord par revanche sur son ancien emploi, où les heures supplémentaires impayées par son patron représentaient jusqu’à « une semaine de travail gratuit par mois », ensuite parce qu’elle voit autour d’elle « des gens qui ne foutent rien et qui profitent du système ».

Le temps de passer des formations pour elle, de continuer quelques années à rentabiliser son investissement pour lui, le couple se verrait bien « monter une affaire dans le sud ». « J'en vois plein qui se mettent en auto-entrepreneurs car ils ne trouvent pas de boulot fixe », explique Hubert.

À Tonnerre, l’idée de lutter contre le chômage par la reconversion fait son chemin depuis plus de vingt ans. En 1993, alors que l’usine Thomson bat de l’aile, les collectivités locales lancent le Centre de développement du Tonnerrois (CDT), un centre d’aide à la création d’entreprise et d’accompagnement de projets de reconversion. Près de 140 projets sont portés chaque année. Aujourd'hui, 75 % d’entre eux émanent de demandeurs d’emplois, contre à peine la moitié il y a quelques années.

« Avant, les gens venaient nous voir pour créer une entreprise, avec un projet mature. Depuis cinq ans, ils viennent nous voir car ils sont à bout. Beaucoup veulent s’installer en épicerie mais n'ont pas les moyens d’investir. Je me rappelle, en 2008, juste après la crise, d’un coup, on me proposait les mêmes projets de reconversion : cinq kebabs, cinq centres de soins, des coiffeurs à domicile… », raconte Hélène Couasse, responsable du CDT. Si avec son patrimoine architectural et ses promenades le long du canal de Bourgogne, Tonnerre ne manque pas de charme pour les touristes, le potentiel de ces commerces paraît faible pour qu'ils deviennent pérennes dans une ville de cette dimension.

Environ 30 % de ces projets voient chaque année le jour dans la petite commune et ses alentours. Une poignée de commerçants, beaucoup de restaurateurs et d’artisans, et encore plus dans les services à la personne. Avec le vieillissement de la population, ce secteur de l’aide aux plus âgés fait figure de nouveau poumon de l’économie locale. Selon l'Insee, l'Yonne est le 5ème département français le mieux équipé pour héberger et encadrer les personnes âgées.

Pour Hélène Couasse, « un Ehpad (Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – ndlr) fait travailler beaucoup de monde, du plombier au cuisinier, du peintre au coiffeur à domicile. La sous-traitance a été rattrapée par les structures de ce type. » Pôle Emploi évalue à 901 embauches supplémentaires les besoins en « santé humaine et action sociale » dans le département. C’est devenu le premier secteur en termes de postes à pourvoir dans l’Yonne. L'hôpital de Tonnerre est actuellement le plus gros employeur de son bassin d'emplois.

Alors qu’on conseille aux plus jeunes d’être mobiles, la population du centre de l’Yonne a vieilli. Et paradoxalement, c’est aujourd'hui devenu son meilleur atout pour remplacer la perte des industries.

Boite noire

Je me suis rendu à Saint-Florentin, Brienon-sur-Armaçon, Tonnerre et Flogny-la-Chapelle dans le but de faire témoigner les habitants, les travailleurs et les responsables des structures d'aide à l'emploi dans les villes de 5 000 habitants à l'heure de la désindustrialisation.

Tous ont été rencontrés entre le 17 au 20 septembre 2014.

* le prénom a été changée à la demande de l'intéressée.

Thomas Saint-Cricq
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