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 En Grèce, les multiples défis du nouveau Syriza (Médiapart) + Au congrès de Siriza (François Delapierre) et 9+1 remarques sur Syriza après son congrès fondateur (Sthatis Kouvelakis)

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En Grèce, les multiples défis du nouveau Syriza (Médiapart) + Au congrès de Siriza (François Delapierre) et 9+1 remarques sur Syriza après son congrès fondateur (Sthatis Kouvelakis) Empty
MessageSujet: En Grèce, les multiples défis du nouveau Syriza (Médiapart) + Au congrès de Siriza (François Delapierre) et 9+1 remarques sur Syriza après son congrès fondateur (Sthatis Kouvelakis)   En Grèce, les multiples défis du nouveau Syriza (Médiapart) + Au congrès de Siriza (François Delapierre) et 9+1 remarques sur Syriza après son congrès fondateur (Sthatis Kouvelakis) EmptyLun 15 Juil - 19:14

Le congrès fondateur de la gauche radicale s'est achevé hier à Athènes. Afflux de nouveaux membres hors des partis qui composaient traditionnellement Syriza, désaccords sur la ligne et la gestion de Tsipras, question d'une éventuelle alliance en vue de gouvernement : les dossiers urgents ne manquent pas.
 
Correspondance à Athènes.

Le 17 juin 2012, Syriza décrochait la deuxième place aux élections législatives, avec 27 % des suffrages et 72 sièges à l'assemblée en Grèce, suscitant la surprise européenne. Un an plus tard, l'engouement est toujours là : la gauche radicale oscille entre 20 et 28 % des voix selon les instituts de sondage, talonnant la droite de Nouvelle Démocratie (au pouvoir). Score d'autant plus étonnant que, depuis sa création en 2004, Syriza n'avait jamais dépassé 4 à 5 % aux élections. Si une partie de ce vote peut être interprétée comme une réaction de mécontentement face à la politique d'austérité, il n'en reste pas moins que la formation s'est imposée en à peine une décennie d'existence comme une force incontournable de l'échiquier politique grec, et ce malgré ses contradictions internes liées à sa constitution. Syriza est en effet composée à l'origine d'une coalition de diverses formations de gauche et d'extrême gauche, des ex-communistes pro-européens, des maoïstes, des trotskistes, ou encore des écologistes radicaux : une constellation qui a fait l'objet de nombreuses critiques de la part de ses contradicteurs. 

Ces derniers jours toutefois, Syriza a fait peau neuve : la gauche radicale tenait son « congrès fondateur » dans la métropole athénienne, lors duquel les différentes composantes devaient s'auto-dissoudre pour se fondre dans un nouvel appareil, le « Syriza-EKM » (EKM pour, en grec, « Front social unitaire »). Une étape décisive dans la jeune histoire du parti, puisqu'il s'agissait à la fois de s'accorder sur un programme politique commun, d'établir de nouveaux statuts, et d'afficher une image à l'extérieur plus homogène, plus cohérente, auprès de son électorat comme de ses adversaires. Pendant quatre jours, dans le centre des congrès de Palio Phaliro, à quelques encablures du Pirée, 3 500 congressistes ont ainsi échangé leurs vues, avant le vote de la déclaration de principes du parti puis l'élection du nouveau comité central et la reconduite d'Alexis Tsipras à la présidence.
 
Dans cette déclaration de principes, Syriza réaffirme à la fois ses sources – « un parti fondé sur la pensée marxiste et plus largement la pensée de l'émancipation, qui tente de la faire progresser en prenant en compte tout apport théorique important » – et ses objectifs : « renversement démocratique du système politique », « organisation d'une société basée sur la propriété et la gestion sociales des moyens de production », « renversement de la domination des forces néolibérales et annulation des mémorandums d'austérité ». On y trouve les grandes lignes de son programme, à savoir l'arrêt des privatisations des biens publics, la garantie de l'accès à un certain nombre de biens fondamentaux comme l'eau, l'éducation, la santé..., l'instauration d'un revenu minimum vital, et le versement d'allocations à tous les chômeurs du pays (actuellement la durée maximale d'indemnisation est de un an pour les chômeurs ayant travaillé à temps plein).

Pour financer tout cela, le parti propose la mise en place d'un nouveau système fiscal, plus juste et plus efficace, qui s'attaquerait notamment aux sources de richesse encore protégées du pays, comme les propriétés de l'Église, et il demande à relâcher la pression budgétaire exercée sur la Grèce via une renégociation de la dette afin d'en annuler une partie et d'instaurer un moratoire sur le reste. Plus généralement, le parti défend une politique de relance, basée sur l'augmentation des dépenses sociales et le soutien à la production – en particulier dans le secteur agricole, suivant les principes de protection de l'environnement et de développement durable. 

En Grèce, les multiples défis du nouveau Syriza (Médiapart) + Au congrès de Siriza (François Delapierre) et 9+1 remarques sur Syriza après son congrès fondateur (Sthatis Kouvelakis) RTX10TTE
Alexis Tsipras, en juin lors d'une manifestation en soutien à ERT.© Reuters.

Parmi les congressistes, la plupart sont des vieux routards de la gauche grecque. Mais l'on trouve aussi de jeunes militants, et de nouveaux encartés. Syriza comptait 14 000 membres avant les élections de l'an dernier... Il en compte aujourd'hui plus du double : 35 000.

Athina Arvaniti fait partie de ceux qui ont rejoint les rangs après les élections. « J'ai trouvé en Syriza le seul parti qui permettra de changer les choses, de renverser la politique d’austérité, et de se battre pour une société plus égalitaire, plus juste. Non pas que je me reconnaisse dans toutes les positions du parti, mais c'est là que je retrouve mon combat et une raison d'espérer. » Athina Arvaniti est active depuis longtemps dans les mouvements sociaux. Résidente de la commune portuaire de Perama, ancien fleuron de l'industrie navale grecque aujourd'hui en déshérence, elle fait partie des piliers de l'assemblée de son quartier, un collectif monté dans le sillage du mouvement des Indignés il y a deux ans, et qui assure depuis collecte et distribution de nourriture pour aider plusieurs dizaines de familles dans le besoin tout en les encourageant à lutter contre la politique d'austérité.

Très présente dans les manifestations, cette mère de famille n'avait auparavant jamais rejoint un parti politique. Pour elle, adhérer n'est pas une fin en soi : « Il y a encore beaucoup de travail, il faut que les gens s'approprient le combat de la gauche, il faut que les gens comprennent qu'ils doivent se mobiliser, et ce, d'abord pour eux-mêmes ! Pour cela, il faut aussi que les membres et les cadres du parti ne s'en tiennent pas qu'aux mots et soient plus présents dans les organisations, les mouvements... Syriza doit participer davantage aux processus sociaux. » 

Si Athina appelle à plus d'investissement sur le terrain, les membres de Syriza sont en réalité déjà nombreux à s'impliquer dans les collectifs de solidarité créés dans de nombreux quartiers de la métropole athénienne et dans d'autres villes du pays. Certains militants ont même impulsé la mise en place de structures autogérées, comme le dispensaire de médecins bénévoles de Thessalonique : le parti n'en fait pas la publicité, mais ses relais sur le terrain sont de plus en plus denses. Surtout, ce qui est en train de changer, c'est son tissu de sympathisants : « Le vote Syriza était essentiellement urbain, nous explique le porte-parole du parti, Panayotis Skourletis. Or pour la première fois de notre histoire, nous avons des membres dans les zones rurales. Et les noyaux grossissent dans les petites villes de province. » Sur le secteur de Corinthe et ses alentours, par exemple, le parti compte sept sections aujourd'hui contre une il y a un an. À Arta, dans le nord-ouest du pays, cinq sections couvrent désormais le terrain contre une seule auparavant.

Toute cette vague d'adhésions, si elle réjouit les membres historiques, pose à l'évidence de nouveaux défis : ces membres n'ont pas le même passé politique, certains proviennent du Pasok (parti socialiste) ou du KKE (parti communiste), d'autres ne sont pas ou peu politisés... Autant d'identités différentes qui peuvent infléchir la ligne du parti. Se pose également la question de leur représentativité : jusqu'au congrès, chaque formation composante de Syriza avait un droit de veto, ce qui excluait du processus de décision tous ces nouveaux adhérents non membres des partis préexistant à Syriza. De plus, de nombreux dirigeants assumaient une double fonction : à la fois cadre dans leur formation d'origine, et cadre au sein des instances de Syriza.
 
« Pour des raisons fonctionnelles, donc, mais aussi de démocratie, il fallait réformer les statuts, nous explique Natacha Theodorakopoulou, membre du comité central, réélue à l'issue du congrès. L'objectif est d'être un parti plus représentatif et mieux organisé. Cela n'empêche que nous restons une gauche plurielle ; diverses tendances continueront d'exister dans le parti. » Ce qui fait dire au chercheur en sciences politiques Georges Contogeorgis que cette refondation tient en réalité plus du changement de façade : « Si les composantes sont officiellement supprimées, elles vont continuer à exister à l'intérieur du parti, nous explique cet universitaire très critique du système politique grec. La mentalité et les orientations de Syriza ne vont pas fondamentalement changer. »

Parmi les tendances persistantes, il y a le courant de la « Plateforme de gauche », emmené par le député Panagiotis Lafazanis. Déjà remarqué à l'occasion des réunions préliminaires au congrès, en décembre dernier, pour avoir déposé une motion qui avait emporté le quart des voix des participants, ce courant se caractérise par un programme économique plus radical que la ligne majoritaire, et n'exclut pas, par exemple, la sortie de la zone euro. Cette fois-ci, il a déposé quatre amendements à la déclaration de principes du parti – amendements qui, s'ils n'ont pas été adoptés par la majorité, ont recueilli un certain écho, notamment celui sur la non-reconnaissance de la dette publique et la proposition de son effacement intégral : il a conquis des voix au-delà de ses propres rangs. Dimanche, pour l'élection du comité central à la proportionnelle, la liste de la « Plateforme de gauche » a obtenu 28 % des suffrages, décrochant donc une représentation non négligeable au sein du comité central. 

Parmi les courants minoritaires, les avis sont, de fait, plus mitigés quant au nouveau costume de Syriza, voire profondément clivés : « C'est une tentative de reprise en main, de centralisation au détriment du pluralisme qui faisait notre richesse », entendait-on dans les couloirs du congrès. Où l'on reproche à Alexis Tsipras d'avoir axé son discours ces derniers mois sur les questions d'organisation plutôt que sur les questions politiques, et de vouloir éviter les sujets délicats, comme ceux de la monnaie unique ou encore de la cessation de paiement : « Jusqu'où la Grèce ira-t-elle en cas de renégociation de la dette ? En cas de scénario chypriote ? En cas d'arrêt de financement de la Troïka ? Le parti ne le dit pas », pointe un proche de Lafazanis. Les composantes réticentes à l'auto-dissolution, comme le parti de Manolis Glezos, doyen du parlement et figure de la résistance grecque, ont finalement obtenu un répit de quelques mois. 

Nourries par la crainte de voir Syriza se transformer en un parti monolithique et par des désaccords sur la stratégie de Tsipras, les critiques se sont multipliées ces derniers mois dans les rangs du parti, mais aussi chez ses électeurs. Tsipras a notamment déçu quand cet hiver, il a multiplié les séjours à l'étranger et ses interventions dans diverses institutions internationales : certains y lisent un double discours, radical en Grèce, beaucoup plus centriste à l'extérieur. 

D'autres au contraire défendent le rôle que Syriza doit jouer sur la scène étrangère. C'est le cas de la députée Rena Dourou, convaincue que l'enjeu de ce congrès fondateur est international : « La Grèce a été le cobaye de l'austérité au niveau européen, à présent elle doit devenir le modèle d'une stratégie radicale en termes de démocratie et de justice sociale », défend la jeune femme. Plusieurs délégations étrangères étaient d'ailleurs présentes au congrès, dont le Front de gauche français...

Mais en interne, la question d'une stratégie européenne semble bien le cadet des soucis de Syriza, même à l'approche du scrutin de juin 2014. « On risque d'avoir des élections législatives bien avant ! » lâche Natacha Theodorakopoulou. De fait, les enjeux nationaux sont multiples, et toujours aussi pressants : après la fermeture brutale et unilatérale de l'audiovisuel public le mois dernier, le gouvernement s'apprête à faire voter au parlement d'ici à la fin de la semaine un nouveau texte législatif pour entériner, entre autres, le licenciement de 4 000 personnes et la mutation de 12 500 employés dans la fonction publique. Une grève générale a d'ailleurs été convoquée demain par les confédérations syndicales du public et du privé.

Jeudi est attendu le ministre allemand des finances Wolfgang Schäuble, vendredi doit être voté le projet de loi de création du nouvel audiovisuel public alors que le blocage reste entier avec les employés de ERT... Face à un gouvernement qui ne compte plus que sur un soutien de 155 députés sur 300 à la Vouli, la gauche radicale entend bien jouer son rôle de premier parti d'opposition, et Alexis Tsipras réclame, déjà, de nouvelles élections.

Mais Syriza ne pourra éviter, un jour ou l'autre, la délicate question des alliances politiques : à lui seul, et même dans les estimations les plus hautes, il n'atteint pas la majorité. À gauche du Pasok, il ne reste plus que l'orthodoxe parti communiste – hostile jusqu'à présent à tout rapprochement avec la gauche radicale – et le Dimar (« Gauche démocratique »), né il y a trois ans d'une scission... avec Syriza.

Amélie Poinssot


Dernière édition par Admin le Dim 21 Juil - 9:04, édité 3 fois
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En Grèce, les multiples défis du nouveau Syriza (Médiapart) + Au congrès de Siriza (François Delapierre) et 9+1 remarques sur Syriza après son congrès fondateur (Sthatis Kouvelakis) Syriza-synedrio-2-620x300

C’est à Athènes que j’ai appris la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge. Des camarades cheminots m’ont raconté la situation sur place. Dans ces moments-là on oublie le forfait téléphonique. Mes camarades m’ont dit ce qu’il en était du mieux qu’ils pouvaient. Car malgré la retenue des mots qu’ils utilisaient, j’ai vite compris qu’une terrible émotion les avait saisis à la vue du carnage. D’ailleurs des dizaines de salariés de la SNCF qui n’étaient même pas en service sont venus de toutes parts. Force de la solidarité humaine. La logique comptable du profit et de la compétition leur interdit en revanche d’intervenir sur un aiguillage si celui-ci n’est pas dans la zone dont ils ont la charge. De toute façon l’établissement responsable des infrastructures a été séparé de la SNCF en raison du dogmatisme des apôtres de la concurrence qui voudraient même que cette séparation soit accrue. Mais je m’arrête là pour l’instant. Le moment est trop douloureux pour tirer immédiatement les leçons du désastre. Comptez que nous le ferons sans tarder. Cela fait si longtemps que nous dénonçons la dégradation de la sécurité sur les lignes, notamment de banlieue, ce fruit pourri de la libéralisation et de la course au profit imposées par les directives européennes. Quand je dis nous, je ne pense pas seulement au Front de Gauche. Les syndicats l’ont dit, les associations d’usagers, combien de cadres de la SNCF ? Mais on ne peut convaincre ceux dont l’horizon est borné par les indicateurs et les diktats de la finance. Seule la résistance les arrêtera. N’oublions pas qu’en Grande-Bretagne, la multiplication des accidents mortels ne les a même pas fait changer d’avis.

Ni Monde ni Libé !

J’ai terminé ma dernière note en promettant quelques mots sur le Congrès de Syriza. Avant de m’acquitter de cet engagement, je voudrais ajouter à mon bref aperçu de la révolution citoyenne au sein d’ERT la mention d’un autre organe de presse qui connut récemment un bouleversement similaire. La Grèce compte depuis quelques mois un nouveau journal baptisé le Journal des rédacteurs. Celui-ci s’est créé après la faillite d’Eleftherotypia, un des principaux journaux du pays. Pour me le situer, un camarade franco-grec me dit que c’est Libération et Le Monde réunis. Il veut signifier qu’Eleftherotypia était le journal le plus proche du PS grec, le PASOK. Les journalistes ont d’abord tenté de sauver le titre en continuant à éditer le journal. Mais le propriétaire n’a pas laissé faire. Une partie de la rédaction a donc créé un nouveau journal, sous la forme d’une coopérative où chacun touche le même salaire. Bien lui en a pris car cette nouvelle formule a rencontré un rapide succès. Le Journal des Rédacteurs est devenu en quelques mois le 4e journal le plus vendu de Grèce  dans un contexte où le reste de la presse s’effondre. Bien sûr ce n’est pas seulement le capital qui a changé ou le pouvoir de la rédaction qui a été rétabli. Le contenu n’est plus le même. Si vous voulez savoir ce qui se passe dans la Grèce véritable, celle qui souffre et lutte contre l’austérité, il faut acheter le Journal des Rédacteurs. C’est ce que fait un nombre croissant de Grecs.

Je ne résiste pas à l’envie de reproduire un extrait des propos du responsable de la rubrique internationale du journal des rédacteurs interrogé par les étudiants du CFJ  (centre de formation des journalistes) tant je pense qu’ils heurtent la vision dominante de la corporation à laquelle ceux-ci se destinent. « La plupart des journaux sont partie prenante d’un système, qu’il soit médiatique, politique ou industriel. Quand on travaille pour un de ces gros titres, on ne peut pas avoir une politique tout à fait indépendante, on bosse forcément pour les intérêts de ceux qui nous dirigent. Ici, on ne travaille pas pour quelqu’un, on travaille pour nous. Et même si ça ne suffit pas, je préfère n’être payé que 800 € par mois que d’en gagner 2000 tout en pouvant me faire virer d’un jour à l’autre. »

Premier Congrès

Ce Congrès est le premier de l’histoire de Syriza. Celle-ci me rappelle Die Linke. Le parti de gauche allemand s’était d’abord constitué comme une réponse à la loi électorale qui n’autorise pas les candidatures présentées par des coalitions de partis. Ici en Grèce, les coalitions sont possibles. C’est sous cette forme que les camarades de la gauche dite radicale ont affronté les législatives de février 2012 où ils sont passés de 4 à 17%. Mais seul un parti unifié peut bénéficier de la prime de 50 élus qui échoit au parti arrivé en tête et pondère la proportionnelle intégrale qui est sinon la règle. Si Syriza était arrivé en tête sous la forme d’une coalition de partis, c’est la droite qui aurait récupéré ce pactole d’élus et inversé le résultat des urnes ! Quand des élections anticipées ont été convoquées faute de majorité dans ce nouveau parlement, les fondateurs de Syriza ont donc déposé officiellement un nouveau parti. C’était il y a à peine plus d’un an.

C’est une tâche effroyablement difficile de créer une organisation politique nouvelle dans le contexte grec. Syriza compte désormais 36000 membres. Je le rapporte à nouveau à la population française pour donner l’ordre de grandeur : chez nous cela représenterait 220 000 adhérents. La moitié d’entre eux ne faisaient pas partie des composantes de départ. Ce sont le plus souvent des adhésions enregistrées autour des législatives de juin qui virent Syriza atteindre les 27% et devenir la deuxième force politique du pays. Si l’on tient compte du fait que les composantes originelles étaient nombreuses et diverses (anciens communistes, ex-membres du PASOK, trotskistes, maoïstes, écologistes et d’autres encore) cela fait beaucoup de cultures politiques et organisationnelles différentes et peut-être encore plus de personnes qui n’en ont aucune. A l’hiver dernier, une première conférence panhellénique a permis une discussion sur l’orientation du parti, faisant émerger deux pôles : une « aile majoritaire » et une « aile gauche ». Mais ce Congrès doit discuter de tout : l’orientation, la déclaration de principes, les statuts. Ce menu bourratif tient davantage du pasticcio que de la salade grecque. Surtout que l’actualité ne laisse guère le temps du débat au sein des structures du nouveau parti. Rendez-vous compte. Ce Congrès se tient un mois après le forum social d’Athènes, quelques semaines après la fermeture d’ERT et la mobilisation sociale qui a suivi, quelques semaines aussi après la grève des enseignants qui a donné lieu à leur réquisition illégale par le gouvernement. Tout le monde est donc très fatigué et la discussion se concentre uniquement sur quelques points.

Les débats que Lydia, la camarade franco-grecque qui m’accompagne, veut bien traduire pour moi, portent principalement sur des sujets internes qui ne vous passionneront sans doute pas davantage que je ne l’ai été. Il s’agit de savoir si toutes les composantes originelles accepteront dorénavant de se dissoudre (certaines le refusent) ou encore du mode d’élection du président du parti. Cette discussion me semble étroite dans le moment paroxystique que connaît la Grèce. Mais ce temps du Congrès voit ressurgir toutes les discussions internes que le rythme effréné de la vie politique depuis un an n’a pas permis d’avoir. Un psychiatre de l’hôpital Sud Francilien que je croise à l’aéroport au retour me fait judicieusement remarquer que dans les moments d’instabilité générale de l’existence, chacun se raccroche à ce qui lui semble être un îlot de stabilité. Les militants n’y font pas exception quand ils se focalisent sur leurs organisations au moment où la crise politique peut les rayer d’un trait de plume.

En revanche, une controverse politique et programmatique intéressante émerge sur la question de l’euro. Ceci n’est pas une discussion abstraite. Pour nous les Grecs, l’euro est une prison allemande me dit un délégué. Je vérifie au passage, comme nous le disions au Congrès du PG, qu’il y a bien un avant et un après Chypre. AKEL, le parti communiste chypriote qui dirigeait jusque récemment le pays, est désormais favorable à une sortie de l’euro. Il se classe pourtant à droite du Parti de la Gauche Européenne. Mais les faits ont radicalisé les positions. L’Union Européenne, la BCE comme les 17 salopards de l’Eurogroupe, a montré qu’elle est prête au blocus monétaire pour obliger un gouvernement de droite à mener des politiques ultralibérales contre son peuple, contrairement aux statuts de la BCE comme au droit international. A Syriza tous savent désormais que la confrontation avec l’Union Européenne serait d’une extrême brutalité s’ils l’emportaient. C’est pourquoi chacun considère qu’il faut être prêt à sortir de l’Euro si l’Europe austéritaire s’en servait comme d’un moyen de chantage sur le peuple grec. Mais deux positions se confrontent. Je les dessine à grands traits. Le slogan de la majorité est « pas un sacrifice pour l’euro ». L’aile gauche, elle, veut annoncer par avance que la Grèce sortira de l’euro et construire la stratégie de reconstruction du pays dans le cadre d’une monnaie nationale rétablie.

Ces débats existent en France. Ils sont même européens. Mais il est évident que nous les abordons chacun dans un contexte national différent. La Grèce est devenue une colonie de fait. Les gouvernements grecs ont signé avec la Troïka trois mémorandums dans lesquels figure le détail, poste par poste, du budget que le pays doit adopter en contrepartie des financements européens. La sortie de crise passe donc par une confrontation immédiate avec les institutions austéritaires de l’Union. C’est la BCE qu’un gouvernement anti-austérité trouvera en premier sur sa route. En France le calendrier ne serait pas le même. Puisque notre pays continue de se financer sur les marchés, le bras de fer immédiat se jouerait avec les banques et les agences de notation. Le Parti de Gauche a donc concentré sa réflexion sur la manière de l’emporter. Nos propositions concrètes permettraient d’inverser immédiatement le rapport de forces avec la finance en lui remettant en tête qu’elle dépend de l’Etat plus que l’Etat ne dépend d’elle. C’est la condition pour que la peur change de camp. En Grèce, c’est le chantage à l’euro auquel il faut répondre. Pour notre part, nous ne craignons pas encore que la BCE prive la France, deuxième puissance économique du continent, des billets que les usines de la Banque de France imprime par ailleurs sur notre sol. Mais ceci est une autre discussion que nous aurons au Remue-Méninges du PG et aux Estivales du Front de Gauche.

Après ce dernier voyage en Grèce, je m’arrête quelques jours et me promets de délaisser ce blog. Avant de partir, il faut absolument que je pense à m’inscrire.

Et vous d’ailleurs, l’avez-vous fait ?
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En Grèce, les multiples défis du nouveau Syriza (Médiapart) + Au congrès de Siriza (François Delapierre) et 9+1 remarques sur Syriza après son congrès fondateur (Sthatis Kouvelakis) Syriza-synedrio-2-620x300

Universitaire et membre du comité central de Syriza, Stathis Kouvélakis revient dans cet article sur le congrès fondateur de la coalition de la gauche radicale grecque, devenue parti à cette occasion. 

1. Le congrès de Syriza s’est déroulé dans un contexte d’instabilité politique grandissante qui fait suite à la crise qui a suivi la fermeture de la radiotélévision publique (ERT) par le gouvernement d’Antonis Samaras et le départ de ce gouvernement de l’une de ses trois composantes (le parti de la Gauche Démocratique - DIMAR). Le nouveau gouvernement bipartite de la Nouvelle Démocratie et du PASOK ne peut désormais compter que sur une majorité parlementaire très étroite (153 voix Sur 300), comme l’a montré le vote au Parlement du 17 juillet sur le nouveau paquet de coupes budgétaires visant la fonction publique. Il y a davantage : l’ampleur de la réaction populaire à la fermeture d’ERT a sonné la fin de la relative apathie qui régnait sur le front social depuis le vote du précédent Mémorandum en novembre dernier. Le bloc au pouvoir sort incontestablement affaibli de cette épreuve de force. La chute du gouvernement actuel sous la pression populaire apparaît comme un objectif plus réaliste qu’il y a quelques mois. Pourtant, manque cruellement une stratégie et une tactique qui aborderaient frontalement la question.

La position de Syriza reste à cet égard à un niveau incantatoire, marqué par le décalage entre une rhétorique conflictuelle, mais vague, et la ligne concrètement suivie lors des moments clés de l’affrontement social de la dernière période (grèves avortées ou brisées dans le métro, les docks et l’enseignement secondaire du fait des mesures de réquisition adoptées par le gouvernement). A chaque fois, la direction de Syriza a fait preuve d’une grande prudence, évitant tout objectif de montée en puissance de la contestation et culminant dans le retrait du soutien à la grève des enseignants pourtant approuvée à plus de 90% lors des AG exceptionnellement massives.

2. En annonçant le congrès du parti en mai, la direction visait un seul objectif : faire de la constitution de Syriza en parti unifié l’occasion d’une « reprise en main » visant à la fois à marginaliser l’opposition interne et à stabiliser une forme partidaire en rupture avec des aspects décisifs de la culture politique et organisationnelle de la gauche radicale. Pour le dire autrement, le but était d’aboutir très vite à une « forme parti » taillée sur mesure pour ancrer dans les réalités organisationnelles la ligne de « recentrage » que la direction poursuit avec acharnement depuis l’automne 2012 – ligne qui s’est traduite par le brouillage croissant des positions de Syriza (et de leur perception par les secteurs sociaux qui lui accordent leur confiance) sur les questions clés (annulation des Mémorandums, dette, sortie de l’euro, refus des privatisations)

1.
Pour ce faire, la direction du parti a imposé un congrès à marche forcée (avec un délai de moins d’un mois entre la publication des textes préparatoires et le vote des sections) et un agenda entièrement tourné vers des questions internes, loin des préoccupations stratégiques et des impératifs d’élaboration programmatique qu’une conjoncture aussi volatile que celle-ci exigent.

Cet agenda « introverti » s’est structuré autour de trois points clés :

-       la question dite des « composantes », avec un ultimatum de deux ou trois mois maximum pour leur dissolution dans le cadre du processus d’ « unification » de Syriza2.

-       un droit de tendance vidé de sa substance, avec la suppression des dites « listes séparées », façon détournée de désigner la représentation proportionnelle des minorités dans les instances.

-       La modalité d’élection du président du parti, i.e. par le congrès et non par les instances de direction (le comité central).

3. Cet agenda interne ne fait sens qu’à condition d’être situé dans le contexte plus large de la perception de Syriza par les représentants du bloc au pouvoir et de l’évolution interne que connaît ce parti depuis un an.

Pour les médias et les forces politiques systémiques, les « composantes » et les « tendances » de Syriza, sa fameuse « cacophonie », sont la manière codée de désigner le radicalisme de Syriza, que ces « tendances » incarnent face à une direction (incarnée par Tsipras) qui représente le « réalisme » et la ligne du recentrage. La direction, et plus particulièrement Tsipras, est donc soumise à une pression constante venant du système pour « faire le ménage » dans le parti et assoir son autorité (« Tsipras, coupe des têtes » est l’une des injonctions préférées des commentateurs médiatiques autorisés…) en se débarrassant des voix discordantes. Sont tout particulièrement visées celles qui la critiquent sur sa gauche et qui sont présentées comme autant d’obstacles à l’« image » de Syriza comme « parti de gouvernement responsable ».

Au sein même de Syriza, les succès électoraux foudroyants du printemps 2012 se sont traduits par une dynamique contradictoire. D’un côté, une vague significative d’adhésions (le nombre d’adhérents a environ doublé en quelques mois et atteint à présent 35 000), ainsi que des succès dans certains secteurs, plus particulièrement dans le mouvement syndical, point faible traditionnel de Syriza – succès relatifs toutefois dans la mesure où la surface syndicale demeure significativement inférieur à celle du PC grec (KKE), qui n’a récolté que moins de 5% des suffrages – environ un sixième de celles de Syriza. Mais cette vague comporte également  un autre aspect, bien plus ambigu. Dans une société traumatisée par la dépression économique et formée par des décennies de « partitocratie » (le « système » forgé par la Nouvelle Démocratie et le PASOK qui ont alterné au pouvoir depuis la chute des colonels en 1974), l’adhésion à un parti apparaissant comme aux portes du pouvoir peut également prendre la signification de la reconstitution d’un rapport clientéliste, doublé d’un rapport d’obéissance au leader charismatique. Si ce phénomène est encore loin d’être majoritaire, il n’en altère pas moins de façon désormais significative la composition du parti et alimente de façon essentielle la prolifération d’« adhérents passifs », qui ne se manifestent que le jour du vote pour le congrès et dont le lien à l’organisation repose principalement sur les rapports personnels qu’ils entretiennent avec un ou plusieurs cadres locaux. 

4. Ce phénomène, en partie spontané et parfaitement prévisible pour qui est au parfum des réalités grecques, a néanmoins été clairement encouragé, au nom du nécessaire « élargissement », par la direction du parti à partir de l’automne 2012. Les choix opérés à partir de ce moment – absence de toute véritable stratégie d’intervention militante et de construction du parti, choix de congrès ou de conférences nationales organisés à la hâte, avec un nombre de délégués pléthorique, semblable à celui des instances nationales ou fédérales, constitution de réseaux puissants de type personnel autour de certains cadres dirigeants (en général également des parlementaires) – conduisent inévitablement à un parti de type « attrape-tout », un catch-all party comme disent les politistes à la suite de Kirchheimer. En d’autres termes, un parti électoraliste, à la vie interne atrophiée, principalement soudé autour de son leader et d’un discours venant d’en haut, principalement adressé – via les médias –  à un « auditoire national », mais toujours modulé de façon à plaire aux divers « publics » (plus « radical » et « lyrique » quand on s’adresse aux militants, plus « sobre » et « pragmatique » quand il s’agit de rencontrer Schaüble ou le FMI).

5. Les aspects les plus problématiques du congrès fondateur de ce « nouveau Syriza », parti désormais unifié, découlent de ces tendances lourdes, qui conduisent à sa mutation en « parti de gouvernement » de type gestionnaire : un nombre de votants disproportionné par rapport à celui des participants aux discussions internes, un corps ingérable de 3500 délégués, absence de discussion structurée lors des deux premières journées (celles où les délégués pouvaient prendre la parole), absence de rapport d’activité des instances sortantes, discours d’ouverture de Tsipras adapté aux exigences d’un meeting électoral et non d’une adresse à l’instance délibérative du parti.

A cela est venu s’ajouter le climat particulièrement agressif vis-à-vis de l’opposition interne (regroupée dans la Plateforme de gauche3), qui a culminé le soir de la dernière session du congrès, lors des votes sur la représentation sur les trois points touchant au fonctionnement interne sur lesquels la discussion s’était focalisée (dissolution des composantes, représentation des tendances et mode d’élection du président du parti). Se sont déroulées des scènes choquantes pour un congrès de la gauche radicale (représentants de la Plateforme de gauche hués, doigts d’honneur et insultes, Tsipras applaudi à chaque fois qu’il montait à la tribune avant même le début de ses interventions), qui ont conduit au départ de la salle des délégués de la Plateforme de gauche et d’un nombre significatif de délégués de la majorité.

6. Quel est le bilan de ce congrès ? Du point de vue de contenu programmatique et de l’élaboration stratégique fort maigre, voire inexistant. Les documents adoptés se bornent à répéter, souvent au mot près, les formulations adoptées (là encore de façon plutôt expéditive) lors de la conférence nationale de novembre dernier. Ces textes de compromis, truffés de formulations alambiquées et ambiguës, n’ont de toute façon jamais été vraiment diffusés ou soutenus publiquement par la fraction majoritaire de la direction, qui s’est toujours empressé d’en fournir des « interprétations » en accord avec la ligne du « recentrage » et du « réalisme ». Ainsi, en décembre dernier, quelques jours à peine après la conférence nationale qui avait confirmé la position de Syriza quant à l’annulation immédiate des Mémorandums par vote parlementaire en cas de victoire électorale, les responsables des questions économiques, et principales figures de proue de la direction après Tsipras, se sont répandus en déclarations dans les médias pour préciser que Syriza « n’agirait pas de façon unilatérale », évitant systématiquement d’utiliser les termes d’ « annulation » ou d’« abrogation », remplacés par des références iréniques à la « négociation » avec « nos partenaires européens ». Tsipras lui-même a multiplié les déclarations « conciliantes » de ce type, notamment lors de ces déplacements à l’étranger, plus particulièrement en Allemagne, où il a rencontré Schaüble, et aux Etats-Unis, où il s’est entretenu avec des représentants du Département d’Etat et du FMI.

7. La Plateforme de gauche a tenté de donner un contenu politique à un débat programmatique quasi-inexistant et a déposé quatre amendements qui touchaient aux points stratégiques les plus sensibles : dette (remise en cause de la légitimité de la dette en tant que telle, dénonciation des conventions existantes et recours si nécessaire à la cessation de paiement pour obtenir son annulation) ; éventualité de sortie de la zone euro (option viable qu’il s’agit de préparer sérieusement si, ou plutôt quand, un gouvernement Syriza se trouvera, à l’instar de Chypre, confronté au chantage de l’UE et de la BCE) ; nationalisation du secteur bancaire dans sa totalité, engagement clair à annuler l’ensemble des privatisations en cours et renationalisation sous contrôle populaire de secteurs stratégiques de l’économie (télécommunications, énergie, infrastructures routières et aéroportuaires) ; stratégie d’alliances en réaffirmant la ligne d’un gouvernement de gauche anti-austérité, à l’exclusion d’ouverture au « centre » ou aux forces de la droite souverainiste. L’ensemble de ces amendements a été rejeté, mais a recueilli entre un tiers et 40% des voix, les amendements sur la dette et l’euro étant ceux qui ont reçu le soutien le plus large. En ce sens, on peut dire que, sur la question de la ligne politique, la direction a pu imposer son point de vue.

8. Pourtant, eu égard aux objectifs qu’elle s’était fixés, ce congrès représente un sérieux revers. L’agenda en trois points évoqué ci-dessus et focalisé sur la « remise en ordre » interne du parti, est sorti malmené de ce moment fondateur du « nouveau Syriza ».

Sur la question de la dissolution des composantes, et de l’ultimatum qui leur était adressé, la direction a dû se résoudre à un compromis (la formulation adoptée parle de « dissolution dans un délai raisonnable et suite à une concertation) suite à l’attitude extrêmement ferme de Manolis Glezos. Figure emblématique de la Résistance, jouissant d’un prestige immense et d’une stature à la hauteur du héros national qu’il est, Glezos ne s’est pas contenté de défendre le droit des composantes à préserver leur autonomie. Il a attaqué Tsipras de façon directe et personnelle et rejeté avec force le modèle d’un parti « présidentialiste », sapant ainsi l’autorité morale et symbolique de la direction et de son leader.

Sur la question de la représentation des minorités, ceux-ci ont par contre mis tout leur poids dans la balance, opérant ce qui peut être qualifié de coup de force, mené par Tsipras en personne : après avoir proposé un système qui accordait, par un subterfuge « technique », un avantage automatique à la liste majoritaire, le bloc majoritaire a imposé aux tendances (minoritaires) qui voudraient se présenter en tant que telles l’obligation de constituer des listes séparées, figurant sur des bulletins différents.

La possibilité existant jusqu’à présent de choisir, sur un même bulletin, une liste puis de panacher, dans certaines limites, les candidats se présentant sur les diverses listes a ainsi été supprimée. Quant à la liste majoritaire, elle ne se présente pas comme une liste de tendance, ou d’un accord entre tendances (ce qu’elle est pourtant), mais comme la « liste unifiée », simple addition de candidatures individuelles représentant la « diversité du parti » en tant que tel. Il s’agissait à l’évidence de faire apparaitre les minorités comme un « corps étranger », simplement toléré, et de donner à la liste majoritaire un statut symbolique de détenteur unique de la légitimité partidaire.

L’opération s’est néanmoins retournée contre ses inspirateurs. Au lieu de s’affaiblir, la Plateforme de gauche s’est sensiblement renforcée (voire ci-dessous), et, aidée par la présence de petites listes « indépendantes », elle a ramené la liste majoritaire à 67,5%, soit sept points de moins que lors de la conférence nationale de décembre dernier.

Enfin, sur la question de l’élection du président par le congrès, la direction a obtenu gain de cause, mais au prix de l’adoption dans les statuts d’une disposition « flexible » autorisant chaque congrès à décider librement du mode d’élection du président. Sans surprise, ce congrès s’est prononcé par la suite en faveur de l’élection directe du président. Mais lors du vote à bulletin secret, Tsipras a réalisé ce qui peut être considéré comme une contre-performance, en totalisant 72% des bulletins (74% des bulletins valides, les nuls exprimant dans leur quasi-totalité diverses formes de rejet de la procédure et/ou de la personne de Tsipras).

9. On peut pourtant considérer que la principale déconvenue de la direction se trouve dans le renforcement de la Plateforme de gauche, qui a franchi le seuil symbolique des 30%, soit une progression de près de 5 points par rapport à la conférence nationale de novembre dernier (30,16% vs. 25,6%), et ce dans un cadre hautement conflictuel, entièrement façonné dans le but d’obtenir sa marginalisation. Il ne fait pas de doute que le climat d’intimidation a suscité une forte résistance parmi une partie des délégués, au-delà des rangs de celles et ceux qui avait d’emblée soutenu les positions de la Plateforme.

Le résultat a causé un véritable choc au sein de la direction, qui a évité tout commentaire officiel (ses représentants sont devenus invisibles dès l’annonce des premiers résultats). La presse et les médias font état d’un embarras manifeste dans les rangs majoritaires, même si, d’une façon générale, ils cherchent à ménager Tsipras. Les interrogations se font de plus en plus pressantes quant à la ligne qu’elle suivra dans la période qui s’ouvre, recherche de compromis ou poursuite de l’affrontement interne, au risque cette fois de provoquer une crise interne prolongée.

De son côté, la Plateforme de gauche a pour la première fois rendu public un communiqué distinct précisant que son effort pour obtenir la « radicalisation et l’ancrage à gauche de Syriza et pour l’unité de l’ensemble de la gauche radicale se poursuivait dans de meilleures conditions ». Signe que son succès est compris comme un encouragement à déployer son intervention de façon encore plus visible au sein du parti et même au-delà.

9+1. En conclusion, on peut dire que ce congrès fondateur a sans doute créé davantage de problèmes qu’il n’en a résolu, ou tenté d’en résoudre. Désormais constitué en parti unifié, doté de statuts, de documents à caractère programmatique et d’une direction élue, Syriza n’en apparaît pas moins comme un parti profondément divisé sur des points stratégiques essentiels, qui sont au centre du débat national et européen. Il est évident que la confrontation entre les partisans d’une approche « réaliste », soucieux d’accéder au pouvoir « à froid », de ne pas rompre avec le cadre européen et de ménager les secteurs stratégiques des forces dominantes, et ceux qui prônent l’affrontement ouvert et la rupture avec le cadre actuel de l’UE touche au cœur des questions qui se posent aujourd’hui à la gauche radicale du Vieux Continent. L’apport essentiel de Syriza, et de la dynamique qu’il a su créer au printemps dernier, est d’avoir su poser au sein de la gauche radicale la question d’une alternative de pouvoir en termes concrets. Reste à savoir si une telle entreprise se fera aux dépens de la radicalité ou si elle rejoindra la longue liste d’expériences de la gauche de gouvernement qui s’est rapidement  enlisée dans les sables de la gestion du système. Le congrès de Syriza aura sans doute été utile en ceci qu’il aura au moins permis de formuler les termes du problème d’une façon plus claire et plus aisément perceptibles par les forces sociales et politiques engagées dans un projet émancipateur.

Sthatis Kouvelakis. Athènes, le 18 juillet 2013. Publié sur le site de Contretemps.eu
 

  • 1.Sur l’évolution de Syriza on lira l’article de Baptiste Derickebourg, « Prendre le pouvoir sans perdre son âme » dans la livraison de juin dernier du Monde diplomatique ainsi que le texte de Philippe Marlière, « Alexis Tsipras entre radicalisme et réalisme » in http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-marliere/220313/alexis-tsipras-entre-radicalisme-et-realisme.

  • 2.De 2004, date de sa création, jusqu’à la conférence nationale de novembre dernier, Syriza existait en tant qu’alliance entre une douzaine de composantes distinctes, couvrant la quasi-totalité du spectre de la gauche radicale. La plus importantes de ses composantes était Synaspismos, le parti d’Alexis Tsipras, parti lui-même constitué de courants distincts, allant de la social-démocratie modérée (l’actuelle Gauche démocratique en est issue, mais une partie significative de ce courant est restée dans Synaspismos) au néo-communisme du Courant de gauche (voire note suivante).

  • 3.La Plateforme de gauche s’est constituée sous sa forme actuelle lors de la conférence nationale de novembre 2012 par la convergence de deux principales composantes, qui comptent plus d’une décennie d’existence, sous diverses configurations : 1) le Courant de gauche de Synaspismos, essentiellement formé de militants qui ont quitté le PC grec (KKE) lors de la scission de 1991. Il contrôle la plupart des sections d’entreprise, le secteur syndical, et conserve une forte présence dans certaines sections et fédérations régionales, essentiellement dans le nord de la Grèce. 2) les trois composantes d’origine trotskiste de Syriza (Kokkino, DEA et APO), désormais regroupés sous le parapluie de Rproject/ Réseau rouge. Lors du congrès, ont adhéré à la Plateforme une composante issue du PASOK, DIKKI, ainsi qu’une organisation de cadres syndicaux ayant quitté le KKE en 1995 (KEDA). Environ une douzaine de parlementaires de Syriza sur un total de 70 se reconnaissent dans la Plateforme, dont l’un des trois porte-parole du groupe parlementaire, Panayiotis Lafazanis, ancien dirigeant du KKE et député de longue date de l’emblématique deuxième circonscription du Pirée, la plus ouvrière du pays, qui en est également la figure publique la plus connue.
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