Mardi 17 juin 2014
Manifestation parisienne très résolue des intermittents
Depuis « Je ne suis pas d’accord Unedic » à « Medef, crev’art », posément ou vigoureusement exprimée, la détermination s’affichait sans faille hier dans le rassemblement des intermittents, place du Palais-Royal à Paris, à deux pas du ministère de la Culture. Elles étaient quasiment toutes là, les grandes institutions théâtrales de la capitale pour revendiquer leur part de lutte et se signaler en grève : le théâtre des Champs-Elysées, le Français, Gennevilliers, le Rond-Point… Jean-Pierre Ribes, directeur de cette dernière salle et ami déclaré de François Hollande répétait aux journalistes pourquoi le matin même, à 11h30, il avait convoqué un rassemblement citoyen place de la Concorde :
« La cause des intermittents du spectacle est celle de la défense des libertés fondamentales de la République. » Les tee-shirts jaunes des créateurs de studios d’animation en grève eux aussi se mêlaient aux compagnies qui se regroupaient de manière informelle avant de se perdre dans la cohue où on repérait encore par leur banderole les Guignols de l’Info, le Théâtre du Soleil, et des pancartes plus assassines : « Filipettitanic », « J’ai Malraux cul », « No culture, cons futurs »…
Pendant qu’une délégation de la CGT, de la CIP (commission précaire et intermittents), du Syndeac (Syndicat des entreprises artistiques et culturelles) se rendait auprès de la ministre de la Culture, les soutiens aux intermittents mais aussi aux intérimaires et à tous les précaires se sont succédé sur la plate-forme d’un camion sonorisée. Les plus nombreux et les plus bruyants ont été les cheminots partis des trois gares proches, Saint-Lazarre, Montparnasse et Gare du Nord venus dire leur solidarité et souligner les convergences des luttes.
Les représentants des partis politiques, parmi lesquels Pierre Laurent pour le PC ou pour le Parti de gauche Eric Coquerel (venu avec Martine Billard, Corinne Morel-Darleux et Philippe Juraver) ont salué la résistance des salariés et les espoirs qu’elle permet. Elle reste entière et peu susceptible de faiblesse comme l’a montrée la réaction unanime des manifestants au retour de la délégation. Aurélie Filipetti qui avait annoncé dans la presse du jour que « l’accord ne résoud pas la question du régime des intermittents » n’a d’autres ressources que de s’accrocher à la mission de Jean-Patrick Gilles nommé le 7 juin dernier et à l’hypothétique tenue d’une réunion tripartite en juillet. En réponse, le rassemblement d’une bonne douzaine de milliers de personnes est parti en manifestation vers Matignon.
Les marionnettes géantes ont connu un franc succès auprès des visiteurs du Louvre dont certains ont compris qu’il s’agissait d’une « french strike » et peut-être traduit les slogans qu’elles portaient : « Nous avons des propositions », « Justice sociale », « Vous n’êtes pas des marionnettes ». Le parcours jusqu’à la rue de Grenelle, a fait retentir dans les rues étroites du 7
ème toute la détermination des manifestants.
Une nouvelle délégation a été reçue à Matignon par des responsables des cabinets de Valls, Rebsamen et Filipetti qui auraient prétendu ne pas pouvoir faire grand-chose de cet accord entre le patronat et des syndicats représentatifs. Bref, il s’agirait de ne fâcher personne même si l’annulation des festivals est chose bien regrettable.
Car, comme ils l’ont deviné et comme l’a exprimé l’AG qui s’est tenue à la Halle de la Villette en fin de journée, la mobilisation ne va pas fléchir. Il est bien évidemment hors de question de céder quoi que ce soit. Bien que l’exercice n’ait pas été exhaustif, lister les spectacles annulés, les compagnies en grève à travers toute la France, a duré plus de 20 minutes. Les plus applaudis ont été les futurs comédiens des grandes écoles de la profession qui au lieu de leurs premiers pas publics sur scène ont voté la grève. Tout comme le personnel d’Arte à Strasbourg, le théâtre parisien de l’Odéon pour ce soir ou même les participants du festival de Grignan pour son ouverture le 26 juin. L’agrément qui pourrait être donné demain mercredi ne pourra que mettre le feu aux poudres. Le gouvernement Valls ferait en ce cas le choix de l’annulation des festivals pour ne pas se dédire de sa politique austéritaire.
En attendant, les cheminots venus participer à l’AG, « parler de nous à nous, d’usagers (les intermittents) à spectateurs (eux-mêmes) », exprimer leur ras-le-bol de la dictature de la finance ont invité saltimbanques et techniciens à les rejoindre aux Invalides ce matin à 11h pendant que sera discutée à l’Assemblée nationale la proposition de loi de dépeçage de ce qui reste du service public ferroviaire. Les intermittents ont lancé eux un appel à se retrouver nombreux, plutôt en baskets, demain mercredi, à 6 heures du matin, pour une action encore tenue secrète.
Le bras de fer semble la seule issue et les intermittents s’y préparent. Résolument.Jean-Luc Bertet