Jeudi 10 juillet 2014
SNCM : Le redressement judiciaire n’aura pas lieu
Les négociations entre le médiateur, les actionnaires et les syndicats débouchent sur un relevé de conclusion qui donne 4 mois pour trouver une solution définitive.Les salariés de la SNCM en discussion hier soir après la fin de la négociation. Laurent saccomano
Les marins et les salariés de la SNCM se prononceront ce matin lors d’une assemblée générale à Marseille sur le relevé de conclusions issu des négociations qui ont réuni depuis lundi le médiateur Gilles Bélier, les actionnaires et les syndicats. Mais d’ores et déjà, leur grève a permis d’écarter le redressement judiciaire pour une période d’au moins quatre mois. « La question du redressement judiciaire est écartée jusqu’à la fin de l’année », a indiqué le délégué CFE-CGC des officiers, Pierre Maupoint de Vandeul. Un résultat important qui était loin d’être acquis au début du mouvement de grève. Le moratoire doit durer quatre mois, jusqu’à fin octobre, mais la trésorerie est assurée jusqu’à la fin de l’année, ont précisé les syndicats. « On va rendre compte aux personnels.
Il y a un relevé de décisions qui a été pris par l'Etat, Transdev et la direction de la SNCM qui sera présenté demain aux équipages en assemblée générale », a précisé Frédéric Alpozzo, le responsable des marins CGT.Conséquence de cette avancée : le déblocage du Kalliste, navire de La Méridionale a été décidé dès mercredi soir.
Cet acquis est intervenu dans la soirée alors que le Premier ministre Manuel Valls avait dans la journée jeté de l’huile sur le feu, menaçant les grévistes de prendre des « mesures » pour faire cesser le blocage de navires. En outre, alors que le Premier ministre a refusé de recevoir les syndicats, il proposait aux acteurs économiques corses une rencontre à Matignon pour ce jeudi.
Les négociations avaient été interrompues pendant plusieurs heures tout au long de la journée. Elles n’ont repris que peu avant 17h00 en préfecture, jusqu’à leur conclusion vers 20h. Auparavant, avait été annoncée, par une source proche du dossier, une possible vente par le groupe Veolia pour un euro de la participation de 66% qu’il détient dans l’entreprise via Transdev, coentreprise formée avec la Caisse des dépôts. Une décision qui n’a pas été confirmée.
« Il est là pour mettre le feu »Hier matin, les syndicats avaient exprimé leur colère contre les propos tenus sur TF1 la veille par Manuel Valls, qui avait de nouveau soutenu une mise en « redressement judiciaire » de la compagnie. « Il est là pour mettre le feu », relevait Frédéric Dos, délégué de la CFDT.
« Pendant que les salariés cherchent une solution pour éviter le redressement judiciaire, le Premier ministre vient au journal de TF1 dire qu’il faut faire un redressement judiciaire », déplorait le responsable de la CGT Jean-François Simmarano.
Le recours au tribunal de commerce, désormais repoussé, était souhaité par Transdev et appuyé par Manuel Valls, qui estimaint qu’il permettait d’exonérer la compagnie des lourdes condamnations européennes - 440 millions d’euros de subventions jugées indûment perçues. Pour les syndicats, ce passage au tribunal signerait le démantèlement programmé de la compagnie et la certitude de perdre la délégation de service public vers la Corse, un marché de plus de 600 millions d’euros qui lui a été attribué jusqu’en 2022.
La Marseillaisels ont empéché l'irréparableEt que disent-ils ce matin les pourfendeurs professionnels des actions des salariés ? Où en serait en ce 10 juillet la SNCM si ses marins et salariés n'avaient pas relevé le gant avec une courageuse détermination et porté très haut l'étendard de l'avenir de la compagnie maritime ? Certes, le relevé de conclusions issu des négociations est loin d'apporter toutes les réponses. L'horizon de l'entreprise s'écrit encore et toujours en pointillé. Mais le sabordage annoncé par une partie des actionnaires est écarté. Le redressement judiciaire exigé par Veolia et soutenu par le Premier ministre n'est plus à l'ordre du jour. C'est un acquis important qui ouvre toutes les voies du possible. Les salariés de la SNCM décideront ce matin de la suite à donner à leur mouvement. Mais en empêchant l'irréparable, leur grève massive a permis de garder intact le formidable potentiel de la compagnie pour assurer les missions de service public, contribuer au rayonnement économique de Marseille et de la région. Parce qu'ils défendaient l'intérêt général au prix de mille difficultés, l'hostilité de Manuel Valls à leur égard a été insupportable. Au lieu de s'appuyer sur la vitalité du monde du travail mais aussi sur les propositions des élus locaux, il a préféré s'aligner sur les thèses des liquidateurs, menaçant même de recourir à la répression. L'intelligence et le sens des responsabilités des syndicats ont refusé le piège tendu. Il reste désormais quatre mois pour enfin pérenniser l'avenir de la SNCM. Un objectif à portée de main.
Christian Digne