Vendredi 10 octobre 2014
Manuel Valls clôturait vendredi 10 octobre le Congrès de l’Association des Régions de France (ARF) à Toulouse. Et il ne s’est pas contenté d’offrir aux régions toute l’autonomie que réclamaient leurs barons socialistes. Le Premier Ministre a carrément érigé les régions en nouvelle clé de voûte de ce qu’il n’est plus convenable d’appeler la République. Manuel Valls leur cède ainsi la responsabilité d’assurer l’égalité entre les territoires. Pire, il assujettit celle-ci aux fonds octroyés par Bruxelles. Parce qu’il broie la République entre l’Europe et les régions, Valls est le bourreau de Marianne.
«
Ce sont les régions qui doivent assurer l’égalité entre territoires grâce aux fonds européens ». Par cette simple phrase, Manuel Valls a démembré la République et piétiné le pacte qui lie entre eux les citoyen-ne-s. Le Premier Ministre transfère ainsi aux régions le principe constitutionnel d’égalité que doit l’Etat. L’ « égalité » pourra désormais être à la carte et varier d’une région à l’autre. Et au sein même des régions, l’Etat ne sera plus responsable de celle-ci. Manuel Valls invente donc le concept d’égalité à géométrie variable et du même coup désintègre le principe d’égalité républicaine.
Comble du cynisme, le Premier Ministre, non content de tuer le principe d’égalité, livre son application à l’adhésion aux carcans des politiques bruxelloises. Pour lui, cette prétendue égalité devra être assurée «
grâce aux fonds européens ». Les régions qui voudront donc en disposer devront répondre aux appels d’offres de la Commission européenne et avaler pour cela la potion libérale qui en permet l’accès…et guide derrière toute politique mise en œuvre. Car le FEDER (Fonds Européen de Développement Régional) n’œuvre les cordons de sa bourse que dès lors que les projets qui lui sont soumis s’inscrivent dans le sempiternel carcan de la compétitivité. Voilà comment Valls referme le ciseau sur la République, en confiant d’un côté aux régions l’un des principes fondateurs de ce qui nous est commun, et en liant l’application de celui-ci au dogme de l’Union Européenne. Par son aveu, le Premier Ministre s’est ainsi chargé de synthétiser la réforme territoriale en une phrase.
C’est donc le cœur fondateur du pacte républicain qui est atteint. Et Manuel Valls de donner les moyens aux futures régions d’entrer de plain-pied dans la France fédérale qu’il dessine. Ainsi, les régions se préparent à bénéficier d’une nouvelle fiscalité: «
les régions n’ont quasiment plus d’autonomie fiscale [...]
elles disposeront d’une nouvelle fiscalité économique ». S’il était nécessaire de rendre aux régions une autonomie financière telle que définie dans la Constitution (Art 72-2) et que Sarkozy leur avait retirée, on voit aussi se dessiner le jeu de vases communicants qui vise à asphyxie d’autres collectivités, notamment les départements, qui bénéficient des rentrées de la CVAE. Auréolées de ces nouvelles marges de manœuvres, les nouvelles entités vont peu à peu se substituer à l’Etat. Manuel Valls d’ailleurs ne s’en cache pas lorsqu’il affirme que la réforme des collectivités va de pair avec la réforme de l’Etat. D’ailleurs selon lui, «
dans bien des domaines, l’Etat n’a rien à faire ».
La saillie de Valls prolongeait celle, un plus tôt dans la journée, de Ségolène Royal. Au micro de BFM/RMC, la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie tentait de justifier sa reculade sur l’Ecotaxe dont elle avait annoncé la veille la suppression. Et quitte à céder devant les lobbies, la ministre ouvrait carrément les vannes en proposant deux pistes alternatives à l’Ecotaxe. La première, la mise à contribution des sociétés d’autoroutes. A priori une bonne idée puisque depuis que leur concessions ont été dévolues au privé il y a 10 ans par Dominique de Villepin (le mouvement avait il est vrai été enclenché sous Jospin), ces dernières ont engrangé plus de 15 milliards d’euros ( !) de bénéfices qu’elles ont grassement distribués à leurs actionnaires. Sauf que là où Ségolène Royal entend renégocier, c’est pour proposer aux sociétés autoroutières de contribuer moyennant…une prolongation de leur concession ! Absurde ! Quant à la seconde grande idée de la Newton du boulevard Saint Germain, il s’agit de confier aux régions la possibilité de définir la nature, payante ou non, des voiries. C’en est donc fini de l’aménagement national du territoire, ce que confirmait Manuel Valls quelques heures plus tard en proposant celui-ci aux régions en même temps que «
la responsabilité régionale sur les transports et la mobilité ». Avec Hollande et Valls, la France éclatée, c’est maintenant !
Jamais avare de provocations, Manuel Valls s’est permis de terminer en détournant Jaurès : «
Le pouvoir se résume à l’audace », pour mieux justifier «
qu’il faut maintenir le rythme des réformes ». Après les hommages de Sarkozy et Hollande, le Grand Jaurès ne méritait pas tant d’égards de la part des fossoyeurs de sa pensée et de son action, et désormais de la République.
François Cocq