La couverture du passeport diplomatique de Ziad Takieddine© Mediapart
Cette île des Grandes Antilles, dont la capitale est Saint-Domingue, a la particularité de ne pas être liée à la France par une convention d'extradition. Un paradis pour personnes en cavale, en somme.
Tous ces soupçons ont justifié l'ouverture, début mai, d'une information judiciaire pour des faits de
« corruption d'agents publics étrangers » et
« escroquerie », confiée au juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke.
Mis en examen à plusieurs reprises dans le volet financier de l'affaire Karachi et impliqué dans les soupçons de financements libyens de Nicolas Sarkozy (voir notre série “
Les documents Takieddine”), Ziad Takieddine est soumis à un contrôle judiciaire strict, qui lui interdit notamment de quitter le territoire français.
Comment Takieddine a acheté son passeportOfficiellement, Ziad Takieddine n'a plus d'argent. Titulaire de nombreux comptes
offshore et propriétaire d'un immense patrimoine immobilier en France et dans le monde, caché au fisc grâce à des montages complexes dans des paradis fiscaux (Panama ou Luxembourg), le marchand d'armes a vu la totalité de ses biens et avoirs placés sous séquestre par la justice française.
La question qui se pose est donc bien de savoir comment il a pu discrètement débourser 200 000 dollars pour acquérir un passeport diplomatique dominicain. Les policiers ont peut-être une réponse. Ziad Takieddine a en effet réussi l'exploit de vendre, en mars dernier, l'une des sociétés immobilières dont il est le réel propriétaire en dépit des structures-écrans mises en place.
Il s'agit d'une société civile immobilière (SCI) de droit français, elle-même propriété d'une société luxembourgeoise. C'est elle qui détient les villas du marchand d'armes dans le sud de la France où se sont pressés ces dernières années de nombreux responsables politiques de droite, comme Jean-François Copé, l'actuel patron de l'UMP, ou l'ancien ministre de l'intérieur Brice Hortefeux.
© Mediapart
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D'après les éléments recueillis par Mediapart, un administrateur de biens immobiliers français, Jean-Pierre G., a déboursé plusieurs millions d'euros pour acquérir les parts de la villa du cap d'Antibes, sans se préoccuper de savoir si elle était placée sous séquestre judiciaire ou non... Ce serait avec cet argent, obtenu miraculeusement, que Ziad Takieddine est parvenu à acquérir son passeport diplomatique.
Contacté par Mediapart, l'administrateur de biens concerné par l'affaire a répondu :
« Je n'ai rien à vous dire. Mais ce n'est pas à Ziad Takieddine que j'ai acheté cette société. » En effet, Ziad Takieddine a toujours pris soin de placer des hommes ou des femmes de paille (un garde du corps, sa sœur, un domestique...) à la tête de ces sociétés pour donner l'impression qu'il n'en était ni le gérant ni le propriétaire.
Seulement voilà, un procès-verbal de police du 18 octobre 2011 établit précisément l'étendue du patrimoine immobilier de Ziad Takieddine, en France et à l'étranger, et déconstruit tous les montages
offshore utilisés pour en dissimuler le bénéficiaire économique ultime.
« L'ensemble des actifs détenus par Ziad Takieddine, via des société françaises et étrangères, a été évalué par lui-même le 23 octobre 1998 à 97,2 millions d'euros », notait le policier dans ce PV.
Cela fait bientôt un an que Ziad Takieddine semble vouloir, par tous les moyens, trouver un point de chute hors de France, selon d'autres documents en possession de Mediapart. En septembre 2012, alors qu'il lui était déjà interdit de se rendre à l'étranger, des négociations avaient été engagées par le marchand d'armes avec un notaire de Casablanca concernant l'achat, pour 4,2 millions d'euros, d'une magnifique propriété baptisée “Villa Jeannette VI”, que Ziad Takieddine voulait renommer “Dar Samira”. Sauf qu'à cette époque, l'homme d'affaires n'avait pas réussi à réunir les moyens de ses ambitions immobilières marocaines.