Dijon : L’ONU dénonce la vétusté du squat Bertillon (Le Miroir - Le Bien Public)

« Un Hôtel 0 étoile que les demandeurs d’asile appellent ‘maison’ à Dijon ». Le Haut commissariat aux réfugiés, la branche de l’ONU dédiée à la protection des réfugiés dans le monde a publié ce lundi 03 juin 2013 une galerie photo et un article sur le squat Bertillon. Cet ancien abattoir, « humide et infesté de rats », héberge environ cent demandeurs d’asile, originaires du Tchad, du Mali de Somalie ou encore de Géorgie ou du Kosovo.

« Dans ce bâtiment vide, les tuyaux fuient et l’électricité fonctionne de manière sporadique », explique l’auteur de ces lignes sur le site de l’ONU. « Il n’y a qu’un seul lavabo, deux robinets d’eau potable, aucune salle de bain et aucune cuisine ». Pour l’organisation, ce squat illustre « la situation critique de l’hébergement pour demandeurs d’asile en France ».

« Un « Hôtel » 0 étoile que les demandeurs d’asile appellent « maison » à Dijon

La France est l’une des principales destinations pour les demandeurs d’asile en Europe, avec quelque 55 000 nouvelles demandes d’asile en 2012. Compte tenu du nombre croissant de demandeurs, beaucoup de villes françaises sont confrontées à une pénurie sévère d’hébergements pour demandeurs d’asile.

Le gouvernement essaie de s’attaquer à ce problème et a annoncé, en février 2013, la création de 4 000 places supplémentaires dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile financés par l’État. Cependant de nombreux demandeurs d’asile sont toujours obligés de dormir à la rue ou d’occuper des bâtiments vides. L’un de ces bâtiments, surnommé « Hôtel Réfugiés » par ses occupants de passage, se trouve dans la banlieue de la ville de Dijon, dans l’est de la France. Il illustre la situation critique de l’hébergement.

L’ancien abattoir héberge environ 100 demandeurs d’asile, originaires principalement du Tchad, du Mali et de Somalie, mais aussi de Géorgie, du Kosovo et d’autres pays d’Europe de l’Est. La plupart sont des hommes seuls, mais il y a aussi deux familles.

Dans ce bâtiment vide, froid, humide et infesté de rats, les tuyaux fuient et l’électricité fonctionne de manière sporadique. Il n’y a qu’un seul lavabo, deux robinets d’eau potable, aucune salle de bain et aucune cuisine. Les demandeurs d’asile dorment dans les anciennes chambres froides. Les autorités ont essayé de fermer le squat plusieurs fois. Ces images, prises par le photographe britannique Jason Tanner, montrent l’état épouvantable du bâtiment et représentent les personnes qui l’appellent leur maison ».

Marion Chevassus

Le squat Bertillon à Dijon est un lieu de vie improvisé pour demandeurs d’asile. Il y a quelques jours, une galerie photo dénonçait sa vétusté sur le site du HCR.

L’air est humide, le sol parsemé de flaques. L’odeur, désagréable. Un cadre insalubre, le squat Bertillon. Jadis une boucherie industrielle, il sert depuis un an de refuge à une centaine de demandeurs d’asile, à Dijon. Ce lieu de vie s’est retrouvé, la semaine dernière, sur la page d’accueil du site Internet du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Un organisme qui agit principalement en Afghanistan, au Tchad, en Colombie, en République Démocratique du Congo, au Pakistan, en Irak et dans les pays voisins, et au Soudan. Peu en France. Et c’est pourtant Dijon qui se retrouve épinglé, le temps d’une galerie de photographies, par le HCR.

Dénonciation internationale

Derrière l’objectif, Jason Tanner, 42 ans, un photographe indépendant britannique, habitué à travailler pour le HCR sur la thématique des réfugiés et immigrés. A la demande du HCR, début mars, il s’est immiscé dans l’intimité précaire de ces femmes et hommes, débarqués à Dijon et venus du Tchad, de l’Érythrée, du Mali… Pour fuir guerres et persécutions, pauvreté et avenir bouché. « Le HCR souhaitait faire un état des lieux de la situation en France et ils tenaient à relater l’exemple dijonnais », raconte Jason Tanner, actuellement au Cambodge. En 2012, la France était le deuxième pays d’Europe, vers lequel se tournaient les demandeurs d’asile. Et la Bourgogne a enregistré 1 373 demandes, un taux important pour la province.

La galerie de photographies, toujours consultable, présente le site comme un « hôtel 0 étoile » et un bâtiment « vide, froid, humide, infesté de rats ». Jason Tanner montre une maison bien misérable. Il n’y a ni cuisine, ni salle de bain et un seul lavabo. Des visages hagards, des sourires parfois. Les demandeurs d’asile dorment dans les anciennes chambres froides, entassés, sur des matelas qui jonchent le sol, crasseux.

Les autorités dijonnaises ont réagi discrètement à cette dénonciation internationale. Le Préfet n’a pas souhaité s’exprimer. Il a néanmoins précisé que des « décisions seraient prises dans les prochaines semaines ». « Nous étions au courant de la venue du photographe et sommes conscients de la situation », explique le cabinet de François Rebsamen, maire de Dijon. « La situation n’est pas de notre fait, car il s’agit d’un squat. Mais elle n’est pas acceptable », poursuit le cabinet.

« Avec ces photos, j’ai voulu montrer les personnes qui y vivent et les conditions qu’elles endurent. J’ai ressenti beaucoup de compassion et de frustration. Ils ne rencontrent ici que de la déception face au manque de soutien offert », déplore Jason Tanner. Quant aux associations, elles craignent que l’effet escompté soit inversé : une fermeture prochaine du squat Bertillon. « Le lieu est indigne et insalubre, mais c’est mieux que la rue. Si demain la préfecture ordonne son évacuation, nous serons très inquiets du sort de certain d’entre eux », réagit Paul Guarrigues. Sur les 82 demandeurs d’asile squattant actuellement rue Bertillon, 22 seraient relogées directement, 30 bénéficieraient d’un accueil de nuit, et 28 resteraient sans solution. Paul Garrigues s’en désole : « Quand on n’a plus rien, la seule identité, c’est d’avoir un endroit pour se poser, poser ses affaires et se sentir chez soi. » Même quand son chez soi prend des allures d’“hôtel 0 étoile” ».

Léonie Place