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 Tartufferie des sondages web : la preuve par l’exemple sur France 3 (Acrimed)

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Tartufferie des sondages web : la preuve par l’exemple sur France 3 (Acrimed) Empty
MessageSujet: Tartufferie des sondages web : la preuve par l’exemple sur France 3 (Acrimed)   Tartufferie des sondages web : la preuve par l’exemple sur France 3 (Acrimed) EmptyMer 25 Déc - 8:09

Concomitamment au développement du Web 2.0, certaines émissions du petit écran, surfant sur la tendance de l’interactivité, ont de plus en plus recours à l’organisation de sondages via Internet, comme nous l’avions déjà relevé à propos des « questions du jour ». Destinés à venir couronner l’enchainement de reportages et/ou de débats en plateau, les questions posées sont censées recueillir l’opinion des téléspectateurs en temps réel et fournir ainsi un éclairage qui se voudrait des plus tranchants, le plus souvent sur des questions de société. Sans s’arrêter sur l’intérêt de la démarche, qu’arrive-t-il lorsque ces sondages sont organisés sans aucune sécurisation autour de la constitution du panel ? Pris au dépourvu, les présentateurs du Grand Soir 3, mis devant le fait accompli, ont été forcés de l’apprendre… à leurs dépens.

Le 27 novembre, la Cour d’appel de Paris confirmait le licenciement pour « faute grave » d’une salariée de la crèche privée Baby loup, au motif que celle-ci refusait d’ôter son voile pendant sa période de travail. Le soir même, le Grand Soir 3 revient sur l’affaire et propose à ses téléspectateurs de se prononcer, via Internet, sur la question : « Être licencié pour port du voile au travail vous choque-t-il ?  ».

Profitant du lancement que constituait le débat autour de ce sujet organisé sur son plateau, le présentateur Louis Laforge enchaîne : « À propos de licenciement, j’aimerais vous donner la réponse à la question ». Il s’interrompt, d’un air inquiet et apparemment chatouillé par ce que lui glisse la régie dans son oreillette, et poursuit : « … euh, euh, non, je ne vous donne pas la réponse à la question car nous ne l’avons pas encore, il y a énormément de votants ce soir, euh… », avant de reprendre, visiblement un peu troublé, le débat avec les invités sur le plateau, comme on peut le voir sur cette vidéo en ligne.

En fin d’émission, Patricia Loison déclare : « Et alors, juste une info pour nos téléspectateurs, Louis, vous n’avez pas pu donner la réponse tout à l’heure, à la question du Grand Soir 3 qui était : « Être licencié pour port du voile au travail, cela vous concerne-t-il, cela vous choque-t-il ? », nous n’avons pas pu donner la réponse à la question, à cause d’une activité anormale ce soir sur le site de FranceTV info ». Et son acolyte d’ajouter : « Oui, qui ressemble en gros à du piratage  ».

Le « sondage » en question s’était soldé par 83,1 % de réponses positives, 15,8% de réponses négatives et 1 % ne se prononçant pas. Le fait que les résultats n’aient pas été révélés en direct lors de l’émission avait alors suscité des accusations de censure. Des accusations que reprend en substance Bruno Roger-Petit lorsqu’il va jusqu’à réclamer des explications de France TV et même du CSA ! [1]

Le lendemain, 28 novembre, le « pirate » s’exprimait dans [une tribune publiée sur le site al-kanz, intitulée « France TV : comment j’ai participé massivement à un énième sondage sur l’islam », dans laquelle il avoue être « à l’origine d’un vote massif sur le site de Francetvinfo.fr à la question du jour » et explique les méthodes et le fondement de sa démarche :

« J’ai simplement voté un peu plus que la normale. Á l’heure où je me suis rendu sur le site de FranceTV, vers 22h50, le vote pour le « oui » était à 69 %. [...] Une demi-heure plus tard, sans recourir à une quelconque technique illégale, le plus simplement du monde, j’avais voté un peu plus de 64 000 fois. Le site de France Télévisions n’a subi aucun dommage ni aucune intrusion. Il ne s’agit pas d’un piratage comme l’ont indiqué hier les journalistes de France 3. Ma grand-mère aurait pu le faire. »

Expliquant que n’importe quel internaute est en mesure de voter plusieurs fois dans le cadre de tels sondages, en se contentant de supprimer le cookie du site qui publie le sondage, il précise avoir « simplement automatisé cette pratique et réussi à mener à plus grande échelle ce que l’internaute polyvotant fait manuellement, sans [s]’introduire, […] frauduleusement sur le site de FranceTV  ». Il ajoute un peu plus bas : « Je n’ai fait qu’utiliser une technique reproductible par n’importe qui à l’aide d’un navigateur Internet (Chrome ou Firefox) et une extension appelée IpFlood  ».

On apprendra d’ailleurs, de la plume de Fabrice Epelboin le surlendemain, qu’il s’agit là d’ « une pratique très courante : l’Astroturfing [qui] consiste à faire croire à un « effet de foule » là où n’en existe aucun ou à simuler un « engagement » autrement plus conséquent que ce qu’il est en réalité, et peut avoir des objectifs variés. Le plus simple est de faire croire à un mouvement d’opinion là où il n’y en a pas. » [2]

Notre « pirate » a donc fait la preuve en pratique de l’incongruité de ce type de dispositif médiatique lorsque le site à l’origine du sondage ne prend pas le soin de sécuriser la clôture du panel. Mais il ne se contente pas d’une telle critique technique, forcément partielle. Il continue en s’interrogeant sur l’objectif de ces sondages et y en répondant par une analyse à laquelle notre association pourrait facilement souscrire :

« Est-ce que ce type de sondages a pour objectif de réellement savoir ce que pensent les Français ? Non, je ne le crois pas. Il s’agit d’un énième moyen de buzz. On va poser une question, de préférence la plus polémique possible, afin de susciter la réaction et le partage chez les visiteurs. Ces sites d’information utilisent le trafic et l’audience créés comme moyen de monétisation. Sur une chaîne comme BFMTV, qui court après l’information trash, je veux bien à la rigueur. Mais sur un service public comme France 3, c’est inacceptable. […] Mon but n’était surtout pas de cacher ma démarche, mais au contraire de pousser le système de vote jusqu’à son absurdité pour qu’on prenne conscience de sa nature viciée.  »

Ces sondages ne se caractérisent donc pas seulement par leur absence de valeur scientifique, ce qui a pu être démontré en direct, mais radicalisent en la rendant quasi-instantanée la fonction idéologique des sondages d’opinion, telle qu’elle avait été mise en évidence par Pierre Bourdieu dès les années 1970 : construire et mettre en scène une « opinion publique » afin de légitimer telle ou telle politique menée, et ce sur n’importe quel sujet.

Les médias dominants étant largement imperméables à la critique de leurs pratiques, même les plus contestables et contestées, cette démonstration n’a pas empêché un journal comme le Midi Libre de retomber dans la tentation du sondage web en organisant un nouvelle « enquête » via son site Internet au lendemain des propos du maire UMP de Roquebrune-sur-Argens (Var) sur les Roms. Désireux de ne pas laisser passer la chose après la publication de la tribune du « pirate », le site al-kanz en appelait alors à réagir pour rappeler à l’ordre le quotidien [3].

Si l’on peut saluer cette démarche, tant Acrimed n’a pas cessé depuis sa création de critiquer le simulacre de démocratie qu’implique l’usage intensif des sondages d’opinion, nous avons toutes les raisons de craindre, malheureusement, que cela ne sera pas suffisant. En effet, seule l’intervention active et la plus large des citoyens, contestant la monopolisation de l’espace public par les politiciens professionnels et les « grands » médias, pourrait marginaliser le sondage d’opinion en tant que dispositif visant à « faire l’opinion » [4].

Notes :

[1] Voir son article : « Un sondage sur l’affaire Baby-Loup censuré sur France 3 ? La chaîne doit s’expliquer », publié le 28 novembre 2013.

[2] Fabrice Epelboin, « Trucage de « sondage » sur France 3 : la presse découvre l’Astroturfing », publié le 29 novembre 2013.

[3] Voir l’article : « Roms : la question brûlante de Midi Libre », 5 décembre 2013.

[4] Voir l’ouvrage classique de Patrick Champagne : Faire l’opinion, Paris, Minuit, 1990.

Nils Solari
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