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 Egypte: l'armée sort victorieuse du référendum constitutionnel (Médiapart)

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Egypte: l'armée sort victorieuse du référendum constitutionnel (Médiapart) Empty
MessageSujet: Egypte: l'armée sort victorieuse du référendum constitutionnel (Médiapart)   Egypte: l'armée sort victorieuse du référendum constitutionnel (Médiapart) EmptyVen 17 Jan - 12:32

Le texte a été réécrit à la dernière minute par les militaires qui consolident leur emprise sur le pays.

Pour un plébiscite, Abdel Fattah Al Sissi et ses supporteurs s’attendaient sans doute à mieux. Avec un taux officiel de 38 % de participation, l’homme fort de l’Égypte, qui a laissé entendre qu’il considérerait l’approbation de la constitution par référendum comme une invite à se présenter à l'élection présidentielle, a certes mobilisé plus d’électeurs que ne l’avait fait avant lui le frère musulman Mohamed Morsi : un an plus tôt, ce dernier n’avait réussi à déplacer que 32 % du corps électoral pour faire adopter sa constitution. Mais Abdel Fattah Al Sissi n’a pas non plus mobilisé la majorité de l’opinion.

Comme pour réclamer un soutien plus massif, le ministre de l’intérieur Mohamed Ibrahim a d’emblée demandé aux Égyptiens de sortir en masse dans la rue le 25 janvier pour « célébrer l’anniversaire de la révolution et protester contre les Frères musulmans ». Un appel clair à plébisciter à nouveau le général Al Sissi.

Bien que les chiffres officiels annoncent une victoire du « oui » à 97,7 %, le moins que l’on puisse dire est que les Égyptiens ne se sont pas déplacés en masse, les 14 et 15 janvier, au regard des moyens déployés pour leur permettre de se rendre aux urnes. On compte au moins 14 morts au cours des deux jours de vote, 60 blessés, plus de 400 arrestations, sans compter la répression sans précédent menée depuis des mois pour rendre ce scrutin possible et dont les chiffres exacts restent inconnus. Rien qu’au cours des trois vendredis précédant le vote, la police a arrêté 703 manifestants hostiles au référendum et en a tué 27 selon les propres chiffres du ministère de l’intérieur et de celui de la santé.

Cette répression fait écho aux efforts déployés par les membres du « comité des 50 » chargés de rédiger la constitution, qui ont, quant à eux, pour mieux hâter la tenue du scrutin, laissé les militaires falsifier le texte constitutionnel.

Le 16 décembre dernier, un mois avant le vote, Mohamed Abul Ghar, président du parti social démocratique et membre du comité, a en effet révélé sur la chaîne privée Al Tahrir les dessous surréalistes de l’établissement du texte :


La scène se passe après que les rédacteurs, à l’issue d’un dernier vote, ont adopté la version finale du texte. Pour célébrer la fin de leurs travaux, les forces armées ont invité les 50 membres du comité à dîner. L’ambiance est festive. Dans l’euphorie, personne ne songe à ouvrir les exemplaires imprimés du nouveau texte distribués discrètement à la fin du dîner par les militaires. Sauf l’évêque Antonios, représentant de l’Église catholique au sein du comité. À la lecture du préambule, le prélat sursaute : « Ils ont changé notre texte ! écume l’ecclésiastique. Ils ont remplacé " régime civil " par " gouvernement civil " ! »

« C’était la consternation générale, avoue Mohamed Abul Ghar en direct. On était tous mécontents. Amr Moussa, le président du comité est arrivé, il nous a dit " mais non ", je ne sais quoi, il a baragouiné deux trois choses et il est parti. » Et pour cause : en remplaçant « régime civil » par « gouvernement civil », on lève tout obstacle juridique à l’élection d’un militaire ou d’un religieux à la tête de l’État, a affirmé au journal Ahram Online le directeur du département de droit public de l’Université du Caire, Refaat Fouda.

« On a convenu que j’allais rendre cette affaire publique, et raconter ça aux médias. Mais en même temps, personne n’a voulu faire de vagues, car il fallait absolument que le référendum se tienne et que le texte soit adopté. Donc, on est tous partis comme ça », dit Mohamed Abul Ghar.
Mais c’est de la fraude ! La constitution est falsifiée ! s’indigne la présentatrice.
Je ne veux pas tout envoyer en l’air : il faut que le référendum ait lieu, répond l’homme politique.
— Vous êtes quand même un peu spéciaux, vous les libéraux, ose la journaliste. Vous ne laissiez rien passer aux Frères musulmans quand ils étaient au pouvoir, vous envoyiez tout valdinguer dès qu’il y avait quelque chose et là il y a fraude et "pour que les choses avancent", "pour aller de l’avant", allez c’est pas grave, on passe sur ça !
— On est tous d’accord qu’un petit groupe a manœuvré en coulisses avec Amr Moussa, le président du comité, pour changer le texte en cachette. »

La revanche de « l'Etat profond »

Selon Mohamed Abul Ghar, cette entourloupe aurait eu pour but d’apaiser les salafistes, pour qui « civil » équivaut à « laïc », et de s’assurer qu’ils fassent campagne pour le « oui ». L’homme politique se garde d’évoquer les intérêts de l’armée tout en avouant des « pressions de l’État profond ».
« L’Etat profond, j’aimerais bien en attraper un pour voir à quoi ça ressemble…, s’exclame son interlocutrice. C’est grave ce que vous dites !
C’est pas grave, c’est la vérité. C’est tout. Qu’est-ce que vous voulez y faire ?
— Et Amr Moussa, il en dit quoi ?
— Il veut juste clore le sujet, il ne veut pas de problèmes. »

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Manifestation en juillet en faveur du général Sissi. © (Reuters)

Niée depuis par les membres du comité, la scène a été confirmée par l’évêque Antonios. Pourtant, par-delà le rejet des Frères musulmans et la popularité incontestable du général Sissi, la plupart des partisans du « oui » que l’on pouvait croiser mercredi 14 et jeudi 15 décembre dans les rues du Caire sont sincèrement convaincus que la nouvelle constitution les protégera de la corruption, de la violence, et permettra à terme d’améliorer leurs conditions de vie. Une telle confiance n’est pas étonnante, tant la répression féroce, une censure et une propagande sans pitié ont rendu inaudibles et invisibles les partisans du « non ».

Mais comme l’explique l’Initiative égyptienne pour les droits des personnes (EIPR), ONG locale auteur d’un rapport au vitriol, non seulement ce texte n’apporte pas d’avancée significative en matière de libertés publiques et individuelles, mais il comporte sur plusieurs points des régressions notables.

En matière économique et sociale, il constitue selon l’EIPR un véritable recul. Il supprime une disposition établie par Nasser en 1964, qui prévoyait que 50 % des membres du parlement soient des ouvriers et des paysans. Si cette disposition, victime de la corruption générale, servait depuis longtemps les affidés du régime d’Hosni Moubarak et les « barons » de province, elle demeurait, depuis la révolution et en l’absence de vrai parti organisé représentant ces catégories de la population, la seule garantie de voir les classes laborieuses présentes sur les bancs de l’Assemblée nationale.

Le texte supprime aussi le Conseil économique et social créé par les Frères musulmans en 2012, et qui devait permettre aux ouvriers, aux paysans, et aux représentants syndicaux de différentes professions, de participer à l’élaboration des politiques publiques en matière économique, sociale et environnementale. Le document, qui restreint significativement les libertés syndicales, dans la droite ligne de la constitution rédigée par les Frères (seul un syndicat officiel est autorisé par profession, ils sont interdits dans la police et dans l’armée), est selon l’ONG « une machine à produire de la pauvreté et de l’appauvrissement ».

Quant aux droits rétablis par la nouvelle constitution (des articles interdisant l’insulte aux prophètes et limitant les libertés ont été supprimés), le texte échoue à garantir ces libertés fragiles parce qu’il laisse leur interprétation au législateur.

Les libertés d’expression, de manifestation, le droit d’accès à l’information, la vie privée sont directement menacés par les vastes pouvoirs maintenus aux forces armées en matière de sécurité nationale et de politique étrangère. Les dispositions déjà prises par le gouvernement par intérim, qui a fait voter une loi qui restreint lourdement le droit de manifester, et cautionné des milliers d’arrestations arbitraires ainsi que la diffusion de conversations privées d’activistes à la télévision, illustrent la fragilité du système juridique en vigueur dans un contexte où l’armée domine le jeu politique.

En déclarant que toute « dispute avec un agent des stations-essence Wataniya (qui appartiennent aux forces armées) » conduirait directement devant un tribunal militaire, le chef de la justice militaire a levé toute ambiguïté sur l’interprétation extensive que les forces armées font de l’article 204, qui maintient les tribunaux militaires pour les civils. En ce sens, conclut le rapport de l’EIPR, les carences du texte sont « plus graves et plus lourdes de conséquence » que celles de la constitution de 2012.

Une telle trahison des idéaux de la révolution n’aurait pas été possible sans le zèle des élites politiques et judiciaires en faveur des militaires. Abdel Fattah Ibrahim, président de la Fédération syndicale officielle (ETUF), a ainsi fait campagne pour le « oui » à la constitution auprès des 4 millions de membres de son organisation, alors même qu’il s’était retiré du comité des 50 pour protester contre la suppression du quota de 50 % de paysans et d’ouvriers à l’Assemblée nationale.

Si l’on ajoute à cela le rôle des juges qui ont systématiquement inculpé les activistes qui faisaient campagne pour le « non », celui des représentants de l’État et des municipalités qui ont organisé la campagne pour le « oui » avec des fonds publics, c’est toute une élite politique qui a prouvé sa hâte de voir les militaires arriver au pouvoir, avec l’appui inconditionnel des médias.

Les vainqueurs : armée, magistrature et police

Il ne faut donc pas s’étonner que le principal mérite de la nouvelle constitution soit de renforcer, aux dépens du président et du parlement, les pouvoirs des trois grands corps qui ont œuvré activement au départ de Mohamed Morsi : l’armée, la magistrature et la police. Les militaires, qui ne sont plus désormais dépendants du gouvernement, et dont le budget reste secret, décident eux-mêmes du ministre de la défense. La Haute Cour constitutionnelle nomme elle-même son propre président, et le procureur général est lui aussi désigné par les magistrats. Un Conseil suprême de la police doit être consulté en cas de projet de loi concernant la police.

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Bureau de vote au Caire. © (dr)

Entériner l’ordre ancien, maintenir la domination de l’État, de l’exécutif et des institutions religieuses sur le corps social, dresser, enfin, les bases juridiques d’un régime militaire : voilà la véritable teneur du nouveau texte constitutionnel. Réaffirmer la pérennité d’un ordre social qui permet à une classe politique largement corrompue de dominer un pays de 80 millions d’habitants, tels auront été les véritables enjeux de cette mascarade électorale.

Par-delà leurs cris d’orfraie face au moralisme islamiste, cet épisode d'une nouvelle constitution montre combien les « libéraux » communient avec les Frères musulmans dans un même mépris pour les demandes de la révolution. « Ce référendum apporte une nouvelle pierre au mur intouchable de la sécurité d’État », a commenté la journaliste égyptienne Sarah Carr.

Claire Talon

Boîte noire

Claire Talon est une journaliste indépendante basée au Caire. Elle a été correspondante du journal Le Monde jusqu'en juillet 2013. Arabisante, spécialiste du Proche-Orient, elle a publié en 2011 un livre remarqué, Al Jazeera, liberté d’expression et pétromonarchie, aux Presses universitaires de France.
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