L’Histoire nous fait parfois des clins d’œil amusants. Le hasard est curieux et provoque les choses, comme dit la chanson. A moins que la Présidente du Tribunal qui fixa cette date fut une femme facétieuse, mais connaissant ses classiques. C’est donc le 6 février, date ô combien importante dans l’Histoire de la longue lutte entre l’extrême droite et la République, au tribunal de Béthune, qu’aura lieu le procès entre
Jean-Luc Mélenchon et
Marine Le Pen à propos du faux-tracts que cette dernière avait fait diffuser durant la campagne législative de juin 2012. Durant ce procès,
Jean-Luc Mélenchon une nouvelle fois sera défendu par Me
Raquel Garrido, qui est aussi secrétaire nationale du Parti de Gauche, avec son confrère Me
Erwan Lorvellec. Me Garrido, pour avoir défendu son client et usé de toutes les palettes du métier d’avocat, s’est vu poursuivre par la présidente du FN, ce qui est inédit.
Vous pouvez toujours signer la pétition pour le
retrait de la plainte contre celle qui est désormais mise en examen et citée devant le tribunal correctionnel où elle sera défendue par Me
Galina Elbaz.
De l’autre côté,
Marine Le Pen sera classiquement défendue par Me
Wallerand de Saint-Just, actuel candidat FN à la Mairie de Paris et trésorier national du FN. Il aura utilisé toutes les ficelles pour faire perdre du temps à la justice, allant jusqu’à demander que le Tribunal de Béthune soit dessaisi de ce dossier, car considéré (pour des raisons assez floues) comme favorable à son adversaire. Mais, assez logiquement, aujourd’hui, la
« requête en suspicion légitime » (c’est ainsi que l’on nomme ce type de demande), qu’il avait déposée au nom de sa cliente
Marine Le Pen a été rejetée par la Cour de Cassation. Le procès de la présidente du FN aura donc bien
lieu jeudi 6 février. Il faudra s’attendre à des étincelles durant l’audience, à laquelle sera présent
Jean-Luc Mélenchon (il y a fort à parier de M
me Le Pen elle se défile) et durant les plaidoiries des deux avocats.
De quoi s’agit-il ? Je vous invite d’abord à regarder cette vidéo (1
er post) où
Jean-Luc Mélenchon décrit l’essentiel des mauvaises manières dont il a été la victime.
Faux tracts : Le Pen contre la démocratie ! par lepartidegaucheJe précise ci-après quelques points pour ceux qui prendraient totalement le train en route et pour lesquels la petite vidéo ci-dessus n’aurait pas suffit. Voici donc en quelque sorte
« L’Histoire du faux tract d’Hénin-Beaumont pour les Nuls ».Tout commence le 29 mai 2012, des militants du Front de Gauche habitants Montigny en Gohelle (62) et engagés dans la campagne législative de
Jean-Luc Mélenchon, constatent que dans leur commune, dans des rues pavillonnaires généralement peu fréquentées, des personnes accompagnées par une camionnette blanche de marque Citroën, diffusent parfois de la main à la main aux gens qu’ils croisent, mais surtout glissent rapidement dans les boites aux lettres, un curieux tract où était imprimé le visage de
Jean-Luc Mélenchon suivi du texte
« Il n’y a pas d’avenir pour la France, sans les arabes et les berbères du Maghreb ». Sous cette phrase était écrit
« Votons Mélenchon » et une autre phrase écrite en arabe. Totalement anonyme, ne comprenant pas l’adresse de l’imprimeur, où même la mention
« vu, le candidat » pourtant obligatoire pour tout matériel électoral, ce tract pour chaque électeur non avertis de la circonscription apparaissait à l’évidence comme un matériel électoral fabriqué par l’équipe de
Jean-Luc Mélenchon ou des gens qui le soutiennent et appellent à voter pour lui.
Les militants du Front de Gauche de la commune qui connaissent bien les tracts et affiches utilisés ont rapidement compris que ce matériel jamais vu jusque-là, rédigé sur un fond vert (pour évoquer l’Islam sans doute), ne correspondait pas au matériel électoral validé par
Jean-Luc Mélenchon et son équipe de campagne. Inquiets des conséquences de cette « entourloupe », plusieurs d’entre eux se retrouvent dans une rue pavillonnaire où ces drôles de diffuseurs étaient encore. En s’approchant d’eux ils reconnaissent clairement des militants du FN, et non des moindres, puisque parmi eux se trouvait un dénommé
Louis-Armand de Béjarry, actuel secrétaire national à l’encadrement et aux fédérations du FN et candidat en 2014 pour le FN
aux élections municipales à Maubeuge, à quelques kilomètres de là. Grace aux téléphones portables des uns des autres, des photos sont prises de cette fine équipe de « pieds nickelés » du FN qui se regroupent autour de la camionnette blanche. Elles ont été communiquées à la justice et seront montrées à l’audience. De plus, derrière le pare-brise de ce véhicule, un panneau bien visible indiquait
« DPS Le Blanc » et un numéro de téléphone (qui correspondait au téléphone d’un responsable du FN). Je rappelle que le DPS est le
« Département Protection Sécurité » soit le nom du service d’ordre du FN. Sans doute que cette camionnette avait été louée par le Front national, mais l’enquête (fort mal menée par les forces de police assez peu diligente dans ce dossier) sera un peu bâclée sur ce point. Qu’importe ce détail, pour l’essentiel tout est clair. Le parti de
Marine Le Pen a été pris la main dans le sac ! Les militants du Front de Gauche iront aussitôt porter plainte contre cette tentative de manipulation. Car, cela en est une évidente. La suite le prouvera.
Dès lors, à cette étape, reprenons dans l’ordre et avançons déjà quelques affirmations importantes
A l’occasion d’une élection, il n’est pas légal pour un candidat de diffuser et faire diffuser du matériel électoral qui vise clairement à empêcher les électeurs de faire un vote sincère en les trompant sur l’origine d’un tract. Cela s’appelle une
« manœuvre frauduleuse ». Concrètement, on ne peut fabriquer un matériel anonyme appelant à voter pour un autre candidat, sans son accord et sans le tenir au courant. C’est logique, car tout appel au vote doit être intégré dans les comptes de campagne du candidat concerné. Donc formellement, si les militants du FDG n’avaient pas surpris le FN la main dans le sac de cette manœuvre, la fabrication de ce tract aurait dû être imputé aux comptes de campagne du candidat Mélenchon. Honteux, non ?
La loi est très claire sur ces sujets.
Selon l’article 226-8 du Code pénal :
« Est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait de publier, par quelque voie que ce soit, le montage réalisé avec les paroles ou l'image d'une personne sans son consentement, s'il n'apparaît pas à l'évidence qu'il s'agit d'un montage ou s'il n'en est pas expressément fait mention. Lorsque le délit prévu par l'alinéa précédent est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »De plus, selon
l’article L. 97 du Code électoral :
« Ceux qui, à l'aide de fausses nouvelles, bruits calomnieux ou autres manœuvres frauduleuses, auront surpris ou détourné des suffrages, déterminé un ou plusieurs électeurs à s'abstenir de voter, seront punis d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 15 000 euros. »Mais, l’histoire ne s’arrête pas là et la suite des évènements est particulièrement intéressante. Publiquement, suite à cette affaire, durant la campagne, à l’occasion de deux émissions télévisées, Mme
Marine Le Pen reconnaitra que c’est bien elle qui a fait fabriquer ce matériel électoral frauduleux. Ainsi, après avoir dit sensiblement la même chose sur le plateau de Canal +, le 2 juin 2012, sur France 3 Nord, au sujet de cette histoire, elle déclarera
« Si j’avais voulu faire ça en secret, je n’aurais pas envoyé mes 100 militants en plein jour, je l’assume totalement ». Elle rajoutera à l’attention de
Jean-Luc Mélenchon :
« Si je n’avais pas fait ça personne n’aurait su ce que vous pensez ». On ne peut donc être plus claire. Par la suite, son entourage, par exemple
Steeve Briois Secrétaire Général du FN, pressentant les problèmes judiciaires que cette affaire va entrainer, et les possibles condamnations, seront moins fier-à-bras devant des caméras sur cette histoire cherchant à l’attribuer à d’autres personnes que le FN. Mais, qu’importe. La Présidente du FN ne peut plus se dérober. Elle devra rendre compte de ses actes devant la justice.
Faux-tracts à Hénin-Beaumont - Les aveux de... par lepartidegaucheEt enfin, au-delà des évidentes effractions à la loi que représentent la fabrication clandestine et mal intentionnée d’un tel tract, en quoi, si l’on essaye de suivre le raisonnement du FN, il permettrait à l’électeur de mieux connaitre ce que pense
Jean-Luc Mélenchon ? En rien, strictement rien et même au contraire. Car ce bout de phrase, sorti de son contexte, déforme la pensée réelle et le sens du propos. Le FN qui déjà a affirmé lors de précédentes campagnes électorale que jean Jaurès ou Roger Salengro auraient voté FN s’ils étaient encore en vie, est un habitué de ce type de manipulation. Mais, allons au fond des choses. Premièrement, il s’agit de quelques mots extraits d’un long discours (magnifique d’ailleurs, peut-être le plus beau de toute la campagne présidentielle) d’une heure trente, prononcé devant plus de 100 000 personnes, sur les plages du Prado à Marseille le 14 avril 2012. C’est dire combien ce discours n’a rien de confidentiel, il a été de plus largement relayé par la presse. Il est donc absurde de prétendre qu’il serait nécessaire, pour le bien des électeurs, de faire connaitre des positions « cachées » du Front de Gauche et son candidat. Tâche inutile, elles sont toutes publiques. Par contre, si l’on s’intéresse au bout de phrase utilisé par le FN, il est nécessaire, quand on est honnête intellectuellement, de le replacer totalement dans son contexte et dans le développement sur les relations internationales que livrait le candidat du Front de Gauche. Voici le passage précis de son discours où Jean-Luc prononce cette phrase :
« Quand l’Union Européenne peut, parfois, faire tourner le regard vers les horizons lointains qui sont à l’est de notre continent, et si nous en sommes enchantés, il ne faut jamais oublier que le socle de l’identité républicaine de la Patrie est dans la Méditerranée, et que par conséquent, les peuples qui en sont riverains, tous, sans exception, mais en commençant par ceux avec lesquels nous sommes unis par les liens du sang, et avec qui nous fondons une même famille, non seulement parce que nous avons des enfants et des petits-enfants en commun, mais parce que nous avons aussi, pour nombre d’entre eux, en usage commun une langue qui nous appartient à tous, il faut se souvenir que les peuples du Maghreb sont nos frères et nos sœurs. Il faut répéter qu’il n’y a pas d’avenir pour la France sans les Arabes et les Berbères du Maghreb! »N’importe quel esprit qui n’est pas pollué d’un racisme les plus sombres, aura bien compris. Dans cette dernière phrase, il ne s’agit pas d’une position politique sur l’immigration, type épouvantail pour effrayer l’électeur mariniste comme un moineau, ou d’un appel à venir immigrer en masse en France (ce dont d’ailleurs les futurs immigrés n’auraient que faire pour prendre leur décision), mais d’une position politique, digne d’un potentiel grand Président de la République, sur le type de relations diplomatiques que la France doit construire au plus vite avec les autres peuples de la méditerranée. On voit donc clairement dans la petite entreprise FN la volonté de déformer, de salir, de calomnier, de faire peur. Indigne, ou du moins digne des traditionnelles méthodes dégueulasses du FN.
Et puis, allez, raisonnons par l’absurde.
Marine Le Pen accepterait-elle que l’on fasse de même avec ses propres déclarations ? Chiche. Une de mes amies maquettistes (merci à VC pour son agilité) s’est amusée à faire un tract que le
Front de Gauche, s’il avait voulu pratiquer les mêmes crapuleries que le FN, aurait pu diffuser durant la campagne législative. Ce « faux tract », que vous pouvez découvrir ci-dessous, fabriqué uniquement pour les besoins de cette démonstration par l’absurde, ne s’appuie que sur des propos authentiques de
Marine Le Pen données, il y a deux ans, en réponse à un journaliste du quotidien israélien
Haaretz, le 8 janvier 2011. La Présidente du FN, à la question du journaliste :
« Etes-vous prête, aujourd’hui, à dénoncer le régime du Maréchal Pétain et les crimes du fascisme français ? », répondra immédiatement :
« Absolument pas !».Voilà ce que le Tribunal de Béthune aura à juger jeudi 6 février.
Marine Le Pen doit être condamnée pour ses méfaits. C’est une question démocratique qui concerne tout le monde. Il n’est pas tolérable que le résultat d’une élection soit déformé par ce type de pression et d’enfumage. Sans compter que durant cette élection, dans cette seule circonscription, il y eut encore 6 autres tracts anonymes directement dirigés contre
Jean-Luc Mélenchon. Ce n’est donc pas seulement aux quelques lampistes, présents le 29 mai 2012 dans ces ruelles, pris la main dans le sac, de payer, mais bien au commanditaire : la présidente du FN en personne. D’autant qu’elle a paradé sur les plateaux TV en assumant ces magouilles. La République doit montrer que tous ceux qui prennent la responsabilité de travestir l’issue d’un scrutin doivent être sanctionnés. Sans quoi, cela fera tâche d’huile et dans d’autres élections, le FN bidouillera. De plus, cette affaire est la claire illustration que la « dédiabolisation » du FN avec laquelle on nous casse les oreilles depuis son arrivée à la tête du FN en janvier 2011, n’est qu’une sordide opération de com’. Le FN n’a pas changé. Les mêmes pratiques demeurent. Il reste le parti des coups tordus et des insinuations calomnieuses, sur fond de racisme exacerbé. Condamner Marine Le Pen pour ce faux tract, c’est défendre la République. Tout simplement.
J’invite enfin tous les lecteurs de ce billet qui ne l’auraient pas déjà fait
à signer la pétition « Pour des élections honnêtes ». Voir le 2
ème post.