Le cumul des mandats a du bon pour les communes et associations amies du sénateur-maire de Dijon
François Rebsamen. Elles profitent, en 2012, d’un petit jackpot, soit un million d’euros tirés de la fameuse
réserve parlementaire, la cagnotte annuelle des députés et sénateurs évaluée à 90 millions d’euros. Une somme importante dont on connait désormais en partie la destination depuis que la transparence est de mise sur l’attribution de ces fonds publics.
S’il n’est pas l’un des plus gros bénéficiaires – il ne figure pas dans le top dix – de cette tradition encore discrète, le président du groupe PS au
Sénat se situe juste derrière le peloton de tête sans pour autant atteindre les 6 millions de Bernard Accoyer, président de l’
Assemblée nationale ou les 3 millions de Gille Carrez, président de la Commission Finances à l’Assemblée ou François Marc, rapporteur de la Commission des Finances au Sénat.
Près de la moitié pour DijonLa manne d’1,053 853 milllion d’euros n’oublie pas la Ville de Dijon. Située en 9e position du
classement du quotidien Le Monde des dix villes les plus choyées par les dernières réserves parlementaire et ministérielle en 2012, la Cité des Ducs reçoit 450.000 euros pour ses grands projets d’écoquartiers notamment. En effet, 200 000 euros iront à la réhabilitation de la halle Bonnotte en espace culturel théâtral dans le futur écoquartier de l’Arsenal, 200.000 autres euros iront alimenter la réhabilitation du bâtiment des Tanneries dans la future écocité du Jardin des Maraîchers.
Enfin 50.000 euros serviront à la mise en place d’une signalétique au musée des Beaux-Arts, en travaux jusqu’à la rentrée 2013. En juin 2013,
il assurait n’aider que les communes avec un montant maximal de 15.000 euros…
En regardant de plus près, on découvre même que François Rebsamen subventionne des projets en Martinique, Loire-et-Cher et Lozère. Il est le seul parlementaire du département, à attribuer des subventions en dehors de son fief politique, en raison de son rang au sein de l’institution.
En Côte-d’Or, qui donne quoi ?De manière presque logique, les parlementaires répondent favorablement aux dossiers de projets présentés par des communes de leur bord politique, et la plupart n’oublient pas d’asseoir un peu plus leur pouvoir en préférant la circonscription dans laquelle ils pourront être réélus. C’est le jeu, et même la règle. Ainsi,
Claude Darciaux alloue un tiers de ses 12.000 euros à la commune dont elle est maire et le restant à une commune de la circonscription dont elle est la représentante au Palais Bourbon.
Rémi Delatte verse 177.000 euros à la seconde circonscription dont il est le représentant à l’Assemblée,
Bernard Depierre, l’ex-député UMP de la 1e circonscription dispense près de 244.000 euros,
Alain Houpert sénateur-maire de Salives, 160 000 euros et
Alain Suguenot, député-maire de Beaune, 69.500 euros.
Mais où sont donc passés
François Sauvadet et
François Patriat ? Le premier, ministre de la Fonction publique jusqu’au changement de majorité en 2012, à sans doute largement profité de la réserve ministérielle. Pas moins de 550.000 euros ont été distribués à ce titre. À en croire le quotidien Le Monde, la Côte-d’Or est même le quinzième département le mieux doté de France en 2012. Rien que ça. Il convient d’y ajouter le don de 20.000 euros de Bernard Accoyer et le compte est bon.
François Patriat est lui dans une situation un peu différente. L’ancien ministre de l’Agriculture, et président du conseil régional de Bourgogne est aussi membre de la commission des finances au Sénat. Or, avant d’être majoritaires, les socialistes avaient décidé que l’enveloppe globale du groupe politique serait répartie entre les vice-présidents de commissions. Dès lors, si un sénateur souhaitait soutenir un projet local, il remontait le dossier au vice-président PS de sa commission. Dans le cas de François Patriat,
il s’agissait d’Odette Herviaux, et Raoul Daniel.
Seulement, le document rendu public par le ministère de l’Intérieur fait apparaitre deux noms : Françoise Cartron et Nicole Bricq. En 2012, elles étaient respectivement vice-présidente déléguée du groupe socialiste et apparentés et rapporteure générale du Budget du Sénat. Nicole Bricq attribuera 94.978 euros aux projets du département et Françoise Cartron 77.767 euros. À mettre au compte de François Patriat donc.
La réserve parlementaire, un privilège caché ?La cagnotte annuelle de l’Assemblée provient des fonds publics. En revanche elle n’est soumise à aucun vote en amont (si ce n’est le montant total national annuel) et aucun contrôle n’est exigé en aval. En résumé, les parlementaires font ce qu’ils veulent de la somme, le but général étant d’aider les petites communes aux moyens de ces subventions exceptionnelles.
C’est ce que dénonçait Karine Berger, députée PS des Hautes-Alpes en juin dernier dans un article du Nouvel Obs intitulé Dix députés en colère : Abolissons nos privilèges (
voir ici) : « Les députés peuvent toujours la verser à des associations proches d’eux ou à des communes de leur bord politique. (…) Je ne connais pas d’autres sommes publiques dont la justification de l’utilisation n’est pas exigée. »
Si depuis peu, l’attribution des sommes aux communes provenant de la réserve parlementaire est accessible à tout un chacun, il reste que les sommes versées aux associations restent impossibles à connaître. La couverture du secret masquerait-elle des conflits d’intérêts ? C’est ce qu’a soulevé en octobre 2012 le quotidien national indépendant Médiapart avec le cas du député François Grosdidier (Voir
ici) subventionnant sa propre association. Un sujet
qui a également intéressé Owni, spécialisé en décorticage de données. Le sénateur Philippe Marini – gros utilisateur de la réserve et
soupçonné de conflit d’intérêts également – avait appelé au calme et à la confiance en mars 2013 : « Faisons un peu confiance aux représentants du peuple ».
Marion Chevassus