De la traque vidéo-assistée aux crottes de chien à l’affaire Snowden, l’espionnage va bon train.
Il s’en passe de drôles pendant les vacances. En plein mois d’août, Yves Jégo, maire de Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne), a fait savoir que les caméras de surveillance de sa ville seraient désormais mises à contribution pour repérer et verbaliser les propriétaires de chiens indélicats qui omettraient de faire déféquer leurs compagnons à quatre pattes dans le caniveau.
En voilà une idée qu’elle est bonne ! À défaut de contribuer à faire baisser la délinquance, ces très chers accessoires, censés nous protéger de l’insécurité publique, révéleraient ainsi leur véritable et orwellienne mission : être des outils de surveillance traquant les incivilités des administrés. Non ce n’est pas une blague, celui qui fit un passage éclair au secrétariat d’État à l’Outremer dans le premier gouvernement Sarkozy est tout ce qu’il y a de sérieux. Faute de recettes pour résoudre le chômage et la crise, il est fier d’en avoir une pour remplir les caisses municipales : avec une soixantaine de caméras et quinze policiers municipaux chargés du visionnage, à 35 euros la contravention, la chasse aux crottes de chien va rapporter !
Plus sérieux, pendant la trêve estivale, les révélations ont continué sur les pratiques douteuses de la NSA en matière de respect de la vie privée. L’agence de renseignement américaine a beau se défendre, prétendre ne s’intéresser qu’à 1,6 % des données circulant sur Internet et n’en sélectionner que 0,025 % pour examen approfondi, les documents fournis par Edward Snowden et les dires de certains apportent chaque jour la preuve du contraire. Selon le Wall Street Journal, grâce à des accords passés avec les opérateurs de télécoms, elle serait en mesure de filtrer 75 % des communications extérieures et intérieures, via une douzaine de nœuds internet dans le pays. The Guardian a de son côté dévoilé l’existence d’un programme Tempora, grâce auquel la NSA et le GHCQ, l’agence de renseignement électronique britannique, aspireraient méthodiquement un bon quart du trafic mondial transitant par les câbles transatlantiques concentrés près des côtes anglaises.
Cerise sur le gâteau, selon les documents Snowden analysés par Der Spiegel, la NSA espionnerait également depuis 2012 les échanges entre diplomates via le système de visioconférence des Nations unies.
Histoire de prouver qu’elle n’agit pas hors de tout contrôle, l’agence a avoué ne pas être sans failles. Elle a admis que quelques agents utilisaient parfois illégalement ces interceptions pour surveiller des partenaires amoureux, mais qu’ils étaient dûment sanctionnés. À la demande de l’administration Obama, elle a déclassifié des documents attestant qu’elle s’était fait taper sur les doigts par le Foreign Intelligence Surveillance Court (FISC). Ce tribunal spécifique, qui autorise les interceptions motivées par la sécurité d’État, a déclaré illégal un des programmes qui avait permis, pendant trois ans, de collecter les correspondances de quelque 56 000 citoyens américains. Rassurant ? Pas vraiment. Le programme, qui semble avoir été modifié pour mieux discriminer les Américains, a donné lieu, toujours d’après les documents de Snowden épluchés par The Guardian, à des remboursements de frais consistants – plusieurs millions de dollars – pour les géants du Net. Une preuve, s’il en fallait, de leur étroite collaboration.
Après étude des audits internes qui ont fuité, le Washington Post affirme que les incidents sont plus fréquents qu’on ne veut bien le dire : 2 776 collectes non-autorisées ont été répertoriées dans les douze mois précédents. Sur les 195 jugées contraires à la loi, 60 sont dues à des « erreurs » des opérateurs, 67 à des erreurs informatiques et 39 à des procédures non autorisées.
Ces révélations indisposent, en particulier celles concernant le rôle du GCHQ qui a fait pression sur The Guardian. Le compagnon de Glenn Greenwald, le journaliste qui a le premier écrit sur l’affaire Snowden, a été interpellé à l’aéroport, détenu pendant neuf heures et son ordinateur a été confisqué. Et la direction du journal a préféré accéder aux demandes de l’agence et détruire le disque dur contenant les documents. Lesquels avaient bien évidemment été dupliqués et transmis au préalable à d’autres journaux dont le New York Times, qui annonce d’autres articles à venir…
Christine Tréguier