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 Avant de passer devant le jury et de rentrer vraiment (Jean-Luc Mélenchon)

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Avant de passer devant le jury et de rentrer vraiment (Jean-Luc Mélenchon) Empty
MessageSujet: Avant de passer devant le jury et de rentrer vraiment (Jean-Luc Mélenchon)   Avant de passer devant le jury et de rentrer vraiment (Jean-Luc Mélenchon) EmptySam 31 Aoû - 8:37

Ce dimanche je suis l’invité de l’émission « le grand jury » sur RTL. J’y réserve l’essentiel de ce que j’ai à dire et on verra bien si les questions qui me sont posées me permettent de le faire. Je vous y donne donc rendez-vous. C’est vraiment la rentrée. Le rythme a été très soutenu pour moi depuis la publication de mon interview dans « Le journal du Dimanche », le 19 aout dernier. Le choc aussi. C’est pourquoi j’ai décidé de laisser comme post mon interview au « Journal du Dimanche » sans revenir davantage à mon clavier. Il importait pour moi que ceux qui suivent mon activité et mes prises de position accèdent facilement à ce que j’ai dit réellement plutôt que de les savoirs contraints d’en rester aux seuls commentaires de comédie qui ont suivi mes propos. Avant mon arrivée à Grenoble j’ai aussi répondu au « Dauphiné » qui a largement couvert la présence de nos « Estivales » en Isère. Sur place j’ai fait deux conférences : l’une sur la révolution citoyenne au remue méninge du Parti de Gauche, l’autre sur l’OTAN aux estivales du Front de gauche et deux discours très (trop) longs en conclusion des deux cycles de rencontres. Ils m’ont dévoré de travail de préparation. Comme tout cela est encore disponible et que j’en mentionne les liens, j’estime que je n’ai pas rompu ce contact avec mes lecteurs sans lequel mon activité intellectuelle serait mal calée. En ce moment je suis immergé dans la préparation de l’émission de dimanche « Le grand jury ». Et une actualité nous a sauté sur les genoux : celle des retraites et celle des évènements en Syrie. Je vais argumenter mon avis. On vient d’y travailler. Car une longue vie d’engagements et d’intérêts les plus hétéroclites ne suffisent pas. Chaque dossier doit être mis à jour et assimilé. Sur chaque question heureusement je suis entouré de spécialistes de haut niveau professionnels ou « amateurs ». Et les commissions du parti ont déjà repris leur activité. Mais ne rêvons pas : à la fin il faut lire, noter et discuter car c’est comme ça qu’on apprend. Et il faut savoir se passionner. La mémoire est un affect. C’est mon secret.

D’une façon générale le gouvernement Hollande s’en tient à un suivisme penaud : libéralisme et atlantisme pour tout potage. Dans les deux domaines, celui de l’économie et celui de la politique étrangère c’est le même pauvre pédalage entre les artifices de communication, les naufrages ignorés et les incohérences. Un seul message reste : « no future ». Tout cela ne va nulle part. Le service de la dette comme horizon, comme projet, comme ultime raison d’agir en tout domaine sur tous les sujets. Et pour cela picorer avec entrain dans la main du Medef. Dans l’arène mondiale, le voici rendu à occuper la place de l’ineffable Tony Blair que ses compatriotes avaient nommé « le caniche de Busch » en raison de son aveuglement et de ses mensonges en faveur de la guerre en Irak. Ni les allemands ni les anglais, à qui il reste un parlement, ne veulent de cette guerre ni même de cette « punition » bredouillée par François Hollande qui se retrouve à présent au diapason avec les faucons nord-américains. J’en dis ici quelques mots avant dimanche. Je parle aussi de la réforme Ayrault des retraites. A la fin, je reviens sur la contre-offensive nécessaire face à Manuel Valls. Mais pour ce qui est des municipales ce n’est pas le jour pour moi. Sinon pour demander à tous ceux qui m’écoutent de bien comprendre que l’expéditeur des provocations a une adresse : la rue de Solférino. En rajouter et tenailler les plaies du Front de Gauche, ce serait leur servir la soupe.

Je crois bien que les bons amis nord-américains de François Hollande avaient oublié de le prévenir qu’il y avait débat sur le sujet outre atlantique. A présent Obama montre publiquement son peu d’enthousiasme pour une nouvelle expédition gesticulatoire. Car, bien évidemment, cette histoire de ligne rouge à propos de l’usage des armes chimiques est un argument de circonstance. Ces armes ont été employées dans la région déjà à plusieurs reprise sans déclencher des réactions de ce type. Il est vrai que cet usage venait du camp des actuels accusateurs. La question posée est d’ordre régional. Que d’objectifs sont en jeu ! Une collection de nœuds gordiens… Tiens par exemple en voici un : peut-on, par cet appât, attirer les Iraniens dans le guêpier de façon à disposer d’un argument pour frapper leurs installations nucléaires ? Rude engrenage en perspective. Il est normal qu’il y ait débat dans les états-majors. Et comme il n’est pas question, cette fois-ci d’aller, comme au Mali, tirer des lapins qui ont le bon gout de se ranger sagement en colonne en plein désert dans leurs Toyota, ni les militaires ni les diplomates français ne sont non plus très chauds. A reculons, un pédalo est bien moins maniable qu’on pourrait le croire. Voici donc le vaillant capitaine proposer une « punition » qui « ne soit pas un changement de régime » juste après avoir prétendu vouloir le contraire depuis des mois et le jour même où il reçoit en grande pompe le chef de « la seule représentation légitime du peuple syrien ». Le raisonnement et la suite de ma vision des choses dimanche au « Grand Jury ».

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Les embrouilles du plan Ayrault contre les retraites

La façon d’annoncer le plan retraite a été particulièrement réussie si le but était, comme je le crois, d’empêcher le débat. Tout y est passé. Cela a commencé avec un discours ultra technique du premier ministre passant d’un sujet à l’autre avec d’habiles enfumages. Puis cela s’est prolongé par un perlage d’annonces découpées en séquences de façon à empêcher la vue d’ensemble d’un tableau. Il s’est pourtant lourdement modifié avec le discours de Moscovici au Medef. A présent on le sait : tout le coût de l’opération ne pèsera que sur les salariés et les jeunes. Donc, François Hollande a confirmé les réformes Fillon et Sarkozy des retraites. Et il les a aggravées. Pour la première fois un gouvernement qui se réclame de la gauche assume un recul des acquis sociaux  Pour l’essentiel de ce que je veux noter à cet instant, il prévoit en particulier un nouvel allongement de la durée de cotisation exigée des salariés pour avoir droit à une retraite complète. Après Hollande, il sera donc encore plus difficile de partir à la retraite avec une pension complète qu'après Sarkozy. Et bien sur, mécaniquement les pensions baisseront ! Car de plus en plus de salariés partiront à la retraite sans avoir cotisé aussi longtemps qu'exigé, compte tenu du chômage de masse. Ils seront donc frappés par une décote, c'est-à-dire une réduction de leur pension.

Pourtant, cette réforme des retraites n'a pas vraiment de sens. Ni d’urgence. Hollande et Ayrault sont incapables de prévoir la croissance des prochains mois. Mais ils prétendent imposer une régression sociale sur la base d'un déficit prévu pour 2020. Dans sept ans ! Surtout, si Ayrault et Hollande prévoient un déficit des régimes de retraites en 2020, c'est qu'ils ne croient pas eux-mêmes en leur politique. Car si la courbe du chômage s'inverse et que la France renoue avec le plein-emploi, il n'y aura pas de déficit des caisses de retraites en 2020. Le nombre de travailleurs cotisants suffira. En annonçant un déficit en 2020, Hollande avoue sans le dire qu'il ne tiendra pas sa promesse et que le chômage continuera d'augmenter.

Pourtant, si on créait trois millions d'emplois en dix ans, le déficit des régimes de retraites n'existerait pas. Cela ferait rentrer 24 milliards d'euros dans les caisses de retraite. C'est possible ! Entre 1997 et 2002, en cinq ans, deux millions d'emplois ont été créés en France. Pourquoi n'y arriverions-nous pas de nouveau dans un délai double ? Le programme du Front de Gauche prévoit la création d'au moins trois millions d'emplois nouveaux. Je l'ai expliqué pendant la campagne présidentielle, lors de mon discours de Lille, le 27 mars 2012. Pour cela, il faut relancer l'activité par le partage des richesses et planification écologique. Selon les chercheurs regroupés dans le réseau Negawatt, la seule transition écologique peut créer environ 700 000 emplois d'ici 2020.

François Hollande ne fait cette réforme que pour obéir aux injonctions de la Commission européenne. Le Commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaire, le Finlandais Olli Rehn l'a encore rappelé dimanche 25 août dans une interview au « Journal du Dimanche ». Olli Rehn appelle à davantage de libéralisme et d'austérité : "La France a engagé des réformes structurelles qui vont dans le bon sens. Mais elle ne va pas assez loin et assez vite dans leur mise en œuvre". Puis il rappelle les engagements pris par François Hollande et exerce le traditionnel chantage de la Commission : "Nous vous avons accordé deux années pour ramener le déficit sous la barre des 3% en échange de cet engagement. La Commission attend des résultats sur trois fronts". Premièrement "la compétitivité", c'est-à-dire de nouveaux cadeaux aux actionnaires. Deuxièmement, "une ouverture du marché des services qui reste protégé par des barrières à l'entrée avec encore trop de professions réglementées et que le transport ferroviaire et l'énergie, où EDF et la SNCF conservent un quasi-monopole, s'ouvrent à la concurrence". Enfin, "la France doit faire preuve de plus d'audace aussi dans la réforme en cours de son système de retraite et maintenir le cap sur la réduction de ses déficits". Le proconsul ayant parlé aux administrateurs de la colonie que nous sommes à ses yeux, tout est dit ! Hollande n'a plus qu'à exécuter. Ce qu’il fait en qualité de « bon élève de la classe Europe » comme il s’en est vanté.

Pourquoi la commission veut-elle cette réforme ? C’est l’extension du domaine du marché qui est l’enjeu. Comme d’habitude. Le durcissement des conditions d'accès à une retraite à taux plein va encore pousser les salariés à épargner pour se payer un complément de retraite. Le nouveau président du MEDEF ne s'y est pas trompé. Pierre Gattaz s'est engouffré dans la brèche. Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde du 22 août, il a exigé l'introduction d'une "dose de retraite par capitalisation". Le MEDEF se sent pousser des ailes. Il peut. Les solfériniens leur cèdent tout ce qu’il veut.

Ainsi, Hollande lui a donné raison sur l'allongement de la durée de cotisation. Pourtant en 2003, à la tribune du congrès de Dijon du PS, le premier secrétaire de l'époque, François Hollande, s'opposait fermement à cet allongement ! Souvenir ! Souvenir ! : « Le projet du gouvernement Raffarin appelle trois refus majeurs de la part des socialistes". Le premier c’est "le refus d’une philosophie qui consiste à demander aux salariés de travailler plus longtemps pour gagner moins. L’allongement de la durée de cotisation : 40 ans, 41 ans, 42 ans et davantage encore si c’est nécessaire, c’est la position du MEDEF". Aujourd'hui Hollande prétend que l'allongement de la durée de cotisation est "la mesure la plus juste" comme il l'a dit le 22 juin dernier à l'ouverture de la deuxième conférence sociale. Et Jean-Marc Ayrault a confirmé mardi 27 août que la durée de cotisation serait encore augmentée jusqu'à 43 ans ! Maints bons esprits disent : oui mais c’est pour dans quelques années. Accepter la règle de la durée de travail qui devrait augmenter parce que la vie rallongerait est une défaite intellectuelle pour aujourd’hui. Et c’est aussi aujourd’hui que les jeunes générations reçoivent ce magnifique cadeau pour leur futur : il leur faudra attendre 67 ans pour avoir une retraite. Autrement dit plus le temps avancera plus leurs conditions de vie se dégraderont. Magnifique message d’ambition pour le futur ! Nos syndicats appellent à manifester le mardi 10 septembre. Nous devons être au travail pour mobiliser.

Manuel Valls peut être stoppé

Manuel Valls « contaminé par Marine Le Pen » comme l’a titré le JDD ? Bien sur il y avait bien d’autres titres possibles : ceux qui ont lu le texte le savent bien. Mais le titre choisi par le « Journal du dimanche » pour mon interview de rentrée a frappé juste. Le rôle de manuel Valls est l’épicentre de la nouvelle étape de la dégénérescence du PS. En parlant "cru et dru", j'ai libéré la parole contre la politique de Valls dans la gauche. Aussitôt toute une série de responsables ont pu dire ce qui leur brulait les lèvres depuis plusieurs mois. Razzy Hamadi, député PS (Le Figaro, 21 août) : « Ce qui me désespère, c'est la médiocrité intellectuelle avec laquelle ont été abordées les questions de l'immigration, de l'Afrique et de l'islam au cours de ce séminaire (…) Manuel Valls ne rend pas service à la gauche en mettant au centre de la rentrée les questions de l'immigration, du voile à l'université ou de la compatibilité de l'islam avec la démocratie. ». Eva Joly, dans « Le Parisien » du 22 août : « Valls marche dans les pas de Sarkozy en recherchant l’inflation pénale. Il marche sur la corde raide du populisme. Son funambulisme idéologique est dangereux. ». Pascal Canfin, ministre du développement (Le jdd.fr, 21 août) :« Je ne vois pas comment, si Manuel Valls était Premier ministre, nous pourrions participer au gouvernement. ». Pascal Durand, secrétaire national EELV (Mediapart, 21 août) : « On ne choisit pas les contraintes dans lesquelles on agit. Autrement dit : nous n’avons pas choisi Manuel Valls comme ministre de l’intérieur. Manuel Valls, c’est le discours sécuritaire démagogique qui ne marche nulle part. Il faut que Manuel Valls cesse d’être le porte-parole des syndicats les plus conservateurs de police. Il est dans le corporatisme et se comporte comme le ministre de la police. Il oublie qu’il est ministre de la République et qu’il a vocation à porter l’intérêt général. ». Jean-Vincent Placé, sénateur EELV (BFMTV, 21 août) : "Je trouve quand même assez paradoxal que celui qui veut incarner l'ordre républicain au sein du pays crée à la rentrée un tel désordre au sein du gouvernement". Seule la « gauche » du PS est restée muette sur le fond. Dommage. Les investitures aux municipales sont plus exigeantes que les principes ?

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Dans ce contexte, il n’est pas vrai que les dirigeants communistes aient marqué leur distance avec mon analyse politique du personnage. La première réaction face aux tentatives tellement banales faites pour nous opposer fut celle d’Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF qui assurait de plus la permanence de la direction du parti cette semaine-là puisque Pierre Laurent était en vacances. Sa déclaration ne laisse aucun doute. Pour lui la gauche et même la République sont en cause avec Valls. Le 18 aout il déclare sur BFMTV : « L'outrance est plutôt du côté du ministre de l'Intérieur, parce que l'été de Manuel Valls est un été funeste, à la fois pour la gauche et pour la République. Jean-Luc dit aujourd'hui ce que le peuple de gauche ressent, c'est-à-dire une exaspération, une déception immense. Il n'y a pas une feuille de papier à cigarette entre Jean-Luc Mélenchon et nous sur l'analyse de la situation, le diagnostic ». On ne peut pas être plus clair. Ce n’est pas une mise en scène. Dartigolles fait partie des gens que le comportement du ministre de l’intérieur met très mal à l’aise. En ce qui concerne Pierre Laurent, sur le fond il n’a pas été moins clair. Il accuse même Manuel Valls d’être sur des positions inverses de celles de la gauche : « L'été de Manuel Valls a été calamiteux. Que ce soit sur la sécurité, l'islam, la réforme pénale ou le regroupement familial, ses déclarations sont à l'opposé des valeurs de la gauche. » A l’opposé des valeurs de la gauche !

Ce déferlement à ma suite est un résultat de ma prise de parole sans fard. Son onde de choc est largement arrivé dans la salle de la plénière à la Rochelle où, en dépit du travail des placiers, le ministre de l’intérieur fut copieusement sifflé. Jusqu'à ce jour, personne n'osait rien dire. Valls a donc procédé à une escalade constante dont l’omniprésence médiatique de cet été constituait une apogée. Il s’agit de sa part d’un plan muri, méthodique et organisé, appuyé par des moyens et des réseaux, en vue du pouvoir. C’est bien son droit. Mais c’est bien le nôtre de vouloir l’en empêcher. Exactement comme l’a dit Pascal Durand, le dirigeant d’EELV ! Car si l’avenir du PS en plus du social-libéralisme, c’est le discours sécuritaire, le désastre moral et politique déjà si profondément engagé tournera à la tragédie simple. Je ne me soucie pas du sort du PS, on s’en doute. Il ne peut plus être redressé autrement que par un séisme électoral de très grande magnitude. Je pense aux dommages qu’il provoque dans l’esprit public et dans la construction de la conscience politique de ceux qui se repèrent sur lui. N’oublions jamais que le premier résultat de la politique de Hollande est de valider les thèses économiques et politiques de la droite. Le premier dommage est ainsi dans les consciences. Il crée du dégout, de la résignation et sème des mots qui fleurissent ensuite dans la cour de madame Le Pen. Le discours et la pratique de Valls valide les thèses de Marine Le Pen, ses arguments simplistes, ses préjugés. C’est la technique bien connue de communication mise au point par les « Démocrates » américains et les blairistes : passer sur le terrain sémantique de l’adversaire, lui piller son vocabulaire. Ce procédé est appelé la « triangulation ». Il est censé neutraliser l’adversaire et lui disputer son autorité dans le domaine considéré. Le résultat est une confusion totale du champ politique. Mais c’est surtout un empêchement majeur de la souveraineté de l’électeur mis dans l’impossibilité de distinguer et donc de choisir en connaissance de cause. Cela est considéré comme sans importance par tous ceux pour qui, de toute façon, il n’existe pas d’alternative politique mais seulement des compétitions de personnes pour accomplir « la seule politique possible ». Manuel Valls a fait ce qu’il a voulu, des mois durant, sans aucune protestation de ceux qui auraient du en faire les premiers : les socialistes.

Il est aussi à l’origine des principales décisions qui ont pourri toutes les relations entre le gouvernement, le parti solférinien et le reste de la gauche. C’est son représentant, Luc Carnouvas, qui est chargé des relations extérieures du parti de Harlem Désir. Et c’est lui qui a mis toute son énergie à ourdir des manœuvres et des pressions pour disloquer le dispositif du Front de Gauche. C’est tout un système que cet homme. Sa ligne stratégique est sans mystère. Il l’a exprimée en long et en large dans un livre en 2008 puis dans la primaire. Platement battu par le vote des primaires il est revenu par la fenêtre des complots de cour. Il veut et il est parvenu à déplacer profondément a droite le curseur solférinien dans la géographie politique de notre pays. En phase avec l’évolution du social libéralisme européen, il veut assumer la rupture avec l’histoire et les principes de la gauche. Tout ceux qui ont de la culture politique le savent en dépit des efforts des communicants pour faire du cas Valls un simple moment people de la politique et une aventure purement personnelle. Mais, certes, c’est aussi d’abord un projet de pouvoir personnel. Il prend appui sur tous les poncifs dominant de notre temps. Et il avance. Le seuil qui se préparait a être franchi a l’occasion du conflit mis en scène contre Christiane Taubira nous ont  motivé. Qu’il l’emporte et l’une des toutes dernières digues aurait sauté. Nous étions en alerte. Au Parti de gauche, il y a des mois que nos camarades policiers, juges et avocats nous alertent. De leurs côtés les militants du secteur du travail social en faisaient autant, encore plus angoissés. Face à une stratégie méthodique et une offensive méthodique il faut un effet miroir.
 
Et cela commence par dire haut et clair ce qui se passe. A l'aile gauche du PS comme à Europe Ecologie-Les Verts, tout le monde regardait ses chaussures. J'ai joué le rôle du lanceur d'alerte. Les endormis et les timorés se sont réveillés. Le top départ a été très synchrone avec la tournée de résistance annoncée de Christiane Taubira dans les universités d’été des partis gouvernementaux. Les arbitrages en dépit de toutes leurs faiblesses nous donnent le point. Au minimum nous avons empêché Manuel Valls de l’emporter. La lutte paie.

Il est remarquable que, dans le flot des commentaires qui ont accompagné ma prise de position, personne n’ait songé à me demander sur quel point portait la « contamination » que je dénonce. Les pavloviens de la rue de Solférino se sont contentés de mugir en cadence. Je mets en cause un point bien précis. Un mot. Ou plus exactement une expression dont je sais que mes lecteurs comprennent toute la portée. Manuel Valls a grossièrement plagié Marine Le Pen. Il s'exprimait dans Le Parisien le 15 février 2013. Voici ce qu'il a déclaré : "Nous faisons face à un ennemi extérieur au Mali, nous faisons aussi face à un ennemi intérieur qui est le fruit d'un processus de radicalisation. Il part de la petite délinquance, passe par le trafic de drogue, parfois par la prison, jusqu'à la conversion à un islamisme radical et à la haine de l'Occident. Il y a en France aujourd'hui plusieurs dizaines de Merah potentiels". Il reprenait ainsi, sous une forme affirmative, les propos faussement interrogatifs de Marine Le Pen dans un meeting de la banlieue nantaise, le 25 mars 2012, quelques jours après les odieux assassinats de Toulouse et de Montauban. A l'époque, Marine Le Pen avait choisi de provoquer en faisant mine de s'interroger : "Combien y a-t-il de Mohamed Merah dans les bateaux qui chaque jour arrivent en France remplis d'immigrés ? Combien de Mohamed Merah parmi les enfants de ces immigrés non-assimilés ? Mohamed Merah n'est peut-être que la partie émergée de l'iceberg". Cette convergence ne peut être un hasard. Elle ne se limite pas au vocabulaire. C’est une vision commune qui s’exprime a travers la communauté des mots. L’expression « l’ennemi intérieur » est une bombe.

J’ai interpellé solennellement le président dans mon discours aux estivales a Grenoble. Accepte-t-il ce concept "d’ennemi intérieur" que professe son ministre de l’intérieur ? Car les propos de Valls dans Le Parisien ne sont pas un dérapage. Il a régulièrement dénoncé un prétendu "ennemi intérieur" depuis plusieurs mois, en particulier à l'automne 2012 au moment de l'examen au Parlement de la loi anti-terroriste préparée sous Sarkozy et reprise par Valls. Dès le 12 octobre 2012, il a même utilisé cette expression lors de son discours de clôture du congrès du syndicat de police Alliance : "La menace terroriste est bien là, présente sur notre sol (…), en particulier dans nos quartiers populaires. Des dizaines d'individus sont, par leurs profils, susceptibles de passer à l'acte. Cet ennemi intérieur, nous devons le combattre". Il l'a ensuite utilisé au Sénat le 16 octobre en précisant qu'il "emploie cette terminologie à dessein" en parlant d'un "ennemi de l'intérieur". Il a continué à utiliser cette expression, à la tribune de l'Assemblée nationale comme le 6 février 2013, et du Sénat comme le 28 mai 2013.

L'affaire est grave. Des citoyens français peuvent être des délinquants, des criminels, et même des traitres. De tout cela le pays est pourvu en effet, dans toutes les classes sociales. Mais pas des "ennemis intérieurs". Cette idée d'"ennemi intérieur" s'inscrit dans une logique globale. Celle du « choc des civilisations ». Cette théorie est celles des néoconservateurs états-uniens. Elle présente le monde comme organisés par des conflits durables entre grands blocs géopolitiques, grandes "civilisations". Elle cherche à assigner chaque individu à une "civilisation", les différentes civilisations reposant à la fin sur une religion. Dès le 23 octobre 2012 sur France Culture, Edwy Plenel alertait, assimilant Manuel Valls à "George Bush Junior". En désignant un "ennemi intérieur", Manuel Valls pousse à la suspicion généralisée. Et c’est bien nos concitoyens de confession musulmane qui sont dans l’œil du cyclone. Le discours du « Choc des civilisations », l'invention de l’opposition entre Islam et « Occident », ou sa variante « entre Islam et démocratie », visent à cela. Chaque Français de confession musulmane serait ainsi sommé de choisir entre sa fidélité à la République ou sa conviction religieuse. Cette logique de paranoïa généralisée est une bombe contre l'unité et l'indivisibilité du peuple français. Elle frappe aussi et d'abord nos compatriotes d'origine maghrébine, que Sarkozy repeignait en "musulman d'apparence" comme si la religion de quelqu'un se lisait sur son visage, qu'un maghrébin ne pouvait être chrétien, juif, athée ou agnostique ou qu'un blanc ne pouvait être musulman. Et ainsi de suite.

Cette théorie belliqueuse est radicalement incompatible avec les principes républicains des Français. En effet, la France n'est pas une Nation "occidentale". Elle est une nation universaliste. Les droits de l'Homme et les principes énoncés par la République depuis la Révolution française, "liberté, égalité, fraternité", ont une vocation universelle. L'idée laïque s'oppose aussi frontalement à l'idée de "civilisations" définies par des religions et par « l'assignation à résidence ethnique » des citoyens en fonction de leurs convictions religieuses ou philosophiques. J'ai déjà expliqué tout cela dans mon livre publié en réplique au discours de Nicolas Sarkozy, chanoine de Latran en 2008. Je n’ai pas changé d’analyse.

J'ai encore eu l'occasion d'en parler aux Estivales du Front de Gauche lors de l'atelier sur l'OTAN auquel je participais. Car l'idée selon laquelle il y aurait un "ennemi intérieur" a des conséquences stratégiques radicales. Elle entraine une confusion entre les tâches militaires de Défense et les tâches de sécurité intérieure, entre les missions de l'armée et celles de la police et du renseignement. S'il y a un "ennemi intérieur" alors c'est que nous sommes en guerre. Et si nous sommes en guerre, alors c'est l'armée qui doit être mobilisée. Et pour pousser la logique jusqu'à l'absurde, ce sont les tribunaux militaires qui devraient être compétents, comme aux Etats-Unis. Cette dérive policière de la doctrine militaire doit être combattue absolument. Il en va de la fidélité aux principes républicains et laïques. L’indépendance de la France au plan géopolitique est également concernée dans le contexte. Car, bien sûr, le conditionnement psychologique que travaille ce discours forme un tout avec le reste de la préparation au grand marché transatlantique, à la stratégie militaire qui l’accompagne, à la normalisation qu’il exige. Valls n’est pas un épiphénomène.
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