François et Nicolas sont dans un avion…
François a donc proposé à Nicolas de l’accompagner dans l’avion présidentiel, que Nicolas a fait construire et que François comptait utiliser, pour les conduire tous les deux aux obsèques de Nelson Mandela. Certains, certaines, s’abriteront derrière des questions de protocoles pour expliquer qu’une ligne rouge n’est pas franchie, que l’abjecte de la manipulation politique n’est pas atteint, que le masque d’une odieuse manipulation de communication n’est pas en jeu dans une comédie guignolesque juste honteuse. Tout simplement parce qu’en réalité cette invitation n’a rien de protocolaire mais tout du voyage d’affaires, ce genre d’affaires, de business dont François et Nicolas entendent tirer parti. L’un, François, l’autre, Nicolas, pour se montrer comme des pères de la nation française, capables de la réconciliation face aux grands drames que connaît le pays, face à ses difficultés qu’ils ont pourtant fait accroître ensemble en menant strictement la même politique. Ils cherchent donc à se paraître de l’aura d’un Mandela qui a pour de vrai réconcilié son pays, ils entendent s’instrumentaliser l’un et l’autre dans un grand élan
« d’union nationale ».François n’invite pas Nicolas pour une simple question de protocole. Le président de la république est maître de ses invitations, elles ne sont jamais anodines. Elles ont un sens éminemment politiques, toujours. François sait qu’il mène absolument la même politique que son prédécesseur Nicolas, il sait qu’il obéit à Barroso et au diktat d’une Europe strictement marchande.
Il est Atlantiste jusqu’au bout des ongles, aussi bien en cherchant à devenir le gendarme de l’Afrique, à l’instar de son grand frère américain, que le VRP européen du grand marché transatlantique. Comme Nicolas, François augmente la durée des cotisations retraites, défait le code du travail, renforce un patronat toujours plus enclin à demander plus chaque fois qu’il obtient encore et encore. Comme Nicolas, François sait qu’en se faisant il renforce les inégalités, il a parfaitement conscience qu’en 12 mois à peine les 500 plus grandes fortunes du pays France ont vu leurs richesses augmenter de 25%, le chômage progresser de 500 000 personnes toutes catégories confondues. Il sait, comme Nicolas, que les échéances électorales à venir seront catastrophiques, il a compris qu’il est le président de la république le plus impopulaire, comme Nicolas l’avait été avant lui. Alors il invite Nicolas à prendre l’avion avec lui pour se montrer différent en image: il est le président ouvert, tolérant qui réconcilie la nation face aux grands drames qu’elle traverse à la différence de Nicolas qui passait comme le faiseur de la fracture nationale.
Nicolas, lui, voit et comprend en quoi François marche dans ses pas. Nicolas voit et comprends son intérêt à forcer le trait d’une copie hollandaise qui lui ferait retrouver le prestige de l’original qu’il est.
Il voit bien comment tout le parti du président François est désormais caporalisé, totalement dépolitisé et obnubilé uniquement par les questions d’élections, de postes, de financements, de chefs, grands ou petits. Au PS aussi la politique n’est plus du tout la matrice mais bien plus sûrement la conservation ou la conquête de quelques positions « prestigieuses » et « narcissisantes » pour celles et ceux qui les obtiennent. Il voit Nicolas comment les candidats aux prochaines municipales socialistes parlent de sécurité et de « ras le bol fiscal ». Il voit Nicolas comment il peut engranger les fruits de la déroute idéologique totale du parti de François. Alors Nicolas accompagne François aux obsèques de Mandela. Puis il se ravise pour signifier une humiliation impitoyable, pour signifier que
l’original c’est lui et rien que lui!Pendant ce temps, des militants du parti socialistes regardent, incrédules, avec un sentiment amer. Ils ne veulent pas y croire. Ils ne l’avaient pas prévu ce coup là. Sans nul doute comprennent-ils que François et Nicolas n’ont même plus l’intention de faire semblant. Ils comprennent qu’entres eux, la seule vraie différence est dans le style, dans l’image des personnages, uniquement dans l’image des personnages. Ils ont les mêmes ministres de l’intérieur, de l’économie, du travail.
Ils ont les mêmes députés qui votent les mêmes lois. Ils s’offusquent ça et là ces militants pleins d’amertume. Protestent et revendiquent un émoi bien légitime. Trop c’est trop, ils ne font même plus semblant François et Nicolas. Les militants se rappellent alors du discours du Bourget et de la guerre à la finance: ils ont été trahis. Ils se rappellent des promesses de big bang fiscal: ils ont été trahis. Ils se rappellent de la promesse de renégociation du traité européen et d’un formidable volet croissance obtenu: ils ont été trahis. Ils se rappellent de ce jour où la TVA Sarkozy n’a pas vu le jour: ils ont été trahis. Ils se rappellent de ces plans sociaux qui ne feraient plus tomber les salariés comme des mouches: ils ont été trahis. Ils se rappellent de cette promesse d’une république accueillante qui n’instrumentaliserait plus ni les Roms, ni les autres pour parler sécurité: ils ont été trahis. Pourtant, au moment de prendre position réellement, concrètement, par les actes, ils se taisent et s’alignent finalement sur un premier socialiste local qui
vote l’allongement de la durée des cotisations ici, qui parle
sécurité là. Pourtant, au moment de renouveler une adhésion ils sortent leurs chéquiers et financent le parti de François qui invite Nicolas à prendre l’avion avec lui. Ils vont même jusqu’à moquer 100 000 braves qui, un 1er décembre, dénoncent une trahison dangereuse. Alors ils succombent à leur Désir et pinaillent un chiffre, une quantité, se reconvertissent
dans la statistique des manifestations. Ils sont mal à ce point là en vérité! Mal de voir un Larroutourou quitter le PS et
fonder une nouvelle alternative parce que le PS n’a plus aucune chance d’être crédible à gauche. Mal de voir les démissions anonymes qui arrivent en section, parce que le PS n’a plus rien d’une alternative à gauche. Mal de se voir
tel qu’ils sont finalement devenus, se cachant toujours derrière ce François qu’ils ont pourtant fabriqué pour avoir fait sa campagne. Nicolas, quant à lui, se sent plus fort que jamais et humilie François par un refus à l’invitation présidentielle.
Bref, François et Nicolas sont finalement dans deux avions…qui ne changent pas de cap.Sydne93