Lundi 12 mai 2014
SNCM, coup d’arrêt ?
Aujourd’hui se tient le Conseil d’administration de la SNCM qui aurait pour conséquence de mettre un coup d’arrêt à son plan de redressement, coup d’arrêt qui pourrait bien mettre un terme à tout espoir pour la survie de la SNCM qui assure la continuité du service public entre la Corse et le continent. Les actionnaires privés majoritaires à 66%, Transdev et Veolia, ne le juge pas réalisable…
En effet, l’Union européenne réclame 440 millions d’euros à la SNCM. Saisie en 2007 par le groupe italien Corsica Ferries, Bruxelles a jugé que des aides perçues pour le service “ complémentaire ” de desserte de la Corse ne compensaient aucun besoin réel de service public et ont procuré un avantage indu à la SNCM. « Complémentaires » parce qu’ils auraient permis d’intensifier le trafic l’été, sous-entendu et non le reste de l’année. L’été étant pour les touristes, le reste de l’année pour les usagers selon la Commission européenne.
Nous pouvons reconnaître effectivement, avec la Commission, que les usagers, et nous ne ferons pas de distinction entre les usagers, sont moins important l’été que l’hiver au vu des flux en période estivale. Les besoins (investissements, personnels) sont donc forcément plus importants l’été que l’hiver et pour autant nécessaires afin de faire survivre une activité en situation de concurrence déloyale. La SNCM assure la même qualité de service (régularité, horaires) en hiver qu’en été, principe du service public de continuité territoriale. Comment pourrait-elle assurer la même qualité de service toute l’année si elle ne faisait pas les investissements nécessaires à la période la plus intense ? 300 000 personnes vivent en Corse, et plus du quart des natifs corses vivent sur le continent. Ce qui génère des va-et-vient permanents. Ce service public est le garant d’un maintien d’une population à l’année sur l’île.
En vertu de la sacro-sainte concurrence loyale et non faussée, il est demandé à la SNCM de rembourser 440 millions. Pas grand monde ne va voir si Corsica ferries doit rembourser les aides qu’elle a, elle-même perçues, notamment par la Collectivité territoriale corse, par ailleurs cette dernière serait la bénéficiaire des 440 millions réclamés par l’UE (!)… Et surtout pas grand monde n’est allé voir les conséquences d’une concurrence déloyale organisé grâce au dumping social pratiqué par Corsica ferries, permis par un droit du travail à la carte. Les tenants de l’austérité sont bien plus préoccupés par une traque acharnée de ce qui pourrait ressembler une dépense de l’Etat (qui est actionnaire à 25% de la SNCM).
Pourtant on avait fini par y croire. L’Etat avait promis l’achat de 4 navires mixtes (à Gaz Naturel Liquéfié), un espoir aussi bien pour le fret que pour les passagers pour stabiliser l’activité avec une vraie ambition écologique.
Et bien non ! Après Veolia, c’est donc Transdev qui cherche à se retirer. Au détriment des 2500 salariés qui luttent pour un service public efficace dont l’utilité n’est pas à démontrer.
A qui la faute ?… L’Etat assure avoir déposé tous les recours nécessaires pour dénoncer la décision de la Commission et en attendant refuse de payer.
Aujourd’hui, ce que dénoncent les actionnaires, c’est la crédibilité de l’Etat dans cette affaire. En refusant de désobéir à l’Union européenne, l’Etat est dans une situation intenable. Qui va le croire ? Et surtout pourquoi oublier que Transdev est une filiale de la Caisse des dépôts, elle-même agissant pour le compte de l’Etat ? On retire d’une main ce qu’on donne de l’autre. Ce sont là des opérations incompréhensibles pour tous, au détriment de la notion d’intérêt général, à la fois social et écologique.
Aujourd’hui les choses semblent pliées. Transdev désavoue le directoire qui ne sera pas renouvelé et c’est le plan de redressement de la SNCM qui est mis à mal. Le but recherché ? une liquidation de la société qui serait un moyen de ne pas payer les 440 millions à l’Union européenne. C’est bien l’incapacité de l’Etat à prendre une décision forte qui manque ! Les actionnaires ne croient pas en sa capacité à être un Etat souverain… et ils ne prennent pas les risques que l’Etat refuse de prendre.
Et maintenant ?… on parle d’une société d’économie mixte à laquelle les collectivités pourraient participer. On en est à se demander si, avec la modernisation de l’Action publique, le gouvernement ne refilerait pas le bébé aux Régions, tant qu’à faire… Un peu comme un nouveau credo ! Donnons aux collectivités locales ce qui embête le monde, tout en leur reprochant d’avoir trop de fonctionnaires, de dépenser trop, pour faire mal ce que l’état refuse de faire.
Tout cela, parce que le gouvernement français refuse de désobéir à cette Europe libérale qu’il contribue à construire… Personne ne s’y trompe ! La faible participation prévue aux prochaines élections européennes du 25 mai, montre à quel point le doux mot d’ordre d’une « Europe sociale » est un leurre qui ne fonctionne plus.
En attendant, après cette énième déception de la part de l’Etat, sur les quais, pas grand monde n’y croit…
Encore quelques heures avant de connaître le nouvel épisode qui pourrait bien être le dernier pour les salariés.
Marie Batoux