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 8 millions de brésiliens pour une assemblée constituante (Florence Poznanski) + Brésil : les « nouveaux prolétaires » feront l'élection présidentielle (Médiapart)

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MessageSujet: 8 millions de brésiliens pour une assemblée constituante (Florence Poznanski) + Brésil : les « nouveaux prolétaires » feront l'élection présidentielle (Médiapart)   8 millions de brésiliens pour une assemblée constituante (Florence Poznanski) + Brésil : les « nouveaux prolétaires » feront l'élection présidentielle (Médiapart) EmptySam 4 Oct - 10:28

Vendredi 3 octobre 2014

8 millions de brésiliens pour une assemblée constituante

Du 1er au 7 septembre, 450 organisations politiques, sociales, syndicales et religieuses ont disposé plus de 40 000 urnes dans tout le pays invitant les Brésiliens à prendre part au référendum populaire pour une assemblée constituante visant à redéfinir les principes d’un système politique démocratique. La question était : êtes-vous pour une assemblée constituante exclusive et souveraine du système politique ? Une assemblée souveraine parce qu’elle est élue démocratiquement par le peuple et exclusive car ses députés constituants seraient exclusivement élus pour cette tâche et n’auraient aucune autre activité parallèle, comme cela a été le cas en 1986 où les constituants n’étaient autres que les mêmes députés du Congrès déjà élus.
 
8 millions de brésiliens pour une assemblée constituante (Florence Poznanski) + Brésil : les « nouveaux prolétaires » feront l'élection présidentielle (Médiapart) Plebiscito

Le résultat du vote a été annoncé ce 24/09 par la coordination nationale de la campagne : 7 754 436 Brésiliens, soit 5,44% de l’électorat ont voté et parmi eux 97,05% on dit oui à la constituante. Même si ce référendum n’a aucune légitimité juridique, il s’agit d’une grande victoire populaire qui a permis de démontrer qu’une portion significative de la population exige un changement dans le système politique actuel. Si l’on compare avec le dispositif, légal, de la proposition de loi d’initiative populaire, qui exige le soutien d’au moins 1% de l’électorat pour qu’un texte soit présenté au Congrès, la constituante dispose au final de cinq fois plus de force populaire.

Dans le cadre de cette campagne les mouvements sociaux veulent attirer l’attention sur quatre dimensions principales du système politique. Premièrement le système électoral qui autorise aujourd’hui la participation des entreprises privées aux frais de campagne ce qui favorise la victoire de candidats satisfaisant les intérêts du capital, transforme les campagnes électorales en espace publicitaire de propagande et alimente la corruption des pouvoirs publics. En 2012 les entreprises privées ont financé 95% des frais de campagne déclarés par les candidats. Ces frais sont en outre très inégalement répartis. Pour les élections présidentielles de 2014 par exemple, la campagne la plus chère est 3000 fois plus onéreuse que la moins chère. On estime en outre qu’à chaque real qu’une une entreprise investi dans une campagne électorale, elle récupère ensuite 8,5 reais en marchés publics. De cette manière le monde syndical, les mouvements sociaux, les femmes, les noirs, les indigènes, etc. restent inévitablement très sous-représentés au Congrès.

Parmi les autres dimensions à pointer on retrouve le renforcement de la participation populaire dans la prise des décisions et le contrôle de l’activité parlementaire ainsi que davantage de transparence et de contrôle de la part de Justice. Enfin la réforme du système médiatique, monopolisé par une poignée de familles conservatrices qui s’accaparent la (dé)formation politique des masses sans laisser la place nécessaires aux médias alternatifs, communautaires, associatifs, etc. pour garantir la pluralité du débat public.

La preuve en est qu’alors que d’importantes personnalités politiques et culturelles se sont publiquement manifestées en faveur du référendum populaire, les principaux médias n’en ont pas touché mot, publiant au contraire quelques éditoriaux qualifiant la campagne de " coup d’état bolchévique ".

Bien que les deux candidates données en tête au premier tour, la Présidente Dilma Rousseff (parti des travailleurs) et l’évangélique social-libérale Marina Silva, aient toutes deux voté en faveur de la constituante, le chemin est encore long. Le blocus médiatique que la campagne a subit, la réticence d’une large part du Congrès sous la pression de l’élite possédante, des latifundiums et des banques restent des obstacles de taille.

De plus à la différence d’une proposition de loi d’initiative populaire la constituante se veut un espace d’échange et de construction collective d’un nouveau modèle où les positions idéologiques s’affronteront nécessairement. De cette manière, même la droite a proposé un modèle de réforme politique. Pour garantir l’adoption de ses propositions progressistes dans cette assemblée constituante, la gauche a ainsi entrepris dans cette campagne un vaste travail de terrain afin de sensibiliser la population qui exprime d’ores et déjà un fort sentiment de rejet vis-à-vis des institutions actuelles. Une façon de canaliser de manière démocratique les répercussions des scandales de corruption dont les médias se sont servi pour diaboliser le gouvernement PT au lieu de questionner, justement, le fonctionnement des institutions.

Les propositions ne font pas l’unanimité, même au sein des organisations membres de la campagne, ce qui montre la richesse et l’importance du débat engagé. L’interdiction du financement privé des campagnes électorales par les entreprises privées, l’introduction de nouveaux mécanismes de participation populaire et l’adoption d’un principe de régulation des médias similaire à la " ley de medios " argentine rassemblent le plus de consensus. D’autres propositions circulent comme l’introduction de circonscriptions électorales pour éviter la compétition intra-partisane aux législatives, la redéfinition du nombre de sièges au Sénat attribués à chaque état qui favorise actuellement les états du Nord contrôlés par les latifundiums, voire la suppression du Sénat. Ces propositions restent pour le moment centrées sur le système politique car les organisateurs de la campagne considèrent que c’est la configuration actuelle de ce système qui bloque l’adoption de nouvelles lois progressistes voire même l’application de dispositions déjà prévues dans la loi comme l’impôt sur les grandes fortunes ou la réforme agraire.

Les urnes du référendum seront remises officiellement au gouvernement, au Congrès et au pouvoir judiciaire à Brasilia le 14 et 15 octobre. Un moment charnière dans l’entre-deux tour des élections présidentielles, sur laquelle les mouvements sociaux comptent faire pression. Lors des manifestations de 2013, Dilma Rousseff avait été la première à proposer aux mouvement sociaux un référendum sur la Constituante, mais le projet a rapidement été enseveli par le Congrès. Les organisations de la campagne comptent sur la réélection de la présidente pour lui rappeler cet engagement et lui apporter le soutien populaire nécessaire pour sa mise en œuvre.

Florence Poznanski
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MessageSujet: Brésil : les « nouveaux prolétaires » feront l'élection présidentielle (Médiapart)   8 millions de brésiliens pour une assemblée constituante (Florence Poznanski) + Brésil : les « nouveaux prolétaires » feront l'élection présidentielle (Médiapart) EmptyDim 5 Oct - 8:35

Vendredi 3 octobre 2014

Brésil : les « nouveaux prolétaires » feront l'élection présidentielle

Dilma Rousseff sera-t-elle réélue présidente, alors que se tient dimanche le premier tour de l'élection ? Pour André Singer, inventeur à São Paulo du concept du « lulisme », ce sont les quarante millions de personnes sorties de la pauvreté ces dix dernières années qui feront le scrutin. Soutiendront-elles encore le Parti des travailleurs, ou opteront-elles pour le programme libéral de Marina Silva ? Explications.

Rio de Janeiro, de notre correspondante. Comment séduire les Brésiliens de la petite classe moyenne ? À la veille du premier tour de l'élection présidentielle, dimanche 5 octobre, c’est la question qui taraude les candidats. Cette population, qui s’est hissée au-dessus du seuil de pauvreté au cours de la décennie passée, sera l’arbitre du scrutin. C’est ce que soutient André Singer, professeur de sciences politiques à l’université de São Paulo et inventeur de la théorie du « lulisme ». Selon cette théorie, la réussite électorale de l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva et plus largement des candidats du Parti des travailleurs (PT), qui appuient aujourd’hui la réélection de Dilma Rousseff, s’explique par une stratégie de réduction graduelle des inégalités sans affrontement politique.

Après avoir été inquiétée au début du mois, Dilma Rousseff semble faire la course en tête en étant créditée, selon les derniers sondages, de 40 % des intentions de vote, contre 25 % pour Marina Silva (Parti socialiste brésilien, PSB), qui a beaucoup chuté, et 20 % pour le conservateur Aécio Neves (Parti de la social-démocratie brésilienne, PSDB).

Mediapart. Jusqu’à la mort d’Eduardo Campos, le candidat du PSB remplacé par Marina Silva, l’élection brésilienne semblait se diriger vers un second tour entre Dilma Rousseff, du PT, et Aécio Neves, du PSDB, soit un affrontement classique entre les deux partis qui dominent la vie politique brésilienne depuis vingt ans. L’irruption de Marina Silva a bouleversé la situation. Il est probable que le duel soit désormais entre ces deux femmes, toutes deux originaires du PT. Comment expliquer la disparition de la droite traditionnelle au second tour ?

André Singer. Le PSDB est confronté à un problème important : celui d’apparaître comme une alternative populaire aux Brésiliens. C’était déjà le cas en 2002 et en 2006. Le fait que l’image du gouvernement soit moins bonne qu’il y a quelques années et qu’il y ait un clair désir de changement crée une situation favorable pour l’opposition. Mais alors que les politiques sociales introduites par Lula et Dilma Rousseff sont désormais perçues comme des droits par les plus pauvres, le PSDB peine à les convaincre qu’il fera une politique qui leur sera favorable.

8 millions de brésiliens pour une assemblée constituante (Florence Poznanski) + Brésil : les « nouveaux prolétaires » feront l'élection présidentielle (Médiapart) Aecio_Neves
Aécio Neves, candidat de la droite brésilienne. © Orlando Brito. Coligação Muda Brasil

À cela s’ajoute le fait qu’Aécio Neves est moins connu nationalement que les précédents candidats de son parti. C’est justement au moment où il allait commencer à se faire connaître, grâce à la propagande électorale télévisée, qu'a surgi Marina Silva, lui volant la vedette.

Marina Silva est non seulement connue – elle avait rassemblé 20 millions de voix lors du premier tour de l’élection présidentielle en 2010 –  mais elle peut mettre en avant une biographie marquée par la composante populaire. Comme Lula, elle vient d’un milieu très pauvre, c’est rare au Brésil. Elle a milité 23 ans au sein du PT, devenu le parti de référence des plus pauvres. Elle attire en outre une frange de jeunes de classes moyennes urbaines, qui se retrouve dans son histoire de militante écologique et ses promesses d’une nouvelle politique. Tout cela ne signifie pas que le PSDB, et encore moins la droite, ont disparu. Ils restent puissants.

Quels sont les électeurs qui se sont déjà décidés pour la réélection de Dilma Rousseff ?

Les plus pauvres, et pas seulement parce que ce sont les premiers bénéficiaires des politiques d’inclusion sociale mises en place ces douze dernières années. On a assisté depuis 2006 à un profond changement de l’électorat du PT. En 1989, en 1994 et en 1998, Lula perd l’élection non pas à cause de l’absence de soutien des élites, qui ne voteront jamais à gauche au Brésil, mais à cause de la méfiance des classes populaires. À l’époque, il est essentiellement appuyé par des classes moyennes intellectuelles urbaines, alors que son discours radical effraye les foyers modestes. Pour ces derniers, Lula, avec son passé de leader syndical, représente le désordre.

Ces classes populaires sont les premières à condamner les grèves et à demander une intervention militaire pour y mettre fin. Confusément, il y a un désir de réduction des inégalités, mais sans remise en cause de l’ordre établi. En 2002, lorsque Lula se présente pour la quatrième fois, il a toujours l’appui des classes moyennes progressistes, mais une partie des moins favorisés mise finalement sur lui, car il a poli son discours et abandonné sa rhétorique de rupture avec le capitalisme.

8 millions de brésiliens pour une assemblée constituante (Florence Poznanski) + Brésil : les « nouveaux prolétaires » feront l'élection présidentielle (Médiapart) Bolsa_familia
Le programme «Bolsa Familia», symbole de la politique de réduction de la pauvreté mise en place par Lula. © Pedro Revillion/Palácio Piratini

Son premier mandat accélère la mutation. L’introduction des programmes sociaux combinée à un discours de conciliation fait, pour la première fois, que les très pauvres votent massivement pour la réélection de Lula en 2006. C’est très net dans le Nordeste, qui tendait à maintenir auparavant des caciques locaux de droite, et où le PT est aujourd’hui le premier parti.

C’est ce que j’appelle le « lulisme » : un projet politique qui a tourné le dos à la mobilisation sociale, et qui parie sur une redistribution des revenus sans confrontation avec le capital, une transition politique sans bataille politique. Cette identification des plus pauvres s’est d’abord portée sur Lula puis sur le PT, ce qui bénéficie aujourd’hui à Dilma Rousseff.

Quel est l’impact de ce changement de base sociale sur le PT ?

Il est considérable. Le Parti des travailleurs est beaucoup mieux implanté et, nationalement, il a gagné en importance. Mais il a aussi changé d’âme. Entre les choix pragmatiques faits par Lula et son expansion au sein d’un électorat plus conservateur politiquement, l’esprit qui a présidé à sa création est devenu minoritaire au sein du parti.

Cette transformation a également alimenté un fort sentiment anti-PT. C’est, à l’origine, une idéologie propre aux plus riches qui rejettent tout processus de redistribution. Ils représentent environ 10 à 15 % de la population. La montée en puissance des pauvres dans l’électorat du parti n’a fait qu’aiguiser cette détestation. À partir de 2005, surtout à partir de ce que la presse a baptisé le « mensalao » (le scandale sur le versement de pots-de-vin mensuels à des députés, il n’a jamais été prouvé mais largement exploité par les médias et l’opposition – ndlr), cet anti-PTisme a gagné en intensité. Il s’est élargi, touchant une partie de la classe moyenne urbaine. Aujourd’hui, il me semble que c’est essentiellement Marina Silva qui canalise ce vote.

8 millions de brésiliens pour une assemblée constituante (Florence Poznanski) + Brésil : les « nouveaux prolétaires » feront l'élection présidentielle (Médiapart) Silva
Marina Silva. Sa candidature a bousculé la campagne présidentielle. © Vagner Campos. MSILVA Online

Marina Silva pouvant mettre en avant ses origines populaires, comment Dilma Rousseff fait-elle, dans cette campagne, pour se démarquer ? Y a-t-il un recours aux mouvements sociaux qui étaient traditionnellement aux côtés du PT ?

Le « lulisme », qui est la principale force politique soutenant le gouvernement, ne suscite pas de mobilisation sociale. On a en revanche assisté à une nette inflexion à gauche de la campagne pour mobiliser les électeurs contre une option libérale. Dilma Rousseff s’est par exemple clairement prononcée contre l’indépendance de la Banque centrale, une promesse de Marina Silva, affirmant que cela reviendrait à remettre la politique monétaire entre les mains des banquiers, avec de désastreuses conséquences sociales.

La Banque centrale est une institution dont peu de Brésiliens comprennent le rôle. Mais les spots de campagne de Dilma Rousseff poursuivent une opération symbolique qui consiste à montrer que, malgré l’histoire personnelle de Marina Silva et son engagement à gauche pendant des années, elle a définitivement basculé dans le camp des patrons et des banquiers. Voter Marina, ce serait donc voter pour l’élite et ceux qui ont toujours eu tous les droits. Les Brésiliens, surtout les moins instruits, n’ont pas une conscience très claire de la question des classes sociales. En revanche, ils savent qu’il y a des riches et des pauvres, et que leurs intérêts sont divergents.

8 millions de brésiliens pour une assemblée constituante (Florence Poznanski) + Brésil : les « nouveaux prolétaires » feront l'élection présidentielle (Médiapart) Ricardo_Stuckert_Instituto_Lula
Lula mène campagne pour la réélection de Rousseff. © Ricardo Stuckert.Instituto Lula

Les douze dernières années – deux mandats de Lula et un mandat de Dilma Rousseff – ont vu l’émergence de ce que les économistes ont qualifié de « nouvelle classe moyenne ». Elle désigne ces quelque 40 millions de personnes qui sont sorties de la pauvreté, et qui gagnent aujourd’hui entre 2 et 5 salaires minimums (entre 500 et 1 200 euros). Comment votent-ils ?

Ce sont les électeurs les plus disputés. Personne ne peut être élu président au Brésil sans une pénétration importante de ce groupe formé par des personnes aux revenus faibles, mais qui ont dépassé le seuil de pauvreté. Je ne suis pas d’accord avec l’appellation de « nouvelle classe moyenne ». Pour moi, il s’agit plutôt d’une nouvelle classe prolétaire. Ils ont accès à la consommation, et au travail avec un contrat qui leur donne des droits, ce dont leurs parents n’auraient jamais osé rêver. Mais, mal payés, ils changent souvent d’emploi, et souffrent de la mauvaise qualité des services publics, notamment le transport. Pour eux, il est commun de passer plus de quatre heures par jour entre bus et métro.

Ce sont des personnes qui travaillent dur, et qui ont donc raison de s’attribuer le mérite de l’amélioration de leur niveau de vie. Mais objectivement, cette amélioration est aussi le résultat direct et indirect des politiques d’inclusion sociale menées ces douze dernières années, entre allocations, hausse du salaire minimum, accès à l’enseignement supérieur pour les plus démunis.

Tout l’enjeu de l’élection est de savoir à quoi, selon eux, ils doivent l’amélioration de leur ascension sociale. S’ils sont conscients du rôle central joué par l’État, ce qui les pousserait à voter pour Dilma Rousseff, ou si, au contraire, ils pensent compter sur les forces du marché pour assurer leur bien-être matériel. D’un point de vue symbolique, la question est de savoir s’ils se perçoivent encore comme pauvres (ce qu’ils sont objectivement), ou s’ils se projettent déjà dans la classe supérieure, avec les réflexes individualistes qui vont avec.

Cette population a-t-elle déjà choisi ? Son vote peut-il encore changer ?

Les instituts de sondage montrent qu’il y a eu de grands changements ces dernières semaines. Dilma Rousseff et Marina Silva étaient au coude à coude, alors que maintenant, la présidente sortante connaît une trajectoire ascendante, et que son opposante est en déclin. Ce qui ne veut pas dire que tout est joué pour un éventuel second tour, car tout cela est très dynamique. Cela s’explique par le fait que ce « nouveau prolétariat » est en majorité jeune, en train de compléter sa politisation. Ce processus a commencé avec les manifestations de l’année dernière, qui sont d’abord apparues comme une protestation progressiste avant d’être récupérées par une partie de la droite, et qui sont restées un mouvement très fragmenté.

Pendant des années, les slogans du PT ont été marqués par un discours sur l’espérance. Cette fois-ci, pourtant, la campagne électorale a mis en avant la peur de faire marche arrière. C’est très net, par exemple, dans le spot intitulé « les fantômes du passé », dans lequel des personnes revisitent ce qu’était leur vie avant l’arrivée de Lula et Dilma à la tête du pays. Comment expliquer ce basculement ?


Il y a plusieurs éléments. Tout d’abord, le PT a fait le choix d’une communication électorale dont l’esthétique repose sur des techniques publicitaires, ce qui est une erreur à mon sens, mais c’est une autre discussion. Plus largement, le PT veut ainsi alerter une population assez peu éduquée. Il force le trait pour qu’elle perçoive l’impact du scrutin sur son quotidien. Dilma Rousseff met en avant une stratégie défensive, pour expliquer que l’urgence est de garantir ce qui a été conquis. À mon sens, cette communication indique aussi à la population que le prochain mandat ne produira plus de grandes avancées sociales, à cause de la crise économique, et que l’enjeu est maintenant de préserver les acquis de la dernière décennie.

Vous nous expliquiez que l’ascension du PT, depuis 2002, s’est faite parallèlement à ce « lulisme », cette façon de gouverner sans rupture, avec des améliorations continues mais graduelles pour la population. Dilma Rousseff est confrontée, à la fin de son premier mandat, à une soif de changement de la part de la population mais à une situation de stagnation économique. Faut-il en conclure que le cycle du « lulisme » touche à sa fin ?

Pas nécessairement, mais il est confronté à une sérieuse difficulté. Pour redistribuer aux plus pauvres sans ôter aux riches, il faut une croissance d’au moins 4 à 5 %, sinon le système est grippé. Or nous vivons, depuis 2011, une situation de crise économique mondiale qui frappe beaucoup plus le Brésil qu’elle ne l’a fait en 2008-2009. Les améliorations d’un point de vue social ont été considérables, mais pour une large partie de la population, on est parti de si bas que, tout, ou presque, reste à faire. Les couches les plus modestes de la population ont vu leur qualité de vie augmenter, mais on est encore loin d’une situation satisfaisante. D’où ce sentiment de malaise et cette volonté de changement.

8 millions de brésiliens pour une assemblée constituante (Florence Poznanski) + Brésil : les « nouveaux prolétaires » feront l'élection présidentielle (Médiapart) Roussef
Dilma Rousseff, une stratégie de communication défensive. © Ichiro Guerra.Dilma 13

Si Dilma Rousseff est réélue, elle va devoir trouver d’urgence une façon de relancer la croissance, surtout depuis qu’elle se présente aux ménages les plus modestes comme la garantie de la stabilité de leurs acquis. Or nous sommes dans une impasse. Pendant la première moitié de son mandat, Dilma Rousseff a fait le pari d’une politique de développement, avec une intervention et des investissements importants de l’État dans certains secteurs et une volonté de relancer l’industrie du pays. Elle a même tenu tête au secteur financier, en favorisant une forte baisse des taux d’intérêt. Mais l’investissement privé n’a pas suivi, et cette stratégie n’a pas fonctionné.

Depuis, elle changé son fusil d’épaule, optant notamment pour une politique monétaire plus restrictive, mais sans véritable objectif. Les taux d’intérêt sont élevés, la croissance est faible, et on a la sensation que l’économie n’est pas vraiment pilotée. Reste qu’une amélioration de la conjoncture mondiale pourrait l’aider : les derniers chiffres de la croissance américaine indiquent peut-être une reprise qui serait bénéfique au Brésil.

En 2010 comme cette année, on a vu des pasteurs évangéliques s’imposer dans la campagne et les candidats ont même été invités, ce qui est inédit, à un débat organisé par l’Église catholique. Quel est le poids de la religion dans ce scrutin ?

C’est une question sur laquelle il faut être très prudent. De façon générale, les études montrent que pour l’élection du chef de l’État au moins (ce n’est pas forcément vrai pour les autres mandats, comme celui de député), la population se décide surtout à partir d’arguments politiques et économiques. Sauf pour une petite minorité, très religieuse, qui va de toute façon voter pour un « candidat de Dieu ». Comme Marina Silva est membre très pratiquante de l’Assemblée de Dieu, elle exerce un véritable attrait sur les évangéliques. Mais je ne crois pas que cela puisse faire basculer l’élection. À moins que cette dernière ne soit très serrée, auquel cas cette minorité religieuse pourrait être décisive.

Avec la montée en puissance des évangéliques notamment, une frange importante de la population, qui n’est pas nécessairement très religieuse, reste plutôt conservatrice sur les questions de société. Comme les grands candidats veulent rassembler au maximum et ne pas fâcher cet électorat, ils refusent de se dire en faveur du mariage entre homosexuels ou pour l’avortement, interdit dans la majorité des cas au Brésil, même si l'on sait que c’est un problème de santé publique. Les thèmes moraux ne sont pas au centre de la campagne, qui reste dominée par l’économie, mais ils y prennent une place croissante, ce qui implique un discours de plus en plus conservateur de la majorité des partis.

Lamia Oualalou
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