Mardi 21 octobre 2014
Des dizaines de députés PS demandent l’exclusion de Gérard Filoche
Gérard Filoche a été déféré devant la haute autorité du PS pour ses propos tenus sur Twitter en réaction à la mort de Christophe de Margerie, patron de Total, dans un accident d’avion, mardi 21 octobre. De nombreux socialistes ne pardonnent pas au pilier de l’aile gauche du parti son épitaphe peu compatissante.
" De Margerie est mort. Famille Taittinger en deuil. Les grands féodaux sont touchés. Ils sont fragiles. Le successeur nous volera-t-il moins ? "
L’ancien inspecteur du travail, membre du bureau national du PS, ajoutait quelques minutes plus tard : «
Un hommage à l’humain ? Oui. Au suceur de sang ? Non. »Alors que la disparition de Christophe de Margerie provoquait un déferlement de louanges, mardi matin, les messages peu amènes de Gérard Filoche ne sont pas passés inaperçus. Plusieurs voix de droite se sont élevées dans la matinée pour
demander au PS son
exclusion après ce
« dérapage ».
« Filoche doit s’excuser ou le Parti socialiste doit l’exclure après ses propos scandaleux », a ainsi réagi Daniel Fasquelle, député
UMP du Pas-de-
Calais. Au sein même du PS, plusieurs élus se sont indignés de la réaction de M. Filoche. Des dizaines de parlementaires ont demandé à Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du parti, sa mise à l’écart.
Patrick Mennucci :
" J'ai demandé au Parti Socialiste l'exclusion de nos rangs de G Filoche. L'indecence et la violence de son tweet sur M de Margerie le justifie "
Interrogé à l’Assemblée nationale lors des questions d’actualité au gouvernement,
Manuel Valls a lui aussi évoqué le cas Filoche. Le premier ministre, qui était
« un ami personnel » de M. de Margerie, a lancé à la tribune :
« Ceux qui ont des mots qu’on ne peut pas prononcer face à un mort ne méritent pas d’être dans ma formation politique. »Jean-Christophe Cambadélis a évoqué en ouverture du bureau national du parti, qui se tenait mardi soir,
« des propos inqualifiables et intolérables, mettant en cause l’éthique du PS ». Avant d’annoncer qu’il allait
transmettre le cas à la haute autorité. Cette instance, présidée par Jean-Pierre Mignard, a été créée par
la révision des statuts de 2012.
« Indépendante de la direction du parti », elle est chargée de
« faire respecter les règles d’éthique et de droit qui s’imposent au Parti socialiste et à ses adhérents ». Elle peut
infliger des sanctions allant du blâme à l’exclusion.
L'exclusion, un sport compliqué au PSEn réalité, beaucoup de socialistes ne seraient pas chagrinés par une mise à l’écart du pilier de l’aile gauche du parti, qui est souvent plus proche de la ligne de M. Mélenchon que de celle du gouvernement. Même à l’aile gauche du PS, peu de députés ont volé au secours de leur camarade. Pouria Amirshahi, député des Français de l’étranger, a tout juste regretté
« le jugement moral » rendu par le gouvernement, tout en désapprouvant les propos de Gérard Filoche.
« Il n’aurait pas dû dire cela aujourd’hui, mais, avec du recul, nous pourrions tirer les leçons de cette insupportable suffocation médiatique sur les réactions à [la] mort [de M. de Margerie], qui crée de fait une hiérarchie troublante et gênante dans l’actualité et dans les décès », a-t-il expliqué.
Mais, au PS, les processus d’exclusion sont plus compliqués que certains le voudraient. La Rue de Solférino n’a jamais réussi à
exclure officiellement Jean-Noël Guérini, le président du conseil général des Bouches-du-Rhône, mis en examen pour
« prise illégale d’intérêts, trafic d’influence et association de malfaiteurs », qui a annoncé lui-même en avril qu’il quittait le PS. En réalité, seule la dissidence électorale provoque quasi mécaniquement l’exclusion du parti.
Les proches de Gérard Filoche espéraient, mardi soir, après le bureau national, que la tension allait
redescendre.
« Tout cela n’est pas très sérieux, et Gérard lui-même n’est pas très sérieux », relativisait un membre de l’aile gauche. M. Filoche, qui figurait parmi les premiers signataires de la motion Maintenant la gauche, arrivée en deuxième position au congrès de
Toulouse en 2012, est membre de droit du bureau national. Cet ancien de la LCR, spécialiste du code du travail, est considéré comme la borne la plus à gauche du Parti socialiste. Jean-Christophe Cambadélis, pour s’amuser de l’art de la synthèse socialiste entre l’aile droite et l’aile gauche, décrit souvent le PS comme
« le parti des deux Gégé : de Gérard Collomb à Gérard Filoche ». Une définition que certains seraient ravis d’effacer.
Nicolas Chapuis