Quitter le parti politique dans lequel on a milité des années, avec passions, avec espoir, n’est jamais, absolument jamais, une chose simple. Le faisant, vous savez non seulement que vous prenez conscience de la distance qui vous sépare de l’orientation prise par « l’appareil’ dans lequel vous avez pourtant tellement investi. Mais vous réalisez aussi que localement plus rien ne vous retient,
car localement aussi l’orientation prise par votre appareil local, sa manière de fonctionner, voire sa caporalisation autour d’une figure et d’une seule devient insupportable…Cette prise de conscience et ce choix, ils ne sont pas un ou deux, ni même trois a l’avoir fait ce dimanche 15 décembre à Montreuil en Seine Saint Denis.
Ils sont 30 socialistes, oui 30. Parmi eux, on peut tout aussi bien trouver des militants « de base » comme on dit de manière insultante, car il n’existe pas de militants de base. Mais il y a aussi la présidente de ce qui fût le groupe des élus socialistes de Montreuil, rendez-vous compte.
Leur désir n’est plus de faire de la manœuvre d’appareil, de la guéguerre à gauche en avançant chaque jour qui passe des arguments de campagne droitiers juste parce que c’est électoralement bien, potentiellement « rentable ». Ou bien encore parce qu’il s’agit de faire des élus pour faire des élus histoire de compter un peu plus dans l’appareil national dans l’optique de renforcer sa position de courant.
Et puis après on se range derrière ce que l’on refuse en politique, ce que l’on combat même souvent: le cumul des fonctions en veux tu en voilà, des arguments
de campagne sécuritaires, un PS qui serait toute la gauche à lui tout seul. Ainsi, dans leur
communiqué de presse, ces 30 courageux socialistes de Montreuil insistent sur leur désir de voir naître un nouveau Front Populaire autours des valeurs d’une gauche qui défend véritablement les classes fragiles, les citoyens en danger dans leur vie de tous les jours parce que pauvres, sans logement, sans patrimoine, sans carrière à défendre parce que sans travail du tout. Ils indiquent alors tout autant la triste réalité qu’ils constatent. Une réalité où l’appareil socialiste ne défend plus du tout les intérêts des classes populaires, moyennes, ouvrières, mais ses intérêts propres. Le choix pour eux était donc aussi de continuer à être des cellules digérées par un appareil dont le seul but désormais est de s’auto-entretenir, ou bien de rejoindre la gauche.
Leur décision de quitter le PS pour rejoindre la gauche à Montreuil vient de loin. Certains de ces courageux ont siégé au sein du conseil municipal sortant. Un de ces courageux est une courageuse. Elle a pour nom Alexie Lorca et a été la présidente des socialistes municipaux. Ils ont vu les manœuvres internes de l’appareil socialiste. Un jour on soutient Voynet au plus haut sommet de l’assemblée nationale. Un autre jour un député monte à l’assaut d’une ville symbole, une ville de plus de 100 000 habitants limitrophe à Paris: Montreuil. Ce député, qui a pour nom Razzy Hammadi, après avoir essayé dans le sud de la France, puis dans le Val de Marne, part à la conquête de la Seine Saint Denis, un territoire populaire donc
porteur pour un membre de « l’aile gauche du PS ». Puis, au plus haut sommet de l’assemblée nationale,
on voit l’ambition de carrière de ce jeune loup politique. Alors au sommet de l’assemblée nationale on comprend que rien ne l’arrêtera. Alors on flingue Dominique Voynet et on s’appète à se rendre au meeting de lancement de campagne du jeune loup affamé. Il faut dire que le patron du sommet de l’assemblée nationale est également
le véritable patron de la Seine Saint Denis, que Voynet elle même surnomme aisément « le parrain ». Voilà donc le niveau politique de cet appareil, tant au national qu’au local. Durant tout ce temps, ces 30 socialistes discutent, rencontrent et donc apprennent à connaître les composantes de la gauche au conseil municipal de Montreuil. Ils comprennent ce qu’est la Fase, le Parti de Gauche, Le PCF et on en passe. Ils découvrent un Front de Gauche responsable, apte à gouverner, ce qui tranche singulièrement avec l’image de radicaux excités qu’on essaie de lui coller à la peau du côté de Solférino, image que beaucoup de socialistes sincères reprennent sans même sans rendre compte et insultent ainsi l’avenir.
Ils ont compris, ces 30 courageux, qu’un congrès de plus ou de moins n’y changera plus rien. Alexie Lorca était membre de « Maintenant La Gauche« , le doux nom porteur et médiatique donné à la motion 3 lors du dernier congrès socialiste de Toulouse. Et vous savez quoi? Elle a même mis la main à la pâte, ou plutôt le stylo dans l’encrier en participant à la rédaction de la motion de ce courant naissant. Pour ce qui nous concerne, nous avons fait le congrès de Reims avec elle. Et nous avons vu comment le duel final, qui devait opposer le représentant de l’aile gauche et la représentante de l’aile syncrétique s’est transformé en trio, à l’issue d’une nuit des résolutions dont seul le PS a le secret qu’il garde bien. Une fois encore les militants se sont vus voler leur vote! Rassurez, point d’aigreur dans nos mots. Nous les prononcions avant même le congrès de Reims, ils ont été écrits 2 semaines avant ce congrès, dans le célébrissime journal Libération lors d’une interview que ce journal nous avait demandé et que nous lui avions accordé. Nous étions socialiste et déjà passionné, déjà en colère, mais certainement ni agressif, ni aigri. Simplement volontaire et encore dans l’espoir…tellement déçus. Les 30 courageux socialistes de Montreuil ne sont donc plus socialistes, ils ont démissionné, ils ne participeront pas au prochain congrès avec son espoir d’un simple recentrage tellement il est à droite. Alors ils n’assisteront pas à une nouvelle nuit des résolutions dans l’attente de savoir si la fumée qui sort de la cheminée est blanche ou noir, si le nouveau pape est désigné ou pas…
. Nous avons la chance de connaître certains et certaines de celles et ceux qui écrivent le programme, font la campagne. Nous les savons désireux de ce nouveau Front Populaire. Nous les savons enclins à une réelle recomposition de la gauche autours des valeurs qui
sont les siennes, et pas d’autres valeurs.
Comme cette recomposition est en cours dans d’autres villes de la Seine Saint Denis, aux Lilas par exemple, où après 13 années d’une alliance avec le PS, EELV a décidé de conduire une liste autonome de premier tour avec le Parti de Gauche et les Alternatifs au travers de la liste «
Les Lilas Autrement« . Comme à Saint Denis où EELV a décidé de ne pas céder aux sirènes d’un autre jeune loup député socialiste, Mathieu Hanotin, et de poursuivre avec le Front de Gauche. Pourquoi cette recomposition est-elle en marche? Pourquoi à Montreuil des socialistes font le choix du Front de Gauche. Laissons les répondre eux mêmes à cette question :
- Citation :
- « Socialistes nous sommes, socialistes nous restons, et c’est en tant que tels que nous rejoignons Montreuil Avenir*, la liste d’union de la gauche conduite par Patrice Bessac et déjà soutenue par le Front de gauche ».
Socialistes ils sont donc, et entendent le rester.
Sydne93
