C’est dans le « Roman de Renart » que l’on trouve les premières traces du proverbe populaire « Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse ». 
Sa signification est simple et emplie de cette sagesse populaire chaque fois qu’il est question de proverbes: à force de s’exposer au danger, on y succombe. Et Solférino, depuis le 6 mai 2012, s’expose au danger, probablement mortelle pour la gauche, d’imiter la droite dans ce qu’elle a de pire. Inutile de répéter les imitations. Chacun les a en tête. De l’Ani à la détérioration des conditions de départs en retraite, de l’instrumentalisation de l’immigration à la caporalisation de la vie politique, de l’alignement à la politique pro-atlantiste si chère à Sarkozy à l’obéissance aveugle aux diktats des marchés financiers et à la politique de l’offre. Oui, vraiment inutile de rappeler tout cela et les conséquences de tout cela. Augmentation du chômage, dégradation du pouvoir d’achat, reculades répétées devant chaque lobby conservateur qui se lève et qui hurle.
La fronde monte, la fronde gagne, aussi bien les citoyens de gauche que les « collaborateurs » socialistes eux mêmes.Les citoyens de gauche tout d’abord, qui, chaque fois qu’on les a consulté depuis le 6 mai 2012, ont préféré aller faire des courses un dimanche pour dépenser un salaire qui n’a pas augmenté, une allocation chômage menacée, une pension de retraite qui ne sera pas prise avant 66 ans dans le meilleur des cas. Les collaborateurs socialistes ensuite, qui dénoncent la manière dont
on les muselle, dont on les empêche de faire leur job d’assistant parlementaire. Les chefs décident, les chefs tranchent et les autres, tous les autres doivent se taire. A tel point qu’on leur refuse maintenant d’assister aux réunions du groupe PS de peur qu’ils s’expriment à la fois sur les orientations politiques décidées par Matignon et l’Elysée, via un tweet bien senti, que sur leurs conditions de travail.
Mais la fronde gagne la rue de Solférino elle même. La rumeur du limogeage du patron des militants socialistes, Harlem Désir, enfle et enfle encore. Mais pourquoi donc? Parce qu’il
dénonce la manière dont le président s’est subitement pris pour Salomon.Couper un enfant en deux, c’est exactement ce que François Hollande a proposé ce Week-End. Revenir seule ou rester en famille, tel est le choix que le président de la république a proposé à Léonarda. Vous parlez d’un non choix en vérité! Tout cela parce que Valls le mord, le concurrence,
le dépasse. Tout cela parce que François ne sait plus comment arrêter la machine qu’il a lui même mis en route: l’ascension de Manuel, le marginal de 2011, qui ne pesait guère plus de 5% à la primaire socialiste.
Alors les sondages font leur œuvre, les sondeurs leur besogne. On demande aux citoyens s’ils veulent plus de sécurité. Que peuvent-ils répondre d’autre que oui? On demande aux citoyens s’ils sont satisfaits de la politique de leur président du 6 mai. Que peuvent-ils répondre d’autre que non? Hollande gouverne à droite lorsqu’une immense majorité de Français a réclamé un changement. Oui, une immense majorité. Car il est faux de croire que Hollande a gagné avec une courte avance de 600 000 voix. En 2007, Sarkozy était élu avec 54% des suffrages. En 2012 il ne fait que 48%. 2 millions d’électeurs avaient donc quitté la droite dure pour rejoindre les 16 millions de citoyens de gauche qui s’opposaient à Jacques puis à Nicolas durant 10ans. Loin de le comprendre, Hollande a fait ce en quoi il croit: du libéralisme en utilisant le langage de la synthèse, c’est à dire manœuvres et pressions sur les siens. Si d’aventure les mêmes sondeurs demandaient aux Français s’ils souhaitent plus de redistribution, que répondraient-ils? Oui à n’en point douter! Si les mêmes sondeurs demandaient aux Français s’ils souhaitent une taxe sur le capital plutôt qu’une augmentation de la TVA, que répondraient-ils? Oui à n’en point douter! C’est d’ailleurs exactement ce qu’ils ont répondu lors de l’immense sondage du 6 mai 2012.
Si bien qu’une autre rumeur enfle, encore plus folle que folle, encore plus suicidaire que mortelle. Une
dissolution de l’assemblée nationale serait envisagée, afin que la droite gagne, puis devienne à son tour impopulaire dans le but qu’en 2017 François redevienne l’espoir de la gauche. La Ve république se révèle telle qu’elle est en réalité, un immense jeu, où la stratégie du « qui perd gagne » serait activer pour conserver son lit au palais. Dans les coulisses, Copé se prépare à devenir premier ministre affolé qu’il est par un retour de Sarkozy. Dans les coulisses, les vallsiens s’affolent de la manœuvre, eux qui rêvent d’imposer des primaires en 2016 au sein du PS,
un plan B à l’automaticité d’un Hollande forcément candidat puisque sortant. Car le PS n’est plus un parti de courants dans lequel la ligne idéologique se décide à l’issue d’un congrès. Car le PS est devenu une machine à fabriquer du candidat présidentiel lors d’une primaire.
Le PS solférinien ne s’abreuve plus, finalement, qu’à la source d’une droite qu’il était supposé remplacer. Dans le fond de la politique entreprise, dans la forme des manœuvres politiciennes, il s’englue dans la Ve République monarchique et libérale. Si bien qu’à force de s’exposer au danger il y succombe. Si bien qu’à force d’aller à l’eau conservatrice et libérale, il se noie.
Sydne93 
